On raconte qu'au cours d'une vie, le destin nous offre trois chances. Trois rencontres avec la même âme.
La première passe comme une brise d'été : légère, presque imperceptible. C'est un regard croisé dans une foule, un sourire entre deux battements de cils. Rien ne se grave, rien ne s'imprime vraiment, juste une silhouette floue dans le brouillard des jours. On ne sait pas encore que ce visage reviendra. On continue sa route, inconscient de ce minuscule tremblement du cœur que l'on aurait dû écouter.
La deuxième fois, le hasard n'en est plus un. C'est une rencontre qui bouleverse tout, un choc doux et violent à la fois. Les âmes se reconnaissent avant que les mots n'aient le temps de se former. On se dit que cette fois, c'est pour de bon. Mais souvent, la vie rit de nos certitudes : elle s'interpose, tord les chemins, sème la distance, les erreurs, les peurs. Alors on se perd, encore. On se promet de s'attendre, mais le temps use les promesses comme la mer use les rochers. Et pourtant, quelque part, au fond du cœur, une petite lumière refuse de s'éteindre.
Puis vient la troisième fois.
Elle ne prévient pas. C'est un matin banal, une rue familière, un silence chargé d'échos du passé. On se revoit, changés, écorchés, apaisés peut-être. Et dans ce regard qui fut jadis étranger, tout revient. Les regrets, les « si », les sourires d'avant. On comprend alors que toutes les séparations n'étaient que des détours. Que parfois, l'amour attend patiemment que l'on devienne assez fort pour le mériter.
La troisième fois, on ne promet plus rien.
On se regarde simplement, comme on contemple un miracle revenu de loin.
Et on se dit, tout bas, avec la pudeur des âmes qui ont souffert :
« Cette fois, je te vois. »