Les Ombres de St Jude - Tome I : L'Héritage

Je n'aurais jamais dû ouvrir cette boîte.

Au départ, ce n'était qu'une pile de cartons empilés dans le grenier, des reliques de ma mère que mon père n'avait jamais eu le courage de trier. Mais il y avait celui-là. Une boîte plus lourde que les autres, scellée de ruban adhésif jauni, avec le nom de maman griffonné à l'encre noire : Patricia Delcourt - St Jude.

J'ai découpé le ruban d'une main fébrile. À l'intérieur, des livres cornés, des cahiers d'écolière, quelques babioles sans importance. Et puis, sous tout ça, un album photo. C'est là que tout a basculé.

Les premières pages semblaient banales : des sourires figés, des uniformes impeccables, des groupes d'élèves posant devant la façade austère du pensionnat. Ma mère était là, rayonnante, entourée de camarades que je ne connaissais pas. Mais plus je tournais les pages, plus une impression étrange me serrait la gorge. Les sourires se faisaient forcés. Les regards, fuyants. Sur certaines photos au bord d'une piscine, tous avaient les pieds dans l'eau... sauf maman, qui fixait l'objectif avec une gravité glaciale.

Puis vinrent les coupures de presse, découpées et collées en vrac. Secte dans un pensionnat privé. Disparitions inexpliquées d'élèves à St Jude. Des adolescents retrouvés hagards dans les bois, incapables de témoigner. Les titres s'alignaient, sordides, comme une vérité que quelqu'un avait voulu effacer.

Au milieu des pages, j'ai trouvé des lettres. Des phrases brèves, tracées d'une écriture anonyme. Ne dis rien. Nous savons où te trouver. La vérité se paie toujours.

Je savais qu'il ne fallait pas en parler. Mais je savais aussi que je ne pourrais jamais oublier ce que j'avais vu. Trop curieuse pour mon propre bien, dirait Antoni. Peut-être. Mais il comprendrait.

Un jour ou l'autre, il faudrait retourner à St Jude.
Et découvrir ce que maman avait toujours tenté de nous cacher.