Chapitre 14

58 16 2
                                    

Les jours passaient tandis que Doyoung et Jungwoo se retrouvaient tous les soirs où Jungwoo travaillait. Ils avaient tellement l'habitude de se voir qu'ils ressentaient un manque dès lors qu'ils se quittaient. Ils pouvaient parler de tout et n'importe quoi, ils se sentaient à l'aise entre eux. Alors, leurs discussions tournaient souvent autour de leur ancienne amitié, Doyoung disait à Jungwoo ce qui revenait dans ses rêves des détails dont il se souvenait et qu'il jugeait important de souligner. Jungwoo voulait aider Doyoung à se souvenir de sa vie d'avant l'accident, de sa relation avec ses parents, des souvenirs des parents de Jungwoo aussi.

Un soir où Jungwoo voulait en savoir plus sur la façon de penser de Doyoung, il savait que ce dernier avait quelques pensées qui tiraient sur l'imaginaire, le délire même, il fut surpris de l'univers dans lequel s'était embarqué son ami.
Jungwoo se demandait si l'ancien travail de Doyoung celui de conteur ne l'avait pas influencé sur ses idées. Pour être conteur il fallait tout d'abord être réceptif aux histoires, y prendre goût et jouer le rôle. C'etait d'ailleurs exactement la phrase qu'il recherchait. Jouer le rôle. En général le mot jouer revient à quelque chose de positif, de ludique, alors que jouer un rôle est à double tranchant. Il faut forcément un méchant, celui qui fait peur sinon à quoi sert-il de vivre? Il faut du malheur pour savoir que le bonheur existe. Vivre dans une utopie n'est pas franchement passionnant pensa Jungwoo.
Parce qu'on peut se mettre dans la peau d'une personne hors norme ou considérée comme anormale.

Jungwoo qui avait maintes fois entendu Doyoung répéter à quel point ses cauchemars étaient horribles se demandait quand même pourquoi celui de Doyoung à la guerre, soit celui qui l'avait le plus marqué, était celui qui était ressorti dans ses délires. Ce qui en fait n'était pas si étonnant lorsqu'il y repensait.

Doyoung avait été pour Jungwoo un meilleur ami, un frère, quelqu'un de sa famille, quelqu'un d'irremplaçable parce que tel un main avec cinq doigts, chaque doigt constitue un membre de la famille. La main sans un doigt n'est rien comme une famille sans un membre. Il y aura toujours une chose qui manque, une présence.
C'est la raison pour laquelle Jungwoo buvait les paroles de Doyoung comme s'il était la personne la plus sage de cette terre. Il ne voulait plus de mensonges, il ne voulait plus être séparé de son ami.

Doyoung continuait de parler de son "miteux-métier" comme l'avait dit une fois Jisoo, et Jungwoo l'écoutait attentivement.
Jungwoo qui connaissait Jisoo se demandait comment elle pouvait être aussi prononcée dans ses propos, elle prenait partie ce qu'une psychologue n'est normalement pas censé faire. Après quelques réflexions il se contrecarra tout seul en se disant qu'il n'était pas le mieux placé pour parler d'impartialité.
Avec le nombre de fois où Doyoung répétait les mêmes scènes à chaque fois, surtout celle où il etait sauvé par son parachute alors que l'avion qu'il pilotait fonçait droit sur un immeuble, Jungwoo les connaissait par cœur. Ils en rigolaient même. C'était leur petit rituel dès lors qu'ils se retrouvaient. Doyoung avait pris l'habitude de saluer Jungwoo, son "Colonel".

Sans qu'ils s'en rendent vraiment compte, ils se prenaient au jeu. Doyoung aimait que ce soit Jungwoo qui lui donne des ordres, pas les autres. Il n'appréciait pas vraiment Jaehyun parce que Doyoung savait qu'il voulait les empêcher de se voir. Un professionnel n'avait pas a fréquenter son patient. Même si ce n'était pas le sien à proprement parler, c'était le patient d'un de ses collègues.
Mais ça, Jungwoo s'en fichait. Il était en train de récupérer les années perdues de tant de souffrances pour l'un comme pour l'autre.
Qu'est-ce que c'était soulageant!

Jungwoo était prêt à prendre tout ce qu'il pouvait de Doyoung. Ses moments de joie comme de tristesse ou de délires. Il était tellement empris de lui qu'il compatissait à chaque instant. Trop sûrement. Il commençait à avoir peur pour Doyoung plus que pour lui même.

L'état psychologique de Doyoung se détériorait. Tout ce dont il avait besoin selon Jaehyun, Yongguk, Jisoo, Siyeon et les autres professionnels de santé, c'était de couper Doyoung de tout comportement délirants et déviants de la part des autres patients. Et le fait que Jungwoo s'intéresse à ses idées n'arrangeait rien. Bien au contraire, Doyoung rentrait beaucoup plus loin dans ses délires. Il ne faisait plus de cauchemars, ses médicaments l'aidant aussi. Mais ses hallucinations prenaient vie lorsqu'il parlait avec Jungwoo.

Effectivement, Doyoung avait entrainé Jungwoo dans sa chute. Les deux amis dès qu'ils se voyaient jouaient le jeu du Colonel et du Commandant devant effectuer leur mission quotidienne. Mais alors, comment se faisait-il que le Colonel ne se rende pas compte que le Commandant survive toujours? Parce que Jungwoo sombrait. Tellement habitué à jouer, il ne voyait pas où était le mal. Il soutenait son ami alors quoi de plus altruiste? Sauf que Jungwoo semblait rentrer dans le rôle et ne voulait pas en sortir. Il se sentait bien en étant une autre personne que lui même.

Alors que Jungwoo commençait à avoir les mêmes idées que celles de Doyoung, Jaehyun, inquiet pour son ami et pour son patient vint lui parler.
C'était un après-midi, lorsque Jungwoo prenait sa pause, Jaehyun sautait sur l'occasion.

-Jungwoo, il faut qu'on parle. S'il te plaît, rajouta-t-il.
-Je n'ai rien à te dire.
-Très bien, mais moi j'ai des choses à te dire. Alors je n'aime pas faire ça, mais tu n'as pas le choix à present, et moi non plus, soupira Jaehyun peiné.
Son interlocuteur ne répondait rien.

-Jungwoo, qu'est-ce que tu es en train de faire sincèrement? Ça dépasse le raisonnable. Je veux bien comprendre qu'il s'agit de ton ami d'enfance mais cette relation semble très inappropriée.
-Je ne peux rien faire je suis son subordonné, alors c'est à moi seul que revient la décision de faire ce que je veux de lui. Or, je veux qu'il reste en vie parce qu'il est précieux pour moi.
-Son subordonné? Mais de quoi tu parles? Me dis pas que... Oh non.
Tu vas t'éloigner directement de Doyoung ou j'en parle à nos supérieurs. Je ne rigole pas Jungwoo, la balle est dans ton camp. Je te laisse une semaine pour reprendre une vie normale et ne pas te bousiller la santé pour lui. Je ne te laisserait pas faire crois-moi.

Jungwoo ne se rendait pas compte de comment Doyoung l'avait influencé. Cela se répercutait dans la vie de tous les jours. Il s'absentait de plus en plus au travail et venait dans l'hôpital que pour croiser Doyoung et se perdre dans leurs beaux échanges. Il ne pensait plus à ses amis, collègues,  famille. Il ne pensait qu'à protéger Doyoung, toujours, quitte à y laisser les plumes et se brûler les ailes.

Read me/ DowooOù les histoires vivent. Découvrez maintenant