« Le cri me permettait d'extérioriser mes sentiments, mes peurs et ma souffrance, mais de manière bien trop éphémère. La démangeaison de devoir à nouveau crier une fois mon précédent cri terminé était trop puissante, bien trop pour pouvoir y résister. Ma voix se transforma finalement en une sombre complainte, rauque d'avoir trop crié, douloureuse et irrité. Recroquevillé contre un mur, il me semblait alors que je devais représenter un spectacle pathétique, miséreux. Et puis alors un jour me vint l'idée de prendre un stylo. Ou alors se fut par instinct de survie, mais toujours est-il qu'un stylo est apparu dans ma main et que je me mis à écrire. J'écrivais, encore et encore, à longueur de journées, ne ressentant aucune lassitude, juste du soulagement, toujours du soulagement. Les premiers temps mes écrits n'étaient pas organisés, je n'avais aucune envie de les relire, de les travailler, juste je me devais de faire sortir ce que j'avais en moi, d'expier ma souffrance et mes sentiments. Le silence de l'écriture me fit alors un bien fou, je n'avais plus qu'une seule peur, que ma feuille ne soit remplie trop vite, que je n'avais alors pas assez de place pour l'expression, comme une censure silencieuse et incontournable. Mais jamais cette peur ne fut vérifiée. Et, de mes pâtés contenant moult ratures, en sont sorti petit à petit des vers, les pieds tourbillonnant autour de mon esprit, chantant, dansant, apaisant de leur poésie ma souffrance, la calmant et me mettaient en état de transe au fur et à mesure où je les imaginais. La tête me tournaient pendant des heures quand j'écrivais, mais qu'importe, il le fallait, j'avais tant de choses à dire. Enfin je pouvais réellement m'exprimer, tant pis si personne ne pouvaient les lire, ou si ils étaient condamnés à rester là. Mais ils existaient, mes craintes et mes peurs n'étaient plus seulement au fin fond de mon être, j'arrivais enfin à leur donner forme, à les nommer, à les c