*Chapitre 26*

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Le soir était tombé, et Tyki ne voulait pas rentrer chez lui. Sa mère passerait très certainement encore la nuit dehors, et son père serait à coup sûr trop ivre pour s'occuper de lui. Adossé contre un mur, il observait les étoiles. Il s'en voulait énormément d'avoir abandonné cette petite fille à son sort. Mais elle, contre toute attente, elle l'avait remercié, le sourire aux lèvres. Ça lui déchirait le cœur.

Les rues commençaient à se vider, signe qu'il devait être assez tard. Il plongea les mains dans ses poches et s'élança avec dépit pour retourner chez lui. Lorsqu'il entrouvrit la porte, une forte odeur nauséabonde s'immisça dans ses narines, lui retournant l'estomac. Il se pinça le nez et avança jusqu'à sa chambre, mais un corps gros et immonde lui barra le passage. L'homme ne semblait pas le discerner nettement à cause des ses yeux vitreux, mais il le devinait suffisamment pour s'adresser à lui.
- T'étais passé où, hein ?! Et la bouffe ?! T'as pensé à ma bouffe ?!
L'enfant le regarda à peine. Quand il était dans cet état là, il ne représentait pas de menace particulière : ses idées et ses gestes étaient embrouillés, si bien qu'il ne parvenait jamais à l'attraper et qu'il finissait rapidement par oublier l'existence même de son fils. Tyki le contourna et s'enferma à double-tour dans son alcôve. Le dégénéré donna plusieurs coups en beuglant, puis vaqua de nouveau à ses occupations. Le garçon souffla de soulagement et s'allongea sur le matelas piteux qui lui servait de lit. Il n'aurait pas de repas ce soir non plus. Il y était habitué, et n'y prêtait plus vraiment attention. Il ferma alors les yeux et, malgré le tapage incessant de son père, il finit par s'endormir.

« Une douce chaleur m'envahit. Je me sens incroyablement bien : je n'ai ni faim, ni soif, et mes douleurs ont disparues. Un doux parfum vient me titiller les narines, si bien que j'ouvre les yeux. Je ne suis plus dans ma chambre, mais dans un immense champ de fleurs. Je ne saurais même pas en nommer la moitié, mais c'est magnifique. Je reste assis là, observant le paysage qui s'offre à moi. C'est un rêve ? Très certainement, parce qu'il n'y a vraiment aucune chance que j'aille un jour dans un endroit pareil. C'est bien trop beau pour une personne comme moi. Soudain, des rires me parviennent. Ce sont ceux d'une enfant. Sans m'en rendre compte, je me lève et suis cette mélodie. Au loin, j'aperçois une petite fille aux longs cheveux bruns portant une jolie robe blanche et courant après trois papillons couleur or. Je m'approche et finis par arriver à sa hauteur. Je la reconnais immédiatement. Elle stoppe sa course effrénée pour se tourner vers moi. Elle me sourit.
- Toi aussi tu es venu, Tyki ?
- Aimée...
Je soupire. Définitivement, ça ne peut pas être réel, elle ne peut pas être ici.
- C'est un rêve, pas vrai ?
- Peut-être, oui. Me répond-elle. Ce jardin est vraiment trop beau pour être réel ! Mais c'est pas grave, parce que tu es venu le voir avec moi !
Elle fronce les sourcils.
- Tu n'es pas un faux toi aussi, hein ? Parce que... ce serai vraiment dommage.
Elle a l'air assez attristée par cette idée. Est-ce véritablement un simple rêve ?
- Non, je suis bien là.
Sa bonne humeur revient aussitôt. Elle est plutôt attendrissante.
- Tant mieux, on va pouvoir jouer ensembles !
Il semble que nous soyons en plein après-midi. Je ne sais pas quelles lois régissent cet endroit, mais à l'heure actuelle, plus rien n'a d'importance. Je veux juste... profiter de ce temps passé avec elle.
- Oui, autant que tu voudras !

Je me jette au sol, essoufflé. Aimée ne tarde pas à me rejoindre. Cela fait bien longtemps que je ne me suis pas autant amusé. Le soir est tombé, et les étoiles sont à présent bien visibles dans le ciel. Aimée les regarde en rigolant.
- J'espère qu'on pourra passer d'autres après-midis tous les deux, Tyki !
- Moi aussi...
Je pose mon regard sur elle. Elle paraît si joyeuse, si douce. La scène du commissariat me revient alors en mémoire.
- Dis Aimée, c'était ta mère qui t'a crié dessus tout à l'heure ?
- Cassie ? Non, c'est la femme de mon père. J'ai pas de maman, moi.
- Hein ? Sérieusement ?
- Bah oui, mon papa a trompé Cassie avec une autre femme, et me voilà !
Son sourire disparaît.
- Elle dit souvent que je n'aurais pas dû naître. Plus le temps passe, plus je me dis qu'elle doit sûrement avoir raison.
- Quoi ?! Ne dis pas n'importe quoi !
Elle sursaute.
- Désolé, je n'aurais pas dû crier. Mais moi, je suis content que tu sois née. Tu es la première personne... avec qui je me lie d'amitié.
Son visage se radoucit et elle me prend par la main.
- On sera toujours là l'un pour l'autre, hein ? Tu ne m'oublieras pas, d'accord ?
- C'est promis.
Je déglutis.
- Si seulement ça pouvait ne pas être qu'un simple rêve...
- C'en est pas un. J'en suis sûre. Lâche-t-elle avec conviction.
- Et comment on peut en être en certains ?
Elle réfléchit un instant puis son regard se pose sur son poignet, où se trouve un petit bracelet de perles. Elle le défait délicatement et me le tend.
- Prends-le. Si tu l'as encore à ton réveil, alors ça voudra dire que notre promesse est bien réelle.
Je le saisit et le serre dans le creux de ma paume. Soudain, un vertige s'empare de moi.
- Je crois que c'est fini... Souffle-t-elle. On se sera vraiment bien amusés.
- Aimée... Attends-moi. Je viendrais te chercher, et je t'offrirais une vie meilleure !
Une larme dévale sa joue.
- Je t'attendrais, Tyki. Aussi longtemps qu'il le faudra. »

