Élisabeth,
Par la présente, je t'envoie cette ultime lettre qui témoigne alors de mon amour inconditionnel. Depuis la rafle, le 16 juillet 1942, cette nuit atroce, je ne souhaite qu'une chose, te revoir. J'aurais dû te suivre, fuir avec toi mais non, je ne l'ai pas fait et pourquoi ? Je me pose encore cette question depuis mon arrestation. J'étais paralysé face aux miliciens et je t'ai vu partir derrière le rideau.
Cette lettre exprime mon dernier souhait, ma dernière volonté avant le dernier convoi qui partira d'ici peu selon un soldat français. Mon Élisabeth, il faut que je dise tout, les conditions de vie sont atroces.
Tout commence en cette matinée du 16 juillet, la nuit surplombée encore les toits de Paris et d'un coup, les forces de l'ordre frappées contre les portes, la ruse était de mise, trouver n'importe quelle solution pour s'échapper mais c'était trop tard. Me voilà désormais à bord d'un camion direction je ne sais où.
Voilà deux jours que nous étions au Vél' d'Hiv, 15 000 juifs et pas une goutte d'eau, 15 000 juifs et même pas un espoir, 15 000 juifs et trois médecins, 8 infirmières. Les toilettes étaient dans un piteuse état, les rats faisaient partie des gradins. L'espoir de voir un jour meilleur fut arrivé lorsque les pompiers nous ont apporté de l'eau mais, très vite, cet espoir fut dissipé dans les ténèbres, nous voilà à la gare d'Austerlitz vers je ne sais où. « Wir fördern das jüdische Ungeziefer», « on avance la vermine juive », voilà ce que nous entendions sans relâche en montant dans le train.
Voici ma première lettre, seulement je ne peux la signer que par mon matricule et je te promets mon Élisabeth que tu connaitras toute l'histoire.
Matricule 140 063