Le monde s'est assombri. Pollution, réchauffement climatique, épuisement des ressources naturelles et manipulations génétiques menacent l'avenir de l'être humain. Or, l'être humain, c'est nous, donc toi et moi. Pouvons-nous envisager un autre monde possible? Certainement. À condition toutefois que (1) nous ne nous percevions pas comme de simples corps jetés « dans le monde » tels des objets « dans une boîte ». Nous sommes bien plutôt ce lieu de décisions où il nous faut chaque fois d'abord décider, toi et moi, si nous nous ouvrons ou nous nous refermons à un autre espace possible : l'espace propre de l'autre. Ouverts l'un pour l'autre, nous le sommes dès l'origine. Ce qui veut dire aussi que nous sommes originairement exposés l'un à l'autre. Aussi est-ce précisément parce que nous sommes exposés, c'est-à-dire ouverts l'un à l'autre, que (2) nous avons tendance à nous enfermer nous-mêmes ― en nous identifiant au support d'écriture ― dans l'entente de nos propres signes d'écriture. Nous les entendons, eux, au lieu de nous entendre, nous. C'est à force de s'entendre lire des mots que l'on a assombri notre monde. Word au lieu de World. Nous ne nous y entendons plus, toi et moi, depuis que l'on nous a enfermés dans des langues. Il nous faut donc (3) réapprendre à nous tu-« toy »-er jusqu'à ce que les m-o-t-s, avec lesquels chacun se referme inconsciemment sur soi, ne valent plus que les é-c-a-i-l-l-e-s d'une peau abandonnée sur la pierre par un serpent qui a enfin mué. (1) Ouverture de l'espace, (2) enfermement dans sa propre langue et (3) tu-« toi »-ement : ces trois fils conducteurs vont constituer tour à tour la trame des trois parties qui composent ce livre. Ils aimeraient conduire chacun de nous à l'extérieur de soi vers l'autre monde qui lui fait face. (220 lectures)
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