Il y avait toujours deux filles, assises au bord de l'immeuble d'en face. Au bord du vide, flirtant avec la mort, trompant l'ennui.
L'une possédait une chevelure noire. Noire ébène, rappelant l'obscurité dans la nuit, le vide qui l'enveloppait. L'autre était dotée d'une chevelure rousse, d'un roux flamboyant, le genre qui ne passait pas inaperçu.
Elles ne parlaient jamais, elles s'échangeaient simplement un journal, un de ces vieux bouquins qu'on retrouve au fond d'un placard. Lorsque l'une d'elles lisait les lettres tracées à l'encre noire, l'autre se perdait dans l'immensité de la ville, le regard voilé. Puis, les rôles s'inversaient, et avec le temps, observer ce phénomène devenait habituel.
Personne ne savait ce qu'il y avait vraiment dans l'ouvrage, pour cause, personne ne l'avait vu de près. L'existence de ce livre était devenue, au fil du temps, une légende racontée autour d'un verre, ou en guise de commérages. La vie continuait sans ces filles, figées dans le temps, figées par les émotions retranscrites à travers les mots.
Et chacun semblait penser que c'était mieux ainsi.