Poèmes que je n'ais pas réussi à délivrer à temps

Dans les plaines désolées de Kaeryth, où le vent portait les murmures des âmes perdues, une silhouette solitaire avançait. Aucun nom, aucun visage ne venait à l'esprit des rares voyageurs qui croisaient sa route. On l'appelait simplement l'Étranger, une ombre parmi les ombres. Son passé était un mystère, dissimulé derrière un regard vide et des vêtements usés par les ans. Mais il portait une lame étrange à sa ceinture, une arme noire comme la nuit, qui semblait absorber la lumière autour d'elle. Ceux qui s'en approchaient parlaient d'un frisson glacé et d'un poids inexplicable sur leur poitrine. L'Étranger vivait sans but apparent, errant de tavernes crasseuses en marchés clandestins, à la recherche d'ivresse et d'oubli. L'alcool coulait à flots, le jeu dévorait les quelques pièces qu'il possédait, et les nuits s'achevaient souvent dans les bras de compagnons éphémères, sans visages ni noms à retenir. Mais quelque chose le poursuivait. Pas une personne, ni même une créature tangible - une présence tapie dans les recoins de son esprit, un murmure constant qui grondait plus fort à mesure qu'il cherchait à s'en distraire. Un soir, alors qu'il sombrait dans une ivresse totale dans une taverne miteuse à la frontière de la steppe noire, un événement brisa son existence monotone. Un vieil homme encapuchonné s'assit à sa table, l'air d'un cadavre encore debout, et prononça des mots qui percèrent le voile de son oubli : « L'Ombreforge t'appelle, errant. Fuir ne te sauvera pas. » L'Étranger éclata de rire, mais ce rire sonnait creux. L'ivresse ne suffisait plus à étouffer l'écho de cette voix. Cette nuit-là, il quitta la taverne sans un mot, emportant sa lame noire et son regard hanté. Le chemin qui s'ouvrait devant lui ne promettait ni réconfort ni salut, mais une vérité qu'il ne pouvait plus fuir. L'Étranger allait affronter son destin, non pas en héros ou en sauveur, mais en spectre errant dans les ténèbres...