Il était coincé entre deux livres, dans un meuble au fond d'un grenier.
Il tenait dans la paume de la main et même si son apparence chétive semblait dire le contraire, ce livre avait l'air de pouvoir tenir debout sans s'effriter encore mille et une années, peut-être même plus, on ne sait jamais avec les contes.
L'odeur de papier jauni qui s'en échappait avait quelques chose de terriblement attirant, comme si le recueil souhait être ouvert, être lu, pour que jamais ne soit oublié son histoire.
La couverture quand à elle, d'un bleu profond, sans fin même, rappelait l'infini du ciel nocturne, l'espace dans lequel résident nombre d'entités divines. Douce comme un plumage, tendre comme la peau, la couverture incitait a souffler sur l'épaisse couche de poussière qui la recouvrait pour tenter de déchiffrer le titre.
Une petite croix argentée, ou blanche, selon la luminosité, était gravé en son centre. Elle évoquait tour à tour un X, une étoile et la croix du seigneur, cela dépendait se l'angle sous lequel on la regardait.
La tranche rêche, taillée à même le bois d'un pommier, contrastait avec cette première de couverture simple. En laissant glisser le doigt le long de cette tranche, on sentait défiler sous la peau un motif complexe de striures et d'arabesques comme d'anciennes runes sacrées.
Et, en faisant défiler les pages à toutes allures, le livre faisait résonner une douce mélodie, ancien chant des temps oubliés. En ralentissant la cadence, on remarquait de petits gribouillis à l'encre dans la marge, des constellations entières retranscrites sur le papier comme de petites étoiles solitaires qui se serait perdues sur Terre.
Puis soudain, n'y tenant plus, on s'arrêtait au prologue, et déchiffrait avidement les lettres écrites à la main en une calligraphie complexe...
Petit bouquet de ronces ténébreuses et maussades qui renferme en son cœur quelques fleurs de l'Éden.
Chaque ronce en sa sève porte l'admiration pour ces mandalas conçus par le grand Architecte ; le long de leur tige les épines sont placées dans un intervalle se voulant toujours régulier avant d'être associées deux à deux sous l'aiguiseur, chaque binôme ayant un schéma tout tracé, de sorte qu'un œil vétéran puisse en contempler la correspondance au millimètre près.
On tombe quelquefois sur une tige vieillie ; les feuilles sont séchées et les pointes imparfaites. Quand on l'observe plus, on voit qu'un jardinier, débutant certainement, a cru bon d'y graver l'époque où elle venait d'être fraichement coupée.
Mais le fleuriste a vu dans leur rude nature une beauté mystique, un charme taciturne ; il les a donc unies en ce présent bouquet dont il voudrait prouver la parfaite harmonie en l'exposant ainsi à qui voudra le voir.