Andreaz n'était plus là quand Armel se réveilla.
Andreaz n'était jamais quand Armel se réveillait.D'aussi loin qu'il se souvienne, Andreaz s'était toujours levé aux aurores. Mais il ne faisait pas encore jour et Armel n'entendait aucun bruit dans la cour au dessus de laquelle était leur auberge. Une torche était allumée près d'Armel et il regarda la flamme danser pensant quelques instants.
Depuis qu'Andreaz avait perdu la notion de froid, où qu'il soit, Armel se réveillait toujours près d'une torche.
Le bruit de la poignée de porte tira finalement le jeune de ses pensées et il se tourna sur le lit pour observer le vampire entrer dans la pièce. Ses bottes sombres, identiques à celles d'Armel, n'étaient pas lacées.
"Ne regarde pas mes chaussures comme ça" souffla le vampire sans un regard dans sa direction.
Armel ne dit rien et s'approcha du bord du lit encore froid et bordé. Il s'y assit et tendit les bras en silence, ses yeux bleu fixant patiemment ceux, sombres, du vampire tandis que celui ci retirait sa cape. Andreaz tira sur les ficelles de sa veste pourpre et la laissa tomber juste au dessus du précédent vêtement. Il fit quelques pas en avant, retira sa chemise et tandit une main vers Armel.
Armel attrapa ses deux mains glacées puis les glissa sous sa propre chemise. Un violent frisson le parcouru et il prit une courte inspiration avant que le vampire ne s'agenouille devant lui. Andreaz passa ses bras autour de la taille d'Armel sans jamais que sa peau ne quitte celle, brûlante, du jeune homme, et posa son front contre son torse.
"Il faut que l'on parte demain aux aurores."
Armel ne dit rien, les dents enfoncées dans sa lèvre pour supporter la sensation désagréable sans faire de bruit. Il glissa lentement ses doigts dans les cheveux noirs d'Andreaz.
"J'ai de la famille dans la capitale" precisa le vampire et, pour la première fois, Armel se sentit se raidir à l'une de ses paroles.
Andreaz n'aimait pas parler de sa famille, Armel le savait. L'oncle d'Andreaz était la seule famille qu'Armel lui connaissait.
Le vampire poussa un soupir, son haleine fraîche fit frissonner Armel un peu plus et il redressa la tête.Agenouillé devant lui, ses cheveux noirs en désordre et un air neutre sur le visage, Andreaz ne ressemblait pas à un meurtrier.
Pourtant Armel la vit.
La goûte de sans séchée sur la mâchoire pâle d'Andreaz.Il la fixa un instant, attiré, puis détourna le regard vers la cheminée éteinte.
"Armel"
Armel garda les yeux rivés sur l'âtre. Il ne voulait pas partir. Cela faisait des semaines qu'ils voyageaient comme ça et Armel était fatigué. Il voulait rester dans une ville au moins deux jours ; Il voulait avoir le droit de passer une vrai nuit.
Mais Andreaz ne voulait. Andreaz voulait fuir.
Quoi, Armel ne le savait pas."Armel"
Deux doigts froids se posèrent sous son menton et le jeune homme frissonna puis fronça les sourcils contre lui-même.
Le vampire abandonna et se releva sans un mot de plus. Borné, Armel resta immobile, le visage toujours tourné vers l'âtre.
Quand Andreaz eut finit de se déshabiller et de plier ses affaires sur la table de bois qui faisait office de bureau, Armel n'avait pas bougé."Tu es assis là où je voudrais dormir" fit calmement remarquer Andreaz en croisant les bras.
Armel se fit la réflexion que le vampire parlait beaucoup ce soir. Plus que d'habitude. Mais il ne tourna pour autant pas sa tête vers lui.
Pendant de longues minutes, seul le silence emplit la pièce tandis qu'aucun des deux hommes ne semblait décidé à modifier sa position.Puis Andreaz poussa un profond soupir. Il prononça quelques mots dans sa langue avec le prénom d'Armel a la fin et celui-ci tourna finalement son visage vers le brun.
Des yeux noirs et impassibles lui firent face et il fronça doucement les sourcils. Il lui semblait reconnaître quelques mots mais se trouvait incapable d'en décrypter le sens.
Malgré cette tentative de distraction, Armel resta assis sur le lit. Il occupait la place d'Andreaz et l'empêchait de se coucher. Il se savait, c'était voulu.
"Tu saurais ce que j'ai dit si tu venais avec moi dans la capitale."
Armel fronça de nouveau les sourcils ; Andreaz s'approcha de nouveau de lui.
Le vampire leva une main et l'approcha du visage de l'humain sans pour autant le toucher. Ses yeux vides d'émotions étaient familiers à Armel. Rassurants."Je te payerai un précepteur" chuchota Andreaz dans le silence de la nuit "Une fois dans la capitale nous aurons de l'argent. Et une maison. Tu apprendra ma langue."
Il s'agenouilla de nouveau, prit les deux mains d'Armel entre les siennes et baissa la tête pour les porter à son front.
"Je t'en prie Armel."
Armel ne dit rien. Il regarda les cheveux sombres du vampire et leurs mains liées. La dernière fois qu'Andreaz l'avait supplié ainsi, Armel avait finit par veiller son corps trois jours et trois nuits.
Il ferma les yeux, prit une grande inspiration et força Andreaz à lâcher ses mains. Il prit son visage pâle en coupe et glissa son pouce sur la goutte de sang séchée.
Jamais ses yeux ne croisèrent ceux du vampire.Andreaz ne dit rien. Armel non plus, mais Armel n'avait pas parlé depuis des mois. Et ils restèrent ainsi plusieurs minutes, seulement vêtus de chemises fines et de pantalons de lin.
Andreaz à genoux devant Armel, fixant ses yeux bleus avec patience. Armel tenant le visage froid d'Andreaz entre ses doigts tièdes sans un regard pour lui.Et dans le silence de la nuit, Armel prit enfin la parole. Ça n'était qu'un chuchotement à peine audible mais c'était plus qu'Andreaz n'en avait entendu depuis des mois.
"Je suis fatigué"
Le silence accueilli sa phrase. Puis le vampire hocha la tête, lentement, et il retira doucement les mains d'Armel de son visage.
Il se dirigea sans un mot vers la cheminée éteinte et s'affaira à l'allumer. Armel était de nouveau silencieux, assis sur les draps encore bordés, ses mains désormais froides entre ses cuisses.Quand le feu se mit à crépiter, Andreaz revint vers Armel. Il s'arrêta juste devant lui, debout, son visage dénué d'émotion au dessus de celui de l'autre homme.
Deux doigts froids se posèrent sous le menton d'Armel.Armel ferma les yeux en frissonnant.
"Tu as froid."
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Armel & Andreaz : Le Nouveau Monde
VampireArmel avait attendu Andreaz pendant trois jours et trois nuits durant. Et il le referait, il ferait tout pour rester près de l'homme qui l'avait sauvé de la misère il y a quelques années de cela. Même si "tout" implique de soutenir le nouveau vampir...