[Terminé][Amour Sucré][Nathaniel]Trauma

Flash-back Quatre - Nathaniel - Les Argonautes - Mars 2018

L'étudiant en lettres classiques pénétra dans le Snake Room vers 21 heures. Cela faisait déjà une bonne heure que Rosalya, Alexy et Priya étaient attablés à boire quelques verres habituels à la fin de la semaine. Nathaniel s'en fichait bien d'être en retard ou d'être de bonne compagnie ce soir. Voilà une dizaine de jours que Milla l'avait quitté ou qu'ils avaient rompu sans trop savoir comment ils en étaient arrivés là ou bien comment il avait fait pour ne pas s'apercevoir que leur couple battait de l'aile. A moins qu'il le savait mais s'était voilé la face... Les mêmes pensées tournaient toujours en tête, lui empoisonnaient l'esprit.

Au moment où il prit un siège, il sentit que sa présence venait refroidir l'ambiance. Il n'avait pas fallu longtemps avant que la nouvelle fasse le tour de leurs connaissances. À moins que Rosalya et Alexy savaient avant lui que Milla avait l'intntion de rompre ? Est-ce qu'elle était venu spécialement pour ça ? L'étudiant se fit la réflexion amère qu'il valait au moins un aller-retour et pas simplement un SMS.

Il fit semblant de s'ouvrir un peu surtout quand sa soeur approcha de la table. Ambre salua tout le monde assez joyeusement et son frère eut un brin de satisfaction de voir la jeune femme femme évoluer. Elle échangea une remarque avec Rosalya et elles rirent toutes les deux. Un peu en décalage avec cette bonne humeur, Nathaniel quitta la salle seulement une demi-heure plus tard. A l'entrée, Ambre le rejoignit.

— Eh écoute, Rosa m'a dit pour Milla, je suis désolée pour vous.
— T'inquiète, c'était difficile les relations à distance, minimisa-t-il.

Il offrit à sa soeur un sourire en coin qui se voulait rassurant.

— Dis, ça te dirait qu'on se voit la semaine prochaine pour aller déjeuner ?
— Ouais, avec plaisir, sourit son frère. Tu rentres chez toi, je te raccompagne ?
— Non désolée, j'attends des copines, s'excusa sa soeur.
— C'est rien, à la prochaine.

Ambre hésita une seconde et finalement offrit un bisou sur la joue de son frère. C'était le premier geste de la réconciliation qui s'opéra entre eux deux et Nathaniel en fut surpris.

Un peu moins triste qu'à son arrivée, l'étudiant rentra chez lui en traversant le parc. A nouveau, il entendit les bruits d'une bagarre mais dans un coin plus reculé et boisé du parc. Cette fois-ci, il n'y avait personne pour l'empêcher de s'approcher par curiosité. C'était trois gars contre un seul type qui se défendait comme il pouvait mais qui n'avait aucune chance de victoire.
Nathaniel ne réfléchit pas et accourut rejoindre le pauvre gars.

— Eh !

Il approcha du premier agresseur, le tira par la capuche et le fit tomber à la renverse. Il se jeta à corps perdu sur le deuxième et se débattit comme un beau diable, bagarreur plutôt que vrai assaillant. Il reçut plus de coups qu'il en donna mais son énergie et son endurance impressionnèrent. Il se relevait à chaque fois, sans même porter attention à la douleur qui irradiait de son corps, mu par la colère qui le débordait. Sa simple présence mit en fuite les trois agresseurs. Essoufflé, le visage en sang, le corps de plus en plus douloureux, débraillé, une nouvelle énergie saisit l'étudiant, la victoire, la réussite, l'adrénaline d'une baston.

— Merci mec, tu m'as sauvé...

A côté de lui, dans le même état, la victime de l'agression se tenait courbé, les mains sur les genoux. Il cracha une bile de sang et se redressa pour tendre une main au littéraire.

— Je m'appelle Chris.
— Nathaniel, Nath...
— Merci encore, allez viens, traînons pas. Ils risquent de revenir.
— C'était quoi ces gars ?

