Ulysse68
La fin de septembre s'étendait comme une saison intérieure. Chaque journée semblait se ressembler, tissée d'un même fil de silence et de solitude. J'avais soufflé mes vingt et un ans dans un air figé, sans éclats ni chaleur, comme si l'âge, au lieu de m'ouvrir des horizons, ne faisait que souligner le vide qui m'entourait. Le temps, loin de guérir, avait épaissi la mélancolie. Depuis la rupture, je vivais avec ce sentiment d'absence incrusté dans mes gestes quotidiens, une ombre persistante qui m'accompagnait jusque dans mes repas et mes nuits trop calmes.
L'annonce tombée ce jour-là, l'abandon brutal de l'alternance promise, avait résonné comme un coup de tonnerre dans un ciel déjà chargé. Quelques lignes froides avaient suffi à réduire en cendres des mois d'attente et d'espoir. Ce refus n'était pas seulement une déception professionnelle, il était venu s'ajouter à l'empilement de blessures, creusant encore davantage ce gouffre où je me sentais glisser. Il y avait, dans cette coïncidence cruelle avec mon anniversaire, quelque chose d'ironique, comme si le destin avait décidé de marquer cette date d'un sceau amer.
Depuis, mes pensées n'avaient cessé de tourner sur elles-mêmes, cherchant un sens dans ce chaos. Tout devenait prétexte à doutes et à tourments : une phrase dite trop vite, un regard mal interprété, un silence prolongé. J'absorbais les émotions des autres comme une éponge, me laissant traverser par leur colère, leur lassitude, leur froideur. Chaque vibration étrangère résonnait en moi des heures durant, m'enfermant dans une culpabilité sourde. Mon corps lui-même m'apparaissait étranger, comme un vêtement mal taillé, trop lourd pour moi.