La Rouquine et le Bonhomme de neige

« Loin de vouloir disparaître, la chose semblait muter de seconde en seconde. Elle s'aperçut avec terreur que des bras et des mains lui poussaient progressivement en excroissances de la boule ventrale et s'agitaient avec une frénésie ridicule et répugnante, comme affamés de saisir, cependant que sa morphologie s'affinait et qu'elle se redressait, tremblante et frémissante, sur les deux jambes en lesquelles s'était séparée la boule inférieure. Incapable de s'évanouir comme elle l'eût souhaité, elle ne put qu'assister, mutique et paralysée par l'effroi, mais aussi par la fascination et l'émergence en elle d'un trouble inexplicable, à la transformation finale du bonhomme en un homme de neige grand et musculeux, impeccablement sculpté. Les boutons de culotte et la carotte tombèrent sur le plancher, dévoilant des yeux vides où ne brûlaient encore aucune flamme mais qui roulaient dans leurs orbites avec une impatience perceptible. Puis la métamorphose fut ponctuée par l'apparition d'un deux-points-virgule considérable en haut des cuisses, qu'elle peinait à quitter du regard, vivant depuis toujours dans un petit monde confortable mais étriqué où les seuls hommes adultes étaient son père et son grand-père. »