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La porte était fermée à clef, Armel aurait dû s'en douter.
Il poussa un profond soupir et posa son front contre le battant de bois en fermant les yeux. Il était fatigué, il voulait juste rentrer à la maison et dormir. Mais la maison n'existait plus et dormir ici représentait un trop grand danger.

Alors il avait récupéré sa cape, sa lourde cape pourpre doublé qui avait dû coûter une fortune à Andreaz, et était sortit de sa chambre. Isania était une bonne hôte, elle l'avait nourrit et lui avait offert l'hospitalité pour la nuit mais Armel n'en voulait pas.

Isania avait l'air d'être une femme gentille et il avait envie de placer sa confiance en elle et Kemil mais quelque chose le retenait.
Il ne connaissait rien d'eux, il ne savait pas pourquoi la femme au visage décoré avait fait demi tour dans la rue et était revenue vers lui. Il ne savait pas pourquoi elle lui offrait l'hospitalité, pourquoi elle fixait ses yeux bleus avec tant d'intérêt ou encore comment elle connaissait l'existence des vampires.

Armel avait prit sa décision pendant le dîner, quand Isania lui avait parlé de sa famille avec l'aide de la traductrice. Elle lui avait confié qu'il ressemblait en tout point à son petit frère et qu'elle avait éprouvé de la sympathie pour lui dès qu'elle l'avait vu mais Armel ne l'avait pas cru. Il y avait quelque chose chez elle qui ne lui plaisait pas.
Alors il avait terminé de manger en l'écoutant sans jamais répondre, avait laissé Kemil le conduire vers une chambre au premier étage et s'était assis sur le lit le temps de réfléchir.

Puis il s'était relevé, avait prit sa cape qui reposait sur un coffre sombre et s'était regardé dans le miroir un instant.
Il ne ressemblait pas à un garde puissant comme Kemil mais la protection qu'il portait désormais autour de sa gorge lui donnait plus de charisme qu'il ne l'avait imaginé.

Et puis ses yeux s'étaient perdu dans le reflet et une seconde image s'était mélangée à la sienne.
Le souvenir avait été flou, comme si sa mémoire avait eu du mal à le reconstituer mais il lui avait semblé reconnaître une jeune femme vêtue de la même tenue que lui : une chemise beige et une protection de cuir autour de sa gorge. Plus il s'était concentré plus il avait eu de mal à discerner la silhouette mais ses longs cheveux bouclés ondulant dans le vent et l'épée couverte de sang qu'elle tenait à deux main avaient encore été suffisamment précis pour qu'il fasse un pas en arrière.

Armel avait trébuché sur le coffre et s'y était lourdement assis, les yeux rivés sur son reflet. Le souvenir avait été flou mais quand il avait fermé les yeux il avait ressentit le vent s'engouffrer dans sa chemise bouffante. Il avait ressentit les griffes de la peur enserrer ses poumons, le liquide chaud couler le long de son bras et la poussière sous ses pieds nus.

Il avait rouvert les yeux, prit une grande inspiration et s'était relevé en évitant de croiser son reflet dans le miroir. Il avait enfilé sa cape dans le couloir, rabattu la capuche en descendant les escaliers et rabattu le tissu devant son torse en traversant les longues allées de la demeure. Il connaissait ce type de maison, il savait que la cuisine avait toujours une porte qui donnait sur une ruelle, c'était vers là qu'il s'était dirigé.

Mais la porte avait été fermée à clef.

"Attends"

Armel ne sursauta pas ; Il s'en doutait.
Kemil l'avait suivit le long des couloirs tandis qu'il avait ouvert toutes le portes les unes après les autres en cherchant la cuisine. Il avait d'ailleurs pensé qu'il l'arrêterai plus tôt.

"Danger"

Armel se retourna et laissa sa capuche retomber sur ses épaules tout en observant l'homme qui lui faisait face.
Kemil n'était plus vêtu de noir.
En réalité il n'était plus très vêtu et seule un pantalon de lin beige et ce qui semblait être un t-shirt de mineur couvrait sa peau. Kemil était l'homme avec la peau plus foncée qu'Armel n'avait jamais vu de toutes sa vie, bien qu'elle soit en réalité simplement plus hâlée que la sienne.

Le regard d'Armel fut inévitablement attiré par le cou, désormais découvert, de l'homme.
La cicatrice qu'il avait vu sur sa mâchoire descendait tout le long de sa gorge, retraçant le chemin de sa jugulaire jusqu'à la base de l'épaule. Comment Kemil avait survécu à une attaque de ce genre représentait un mystère pour Armel.
Mais il comprenait désormais pourquoi l'homme portait sa protection et lui en avait confié une.

"Danger"

Armel hocha la tête mais ne fit aucun mouvement pour s'éloigner de la porte. Alors Kemil secoua la sienne avec un air désolé et tendit sa main vers lui. Autour de son majeur était accroché un anneau auquel pendait une clef rouillée et Armel l'attrapa délicatement.
La peau de l'homme était rugueuse et chaude mais il ne pu en profiter réellement.

Il lui sourit doucement, le remerciant avec ses yeux à défaut de le faire avec sa voix puis ajusta de nouveau sa capuche sur ses boucles châtain.

Une fois la porte ouverte il sortit dans le froid de l'hiver et se retourna vers Kemil, debout dans l'ambrasure de la porte, seulement vêtu d'un fin t-shirt et d'un pantalon de lin.
Il tendit lui tendit la clef pour la lui rendre mais l'homme secoua négativement la tête. Il fronça un instant les sourcils, cherchant visiblement ses mots, puis attrapa la main d'Armel pour refermer ses doigts un à un autour du morceau de fer.

"Maison"

Kemil lui offrit un doux sourire et ses mains chaudes pressèrent un instant celles d'Armel avant qu'il ne fasse un pas en arrière.
Armel hocha la tête, serra les pans de sa cape autour de son corps et se tourna vers la rue.

Il allait devoir retrouver Andreaz maintenant.

Armel & Andreaz : Le Nouveau MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant