De ma main fragile je caressai le lin qui servait d'ultime frontière entre mes doigts et sa peau nue. Un violon violent résonnait dans le phonogramme, donnait une ambiance lugubre à ce grand salon éclairé par la seule lumière que provoquait le feu dans la cheminée. Le vin nous avait étourdis et donné faim. Son crin roux et sa peau couleur mie de pain faisait tomber bien des personnes dans ses bras, je le savais. Je m'éloigne pour aller dans la cuisine, son corps vu de loin me plaisait moins, mais elle ne le savait pas. Je n'étais pas comme les autres. Elle avait une âme de muse, elle était la mienne, mais elle restait têtue comme un âne. Comment lui dire que ce n'était pas son corps que je désirais ? Il fallait savoir l'aimer, et j'étais maître de cet art. J'avais des allures de lion, je paraissais maîtresse forte et autoritaire, lorsque je n'étais qu'un pion, pour elle. Je n'étais pas roi de la jungle, je ne dictais pas ma loi. J'étais pris au piège. Parfois j'essayais de filer, d'aller voir ailleurs, de m'enfuir ! Mais il lui suffisait de siffler pour que je tourne mes talons. Je pourrais boire à m'en vider la bile pour oublier ce vil bout de femme.