Chris avança rapidement, les mains dans les poches, boitant de la jambe gauche. Nathaniel ignorait où son complice l'emmenait mais il espérait y trouvait de quoi se soigner. Il avait reçu plusieurs coups qui nécessitent bien une poche de glace et une égratignure à l'arcade sourcilière saignait. Chris traversa le parc, déambula au coeur de la ville, passa derrière la mairie et rejoignit un immeuble à la façade miteuse. Ils montèrent les quatre étages et prénétrèrent dans, ce que l'étudiant devina comme étant l'appartement du jeune homme.

— Ce sont des dealeurs ? questionna encore Nathaniel naïvement.
— T'es flic ou t'es con ? répliqua Chris d'un oeil mauvais.
— Ni l'un ni l'autre ! Je suis étudiant à Antéros.

Le littéraire détailla son compagnon qui s'allumait une cigarette. Ils avaient sensiblement le même âge, Chris arborait un visage de brute avec un front étroit, des yeux enfoncés dans ses orbites et un sourire qui, s'il existait, devait plutôt faire peur. Il avait aussi les cheveux ras et la tenue de jogging que l'on attendait d'un individu louche.

Il tendit à Nathaniel un paquet de clopes qu'il refusa d'un signe de tête.

— Sinon ouais, les Horses se sont établis y'a déjà quelques années à Saint-Amour. Leur Q.G. se trouve dans l'impasse du fer à cheval, dans la zone industrielle. Mais vu qu'ils vont pas se faire appeler "les ch'vaux", ils préfèrent se faire appeler les Horses. Tu comprends en anglais, c'est plus classe.
— Et comment s'appelle... ta bande ?
— Tu poses vraiment beaucoup de question...
— Vous vous battez pour obtenir centre-ville c'est ça ? Aller à l'affrontement, c'est bête à mon sens.

Nathaniel avait lâché sa remarque avec une grimace lorsqu'il tamponna son front d'un torchon humide.

— Ah ouais et tu te crois malin avec ça ? Qu'est-ce tu ferais à ma place Monsieur Études Supérieures ? le provoque Chris.

Celui-ci, la clope entre les doigts et les coudes sur les genoux, le mettait au défi de trouver une solution.

— Il faudrait leur céder le centre-ville.
— Hmhm, brillante idée !
— Demain soir ils vont être plein dans le parc, à attendre que tu les rejoignes avec des potes et pendant ce temps-là, ce sont les autres coins de la ville qu'ils délaissent. Tu pourrais mourir leur marché.

Nathaniel n'aimait pas vraiment le ton de celui dont il venait un peu, de sauver la vie. Il pouvait se moquer de lui sur beaucoup de points, mais son intellect n'assumait aucune critique. Chris fixait l'étudiant avec son regard vert et son sourire mauvais. Il hocha la tête, envisageant que l'idée n'était peut-être pas aussi bête qu'elle n'y paraissait.

— T'es un malin, tu cherches un boulot ? En plus, t'es à Antéros, c'est un marché que les Argonautes n'ont pas encore pris aux Horses.
— Je touche pas à la drogue, se défendit Nathaniel face à la proposition de Chris. Et je veux pas dealer.
— Ok, mais disons juste que tu deviennes un consultant. Mon N+1 serait d'accord je pense...
— Je veux rien à voir avec ton trafic, désolé.

Nathaniel comprit qu'il n'avait plus rien à faire là. Chris essayait de le recruter mais ce n'était pas l'objectif qu'il cherchait à atteindre lorsqu'il lui était venu en aide. L'étudiant refusait catégoriquement de tremper dans ces affaires illégales. Son emportement venait de le mener de l'autre côté de la ligne.

— Arrête, tu cherches un peu d'action dans ta vie, sinon, tu ne serais pas venu te battre pour un inconnu ! Me dit pas que t'es pas intéressé, je te croirais pas...
— Salut, conclut Nathaniel en se dirigeant vers la sortie.
— Tu sais où me trouver si tu veux te faire un peu de thune ! cria Chris avant qu'il ne passe la porte.