En sourdine

« Oh ! hommes qui me croyez un misanthrope hostile et intraitable, comme vous me jugez mal !
De ces apparences, vous ne savez pas la cause secrète.
Considérez que, depuis six ans, je suis dans un état désastreux, empiré par des médecins stupides, d'année en année, trompé par l'espoir d'aller mieux et, finalement, forcé d'envisager un mal interminable, dont la guérison durerait des années ou serait même impossible.
Quand il met arrivé de vouloir passer outre, je me suis vu durement repoussé par la constatation de mon infirmité ! Et il m'était impossible de dire aux gens: « Parler plus fort ! Criez ! Je suis sourd ! »
Commet me serait-il possible, en effet, d'admettre la faiblesse d'un sens qui chez moi devrait être d'un degré plus parfait que chez les autres ! »
Ah ! Je suis condamné à vivre en exilé ! Et peu s'en est fallut que je mette, de mes propres mains, fin à mes jours. L'art seul m'a retenu ! L'art ! Il me semblait impossible de dire adieu au monde avant d'avoir donné tout ce pourquoi je me sentais doué. » - Ludwig van Beethoven, Testament d'Heiligenstadt (1802)