C'était le matin. Tyki se redressa sur son lit, et essuya ses yeux en pleurs.
- Qu'est-ce qu'il m'arrive... ?
Quelque chose attira son attention, et il baissa la tête vers sa main droite, dans laquelle il tenait un bracelet de perles. Il resserra son emprise sur l'objet.
- Alors tout ça s'est réellement passé... et notre promesse aussi.
Il changea rapidement de vêtements et s'extirpa de sa chambre. Son père avait disparu, sûrement était-il sorti pour se trouver à manger. Le garçon conclut qu'il valait mieux ne pas être là à son retour, et quitta prestement l'appartement. Il erra longtemps en ville, réfléchissant à un moyen de s'émanciper. Soudain, une main plutôt frêle se posa sur son épaule, le retenant avec toute les force dont elle était dotée. Lorsqu'il se retourna, il tomba nez à nez avec une sublime femme aux longs cheveux bruns.
- Tyki, qu'est-ce que tu fais dehors à une heure pareille ?! Et où est ton père ?!
Il se dégagea de sa prise et la fusilla du regard.
- Fous-moi la paix. Cracha-t-il.
- Pardon ?! C'est à ta mère que tu parles, j'te signale !
Il s'apprêtait à partir, mais des cris provenant du bout de la ruelle l'interpellèrent.
- Hé, qu'est-ce que tu fais Mélissa ?! On commence à s'impatienter !
- J'arrive, deux minutes !
Deux hommes se tenaient à quelques mètres d'eux, les yeux collés sur la poitrine de la jeune femme.
- On en a marre d'attendre !
Tyki retint un juron et les dépassa en les bousculant. Aussitôt, l'un d'entre eux le saisit par le col et le plaqua contre le mur.
- T'aurais pas un truc à nous dire, gamin ?
Il puait l'alcool, si bien que le garçon manqua de s'étouffer.
- Ouais : lâches-moi, l'ivrogne.
Pour toute réponse, l'homme lui décocha un coup de poing en plein visage, lui éclatant le nez dans un monstrueux fracas, puis le jeta au sol.
- Je crois que t'as pas bien compris à qui tu t'adressais : tu vois cette étoile là, sur ma veste ? C'est le signe des hunters. Tu nous dois le respect.
Les hunters ? Jamais entendu parler. Mais il s'en fichait pas mal. Tout ce qu'il voulait, c'était refaire le portrait de ces deux abrutis, qui semblaient bien s'amuser de la situation. Le deuxième s'avança, un horrible sourire collé au visage.
- Laisses-moi profiter aussi, Jack.
Alors qu'il allait se défouler sur lui, Tyki tendit automatiquement le bras devant lui, comme pour se protéger. Une étrange poche noire fendit soudain l'espace, et la tête de son agresseur y fut aspirée. Elle disparut, et le corps sans visage s'écrasa par terre. Mélissa contint un cri d'effroi. L'autre hunter se jeta sur lui et le plaqua face contre terre.
- Qu'est-ce que tu viens de faire, enfoiré ?! Tu sais quelle est la peine pour ceux qui tuent des hunters ?!
Il fit apparaître une dague et la lui planta dans le dos.
- C'est l'agonie... puis la mort !
Il descendit la lame le long de sa colonne vertébrale, lui arrachant un cri de douleur. Un second portail s'ouvrit sous Tyki, et celui-ci s'y engouffra. Il refit surface derrière le hunter, dague à la main.
- Je vais te crever, connard !
Il lui transperça le cœur une première fois, puis réitéra son attaque une dizaine de fois. Lorsqu'il se releva, il était couvert du sang de sa victime.
- Mon dieu Tyki, qu'est-ce que tu as fait ?! Hurla sa mère. Qu'est-ce que tu as fait ?!
- Fermes-là ! J'en peux plus de t'entendre ! Je te déteste... Je vous déteste... Toi, papa, ces deux ivrognes, et tous ceux qui sont sur cette Terre... Je vous hais ! Je vous hais tous !
« Je t'attendrais Tyki. Aussi longtemps qu'il le faudra. »
- Non, pas tous... pas elle... pas Aimée...
Il regarda ses mains immaculées.
- Je peux pas me montrer à elle comme ça... Il faut que je change... C'est ça... je deviendrais quelqu'un de parfait, un homme dont elle sera fière ! Il n'y a que ça qui compte !
Il ouvrit un portail et y pénétra.
- Attends-moi encore un peu, Aimée.

Last Stardust || Inspiration D.Gray ManOù les histoires vivent. Découvrez maintenant