Je lève les yeux. Des amas de nuages obscurcissent le ciel. Les sommets des montagnes qui nous entourent ne sont maintenant plus visibles. Il n'aura fallu qu'une journée pour que nos ennemis réagissent. Ils arrivent, maintenant. Leur armée s'étend dans l'immense plaine face à nous. Ils sont une centaine de milliers à avancer lentement, en lignes, dans un bruit de pas rythmé et brutal. Comme pour la plupart d'entre nous, je ne survivrai sûrement pas à cet affrontement.
Je ne peux m'empêcher de penser à la dernière fois. Là encore, des nuages couvraient le ciel, des montagnes nous entouraient, chaque armée faisait face à l'autre. Mais aujourd'hui, plus que jamais, nous n'avons pas le droit à l'erreur. La survie de nos quatre races dépend de l'issue de cette bataille.
L'avant-garde ennemi a déjà atteint le pied de la colline que nous défendons, et les premières lignes se risquent à la gravir. Il est trop tard pour hésiter. Je me place face à notre armée. Tous sont silencieux. Je peux lire le doute mêlé à la peur dans les yeux de certains. Mon ventre se noue douloureusement, mais j'essaye de paraitre confient quand je parle.
« Je ne vais pas vous mentir. Beaucoup parmi nous vont mourir. Si la peur vous paralyse, je ne peux pas vous forcer à vous battre. Mais rappelez-vous pourquoi vous êtes là. » Je crie pour que tous m'entendent « N'avez-vous pas un foyer à défendre ? Une famille ? Des frères d'armes ? Battez-vous pour les protéger ». Je me retourne pour faire face à l'ennemi qui approche. Je tire mon katana et le brandis. « Battez vous pour ceux qui vous sont chers ! »
Dans un grand cri, tous s'élancent l'épée à la main. La peur et le doute ont brusquement laissés place à la rage. Peu après, les premières lignes des deux armées se rencontrent dans un bruit de fracas métallique assourdissant. L'une sera victorieuse et glorifiée, l'autre, perdante et déchue.
J'étais le prince héritier du trône d'Oman.
Accusé à tort, on a fait de moi le traître de la couronne. Je suis resté enfermé sept années dans l'ombre de la plus noire des prisons d'Oman, et le temps aura suffi à développer ma haine envers mon propre pays.
Alors c'est dans la vengeance que mon cœur meurtri s'est formé. Et c'est comme ça que vous apprendrez à me connaître. Car je finirai par reprendre mon trône.
Mais que faire, quand des immenses yeux ambre de cette femme mon âme s'abreuve?
Car mon désir de tuer les miens pour récupérer mon trône est plus ardent. Alors qui brûlera en premier?
Noor ? Ou Nafir ?
𝓒𝔢 𝔱𝔯𝔬̂𝔫𝔢 𝔢𝔰𝔱 𝔪𝔦𝔢𝔫.