Mean Vampires - Tome 2

Chapitre 1 - K

Non!

***

Je me lève en sursaut, réveillée par l'exclamation de mon rêve. Ce cri... c'était une voix de femme inconnue.

Dans ma chambre d'internat, le soleil perce à travers les rideaux, déposant d'innocents rayons de lumière sur mes cartons à peine déballés. Le silence de la pièce contraste avec l'animosité en moi. Je serre les dents. Comment ne pas angoisser lorsqu'on fait sa rentrée dans un nouveau lycée, dans une nouvelle ville?

Je m'assois sur ma couchette. Je me suis réveillée bien trop tôt, et j'ai encore du temps devant moi. Du temps qui ne me servira qu'à ressasser le passé, encore une fois.

Je ne me rappelle de rien de mon enfance. On m'a dit que ma mère et mon père, un vampire et une humaine, étaient morts le jour de ma naissance, et que je l'avais mérité, moi, l'hybride monstrueuse. Personne ne savait réellement ce que j'étais, et j'avais pu toute ma vie observer cet air de dégoût mêlé de fascination peint sur le visage de toute personne connaissant ma condition. Je n'avais jamais ressenti de soif de sang pourtant, jamais développé de crocs. Après avoir vécu dans une famille d'accueil humaine, vers mes 12 ans, j'avais été envoyée ici. J'avais été considérée comme une moins que rien, une Cendrillon moderne, torturée par un couple froid et leurs enfants arrogants. Que pouvais-je y faire? Le monde des vampires est cruel, sans pitié, et je savais que j'allais de nouveau en faire l'expérience à Saintclair.

Pour comprendre le fonctionnement de ce lieu, il faut connaître notre société ; car nous, humains ne sommes point des créatures de valeur ici. Après la grande révolte des vampires, il y a des années de cela, les buveurs de sang avaient pris le contrôle du monde entier, réduisant les humains restant en esclaves ou en servants. Les conditions de vie avaient été rudes. Mais quelques vampires érudits avaient décidé il y a peu de donner à nouveau l'accès à l'éducation à une poignée des nôtres, dont je fais partie. Et c'est ainsi que je me retrouve au premier lycée mixte vampires-humains, le lycée de Saintclair.

Je soupire, encore une fois surprise de m'être perdue dans mes pensées. La trotteuse a fait plusieurs tours de cadran, et je m'avance jusqu'à mon miroir, le seul objet déjà déballé de la petite chambre. Mon reflet me parait irréel, et je suis surprise de l'image qu'il me renvoie.

La jeune fille me faisant face semble étonnamment calme.

Je démêle mes longs cheveux auburn avec mes doigts, grimace devant mon teint pâle presque vampirique. Mes yeux, d'un gris acier, seraient censés me venir de mon père. Tout comme l'éclat cuivré de ma tignasse.
Je n'ai qu'une seule photo de mes parents, et elle est encore dans un carton. Pas la peine de la déballer; je sais déjà parfaitement ce qu'elle représente. On y voit ma mère, souriante, les mains posées sur son ventre rond. Ses cheveux de jais sont réunis en une longue tresse, et mon père, plus stoïque, a un bras autour de son épaule. Ils sont beaux, ensemble, et mon coeur se serre à chaque fois que je vois cette image. Je suis un échec, à côté d'eux. Ils n'ont même pas eu le temps de me donner un prénom...

J'enfile l'uniforme du lycée, jupe et chemise blanches brodées d'un écusson, et fait glisser mon sac sur mon épaule. Il est déjà l'heure de sortir, et je quitte l'internat pour rejoindre le bâtiment principal.

***

Dans les couloirs, c'est l'effervescence. C'est la première fois que je vois autant de vampires et d'humains réunis au même endroit. Le règlement stipule qu'ils n'ont pas le droit de boire notre sang, mais une telle proximité me fait douter.

Je farfouille dans mon sac à la recherche de mon emploi du temps. Bêtement, je m'arrête en plein milieu du couloir, et me fais rapidement brutalement bousculer par un vampire brun, un de mes livres tombant au sol. Je ne dis rien, mais il s'arrête net, et je sens que les ennuis commencent déjà.

- Eh toi! L'humaine a l'odeur étrange. Tu cherches les problèmes dès le jour de la rentrée?

Je baisse automatiquement les yeux, je ne veux rien risquer.

Ses doigts enserrent mon visage, et il relève ma tête de force.

- C'est que tu es plutôt mignonne. Tu ressembles à une petite biche effarouchée.

Je ne dis toujours rien, mais mon coeur bat la chamade. Il est habillé différemment, porte un uniforme entièrement noir, brodé de fil rouge.

Ca doit être un vampire de la classe ultra. Un des plus doué de l'établissement donc. J'ai entendu dire qu'ils étaient 4...

Je reste murée dans mon silence, et l'inconnu semble s'agacer.

- Petite insolente, serais-tu muette en plus d'être maladr-

Il n'a pas le temps de finir sa phrase. Une petite main, fine et gracile comme de la porcelaine, vient d'apparaître dans mon champ de vision... et le tire désormais violemment par l'oreille.

- Matthew Kors! Un peu de tenue tout de même! Tu représentes l'élite.

Je relâche la pression. Mon regard se pose sur ma sauveuse, qui porte elle aussi la tenue noire, contrastant avec son teint laiteux. Ses yeux sont d'un vert lumineux, et d'adorables anglaises blondes entourent son visage de poupée. Elle ne doit pas mesurer plus d'un mètre cinquante, mais on peut sentir qu'elle a de la prestance.

- Enchantée, je suis Amy. Améline, mais bon, je n'aime pas trop ce prénom. Excuse Matt, il n'a pas l'habitude de... respecter les humaines je suppose. Comment tu t'appelles, toi?

Le dénommé Matthew râle, toujours pris au piège par Améline. Autour de nous, les gens s'arrêtent, commencent à nous fixer. Je ne suis pas à l'aise à l'idée d'attirer toute cette attention, je n'ai pas l'habitude. J'aurais peut-être même préféré me faire frapper. Ce sont des vampires après tout, ils n'ont pas à être bienveillants.

Le livre tombé lors de la collision me revient soudain en tête. Je me baisse pour le rattraper, en profitant pour gagner du temps. Mais la conclusion est la même. Je ne sais pas quoi leur dire, je n'ose pas parler. Je me relève, mais la situation est de plus en plus gênante.

Alors je tourne brutalement les talons, et me noie dans la foule, ignorant délibérément les injonctions d'Améline.