L'homme que je tiens dans mon viseur semble ne pas se préoccuper de ce qu'il se passe autour de lui. La conversation qu'il tient avec un interlocuteur invisible, sans doute à l'autre bout de son oreillette, accapare toute son attention. Comme bon nombre de New-Yorkais, l'homme fait son footing dans Central Park. Moi ? Je me tiens sur une échelle de service, vautré dans l'indifférence générale. Personne ne me remarque, surtout pas lui : tout le monde est chez soi, devant son écran d'ordinateur, ou dehors, vissé à son smartphone. Les New-yorkais ne peuvent plus vivre sans ces appareils. Il faut croire que la conversation d'une intelligence artificielle est plutôt agréable. C'est dommage, car s'ils m'écoutaient, j'en aurais, des choses à raconter... Pourquoi je joue les mauvais photographes, par exemple. Ou comment j'ai shooté ce type, là-bas, à Chicago. Mais qui cela peut intéresser, les confessions d'un comte anglais déchu, d'une ombre de lord, d'un chevalier noir sans armure ? Hum. Le tueur Malo Chérel, peut-être.