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Armel n'était pas un vampire. Il avait déjà songé à le devenir, bien sûr, comme Andreaz, mais il avait refusé. Andreaz, lui, avait cédé ; Andreaz avait fermé les yeux sur l'humanité et laissé son oncle le décapiter sans émotion aucune.

Armel l'avait veillé, trois jours et trois nuit durant. Il n'avait pas pleuré, Andreaz l'avait voulu, c'était un choix réfléchi et, de toutes les façons, il allait revenir. Mais Armel avait eu mal de le voir ainsi sur le sol et chaque fois qu'il avait touché son visage froid il avait serré les dents et reposé sa main sur sa cuisse engourdie.
Il savait qu'Andreaz allait revenir mais pour le moment il était mort et sentir la mort sur ce visage d'habitude si vivant était bouleversant.

Il lui avait parlé aussi, trois jours et trois nuit durant. De l'humanité et de tout ce qu'Andreaz avait décidé d'abandonner. Il lui avait parlé de la chaleur du soleil sur la nuque quand on marche dans les rues l'été. Il lui avait parlé de la brûlure sur la langue quand on goûte un plat à peine sortit du four. Il lui avait parlé de la nourriture, beaucoup, par ce qu'Andreaz avait toujours aimé manger.

Il s'était endormi aussi, de nombreuses fois. Mais aucun bras ne s'était jamais replié dans son dos quand il s'était lové contre le corps froid.

Il faisait nuit dehors au moment où Armel avait tourné la tête vers la fenêtre et il s'était alors mit à contempler les étoiles. Le silence désormais familier de la pièce lui faisait mal au crâne mais il avait décidé de ne plus parler. Il n'avait pas non plus rallumé le feu après qu'il se soit éteint pour la énième fois et avait serré ses cuisses contre son torse pour se garder au chaud.
Il attendait désormais immobile et silencieux.

Et puis Andreaz avait parlé. Un chuchotement tellement faible qu'Armel l'avait ignoré. Il avait entendu Andreaz parler plusieurs fois depuis sa mort ; L'avait vu se lever et lui sourire. Mais il savait que tout ça avait été faux. Il savait comment se déroulait un rite de passage.
Trois jours et trois nuit dans l'abîme avant de revenir dans un corps figé dans le temps.
Mais cette fois-là il ne l'imaginais pas. Il le savait.

Alors il avait tourné la tête vers le corps allongé au sol et ses yeux avaient rencontrés les pupilles noires d'Andreaz.
Armel savait pourquoi il était là.

Par ce qu'Andreaz aurait faim quand il se réveillerai. Le vieux vampire les avait prévenus ; C'est pour ça que la pièce était bariquadée comme elle l'était. Par ce qu'Andreaz deviendrait uncontrollable et que, encore trois jours et trois nuits durant, il allait souffrir dans un corps qui réclame une vie qu'il ne peut plus lui offrir.
Alors Armel avait retiré ses chaussures ce soir là et était rentré dans la grande pièce au tapis epais et à l'immense cheminée pleine de cendres. Il s'était agenouillé par terre, avait levé son visage vers Andreaz et le vampire au cheveux longs et avait sourit doucement.

Armel savait pourquoi il était là. Et il savait pourquoi il ne le serait bientôt plus.

Le yeux d'Andreaz étaient noirs, un puis sans fond habituel mais pourtant si douloureux à contempler ce soir là. Ses pupilles sombres ne reflétaient plus aucune émotion quand il avait dévisagé Armel.

"Tu vas attraper froid"

Armel avait secoué sa tête et quelques boucles lui étaient tombées devant les yeux mais il n'y avait pas fait attention.

Il s'était approché d'Andreaz et avait prit sa main glacée et engourdie entre les siennes puis l'avait glissée sous sa chemise de lin. La morsure du froid sur sa peau avait coupé son souffle un instant puis il avait fermé les yeux.
Andreaz n'avait pas bougé. Il n'avait pas parlé non plus.
Puis ses doigts s'étaient mit à monter lentement, quittant l'étreinte chaude de ceux d'Armel pour glisser sur sa peau. Armel avait frissonné, le chemin de glace tracé par Andreaz à jamais gravé dans sa chair.

Puis la main froide s'était posée à la base de son cou et deux doigts avaient doucement appuyé sur sa carotide.

Armel savait pourquoi il était là. Mais il avait tout de même fermé les yeux.
Il avait peur.

Puis Andreaz s'était mit à bouger. Vite, trop vite pour Armel qui s'était retrouvé au sol, le dos sur l'epais tapis, sans avoir pu réagir.
Il avait rouvert les yeux par surprise mais n'avait pu apercevoir que les cheveux sombre et n'avait pu sentir que le corps lourd et glacial d'Andreaz contre le sien.

Armel avait de nouveau fermé les yeux et hoché doucement la tête.
Il savait pourquoi il était là.

Des lèvres froides et rêches s'étaient posées sur sa peau et les mains d'Armel avaient trouvé leur chemin vers les bras d'Andreaz. Il avait soufflé, lentement, en glissant ses doigts chauds contre la peau froide. Il les avait remontés jusque sur la nuque d'Andreaz puis les avait glissé dans ses cheveux fin.
Les lèvres sur sa peau avaient tremblé, puis tout le corps qui le surplombait s'était mis à trembler aussi et le jeune vampire avait inspiré profondement dans le creux du coup d'Armel

"Je savais que tu serais là"

Armel avait hoché la tête et prit lui aussi une grande inspiration pour réussir à parler, à braver la peur qu'il t'était de maîtriser.

"Je le serais toujours"

Puis il avait basculé sa tête en arrière, ses boucles châtain étalées sur l'epais tapis. Il avait fixé les étoiles au travers de l'epaisse fenêtre et avait sourit avant d'appuyer doucement sur la tête d'Andreaz.

Il savait pourquoi il était là. Et il savait pourquoi il ne le serait plus.

Armel & Andreaz : Le Nouveau MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant