Melek se sentit tout de suite moins lourde à partir du moment où, dans l'intimité de la voiture, ils franchirent les grilles du château. Seul le chauffeur venait perturber Melek et lui rappelait qu'elle n'était pas dans une bulle avec son Wilhelm.
Mais il lui tenait la main en observant l'extérieur qui défilait. C'était bon signe, non ? Cela s'était forcément bien passé avec son oncle ? Si Otto lui avait prié de la quitter, il ne se comporterait pas de la sorte avec elle. Elle s'accrochait à cette pensée de toutes ses forces, mais malgré toute sa volonté, elle ne pouvait chasser de son esprit l'impression d'avoir été si décevante qu'elle devrait bientôt retourner à Munich.
Elle se contenta de regarder à travers sa vitre teintée Löwenstadt s'agiter, à l'écart, ignorante de ses troubles internes.
Elle se mordit la lèvre pour se retenir, se raccrocha à la main rassurante de Wilhelm dans la sienne. C'était bon signe. C'était bon signe.
« Que t'a-t-il dit de moi ? céda-t-elle en se tournant vers Wilhelm. »
Elle vit sa mâchoire se contracter et tout ce à quoi elle s'accrochait pour se rassurer s'envola en éclats. Melek sentit un gouffre s'ouvrir sous ses pieds.
« Il ne m'aime pas, c'est ça ? »
Wilhelm soupira en se tournant vers une Melek complètement affolée et déraisonnable.
« Bien sûr qu'il t'aime bien, s'exaspéra-t-il en chuchotant. »
Melek se figea, toute ses pensées à l'arrêt. Et elle interrogea Wilhelm du regard. Celui-ci ne quitta son regard que pour jeter le sien rapidement vers le chauffeur de la voiture. Puis il revint rapidement sur Melek, intransigeant.
« On en reparle à la maison. »
Melek se rassit dans le fond de son siège en signe d'abdication. Elle sentit le pouce de Wilhelm caresser sa main. Comme il en avait l'habitude quand il cherchait à la rassurer. Mais pas cette fois-ci. Melek la lui arracha pour croiser les bras et se tourner vers l'extérieur.
Elle savait qu'il avait raison. Complètement raison d'attendre qu'ils ne soient que tous les deux pour en discuter. Mais l'attente était intenable. Elle sentait ses mains froides, le sang les ayant quitté pour alimenter son cœur qui battait la chamade et son cerveau qui fumait presque à imaginer les scenarii des jours à venir. Elle sentait son estomac et sa gorge se serrer et une coulée de sueur froide menaçait de s'écouler le long de sa colonne.
Et voir Wilhelm plongé dans ses pensées, la laissant incapable de les déchiffrer, ni de deviner sa discussion avec son oncle la dépouillait complètement du peu de contrôle qu'elle avait sur son corps et ses émotions.
À cet instant, elle se détesta de réagir de la sorte.
La voiture traversa la rivière et entama son ascension vers leur hôtel. La maison, comme l'avait appelé Wilhelm. Melek déglutit. Elle ne s'était jamais moins sentie chez elle que dans cette chambre d'hôtel.
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Valse à Löwenstadt (T.3) [TERMINÉ]
RomansaSuite d'Été à Vienne (oui, encore la grosse tête de Melek en couverture) --- À la sortie de l'aéroport, Melek prend enfin conscience des engagements qu'elle a pris en suivant Wilhelm jusqu'à Löwenstadt. Mais loin du palais, elle peut encore toucher...