Il avait un regard que je connaissais bien, que nous avons tous sûrement connu, une période de notre vie. Je voyais la peur dans son regard, la peur de vivre, d'exister, je voyais la détresse, le désespoir, je le voyais lui, puis je me voyais moi. Nous possédions la même mélancolie, celle qui tranche le cœur, qui s'installe dans la chair et qui doucement, joyeusement, ronge votre peau, jusqu'à la moelle.
Même ses cheveux avaient la couleur de la souffrance, noir eux aussi. Il était différent, il semblait prisonnier de ses sombres rêveries. Il aimait l'automne, voir les fleurs se faner à la même rapidité que son être. Il aimait voir la danse monotone des fleurs qui tombent des arbres. C'était dans le tas de feuille mortes qu'il adorait cacher son amertume. C'était ça qu'il aimait, préserver sa souffrance, et comme l'automne, c'était sa tristesse qui faisait sa beauté.
De longues années à ses côtés se sont écoulées. Il n'était plus le même. Et moi non plus. C'était la première fois qu'il faisait printemps aussi longtemps.
Voilà donc la rencontre de deux solitudes, de deux profondes tristesses, qui se sont connus, qui se sont aimés. Et qui désormais, finiront à tout jamais, des êtres heureux et passionnés.
Ce n'est pas la grandeur des possessions qui définit un homme, mais la richesse de son cœur; même celui qui arpente la rue peut porter en lui la noblesse d'un roi.