novaphoeniix_
𝙰𝚕𝚕𝚎𝚖𝚊𝚐𝚗𝚎, 𝙵é𝚟𝚛𝚒𝚎𝚛 𝟸𝟶𝟶𝟺
Chaque matin Jayla se lève un peu plus tard, un peu plus vide. Elle laisse la radio grésiller dans la cuisine, la lumière artificielle découper son visage dans le miroir, comme si elle attendait qu'on la remplace.
Le lycée n'est plus une école. C'est une zone de transit. Des casiers abîmés, des corps trop grands, des regards qui collent. Elle ne parle pas, sauf quand elle tombe. Sur le tatami, elle se dit qu'elle tient encore debout parce qu'on ne l'a pas encore bien frappée.
Le judo, c'est la seule chose qu'elle sait qu'elle ne ratera pas. Alors elle s'y raccroche comme à une bouée.
Chez elle, il y a des silences qui crient.
Sa sœur Delilah habite maintenant dans les conversations des autres :
"Ta sœur elle était brillante",
"Tu devrais faire comme Delilah",
"Ta soeur, elle, elle aurait réussi."
Mais Jayla, elle est restée.
Comme une rature.
Comme un reste.
Les Jeux approchent. Ce n'est pas un shiai de plus - c'est le sommet, même pour une triple championne du monde.
Elle s'imagine en train de gagner. D'en finir avec ce doute collé à la peau, malgré les titres, malgré tout.
Mais elle sait que l'histoire, la sienne en tout cas, ne s'est jamais vraiment écrite à la hauteur de ses efforts.
Et puis, arrive cette soirée.
Une maison qui ne lui ressemble pas, des rires qui sonnent faux, trop loin de leur monde trop petit. Elles lancent un canular téléphonique comme on jette un pavé dans une eau noire. Elles rient. Elle regarde.
Mais quelqu'un répond. Quelqu'un qui aurait préférer rester silencieux.
Ce soir-là, quelque chose s'ouvre en elle.
Pas une porte. Un gouffre.
"Oublie tout ce qui t'a blessée, Jay."
Mais l'oubli ne se commande pas.
Et certaines blessures aiment qu'on s'en souvienne.