Les couloirs du lycée Hawkins avaient toujours eu une ambiance particulière. Il y avait ce mélange d'ennui et de routine qui pesait sur les épaules de chaque élève, moi y compris. Chaque jour, c'était la même chose : les mêmes visages, les mêmes discussions, les mêmes regards furtifs que l'on échange dans les couloirs.
Mais aujourd'hui, quelque chose était différent.
Je l'ai vu, pour la première fois, vraiment vu, à la cafétéria. Eddie Munson. Le paria. Celui dont tout le monde parlait mais que peu connaissaient vraiment. Assis à une table au fond de la salle, entouré de ses amis du club Hellfire, il semblait se moquer du monde entier. Il riait bruyamment, un rire qui résonnait à travers la pièce, mais personne ne semblait vraiment s'en soucier.
Je l'avais déjà remarqué, bien sûr. Comment ne pas le remarquer ? Ses cheveux longs et bouclés, ses vêtements toujours un peu déchirés, ses bagues argentées qui scintillaient à chaque geste de sa main. Il avait ce côté rebelle qui fascinait autant qu'il effrayait. Mais aujourd'hui, c'était différent. Pour une raison que je ne pouvais pas m'expliquer, je n'arrivais pas à détourner les yeux.
Je ne savais pas vraiment pourquoi il m'intriguait autant. Peut-être était-ce parce qu'il semblait tellement à l'aise dans sa propre peau, là où moi je me sentais souvent maladroit(e) et mal à l'aise. Ou peut-être parce qu'il semblait si détaché de tout ce qui se passait autour de lui, comme s'il vivait dans son propre monde, un monde où les règles du lycée n'avaient aucune importance.
Alors que je le fixais, il leva soudainement les yeux, comme s'il avait senti mon regard. Mon cœur s'arrêta un instant lorsqu'il croisa mes yeux. Il me fixa pendant une seconde, puis esquissa un sourire en coin avant de reporter son attention sur ses amis.
« Vous pouvez monter le son ? » demandai-je précipitamment au chauffeur de taxi, alors que mon cœur tambourine si fort qu'il me fait presque mal.
À la radio, sa voix résonne : "L'avenir qu'on dessinait la nuit, ne vivra que dans nos souvenirs, on a fini par se détruire, pour eux."
Pierre. L'homme que j'ai aimé de tout mon être chante notre histoire - un écho de ce qu'on a été, mais surtout de ce qu'on a perdu. Les larmes jaillissent avant même que je ne puisse les retenir.
Mon regard tombe sur l'écran de mon téléphone, où une photo de nous deux s'affiche en fond. Nous souriions, insouciants, à une époque où tout semblait possible.
« Adieu, nous deux », murmurai-je faiblement.
Le taxi s'arrête brusquement, me tirant de mes pensées. Je sors quelques billets, les mains tremblantes. L'air glacé de la nuit parisienne m'enveloppe, mais c'est autre chose qui me glace le sang : une affiche géante sur la façade d'un bâtiment.
Son visage. Pierre, sous les projecteurs, souriant comme si le monde lui appartenait.
Je détourne le regard et resserre mon écharpe autour de mon cou. Chaque rue, chaque murmure semble crier son nom. Je voulais fuir. Oublier.
Mais, au fond de moi, je sais que l'on ne peut pas fuir quelqu'un qui a marqué chaque coin de votre âme.
--------
Alma Vernet x Pierre Garnier