À nous deux (par @SongesYaoi)

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« - Retrouve moi au restaurant Ichiraku vers 23h. Je suis impatient de te revoir.

- Et moi très impatient de passer la nuit avec toi ;). A ce soir ! »

Cela faisait cinq bonnes minutes que je lisais les derniers messages reçus. Le numéro était inconnu, mais je comprenais la situation : Kakashi Hatake, mon petit-ami depuis quatre ans, entretenait une liaison avec quelqu'un d'autre.

Les deux messages sous mon regard étaient les traces restantes d'une conversation supprimée. Il n'y avait rien de plus, rien de moins que deux textos, et pourtant je devinais sans aucun soucis l'histoire des interlocuteurs. Un homme avait sommé à mon petit-ami de le retrouver dans un restaurant ce soir, et il avait accepté. L'absence d'adresse précise me laissait penser que Kakashi connaissait déjà l'endroit, et l'heure tardive de leurs retrouvailles indiquait que cette soirée ne se déroulerait pas au restaurant. De plus, l'inconnu affirmait de manière explicite qu'ils s'étaient déjà vus et qu'il avait hâte de le re voir. De son côté, Kakashi confirmait sans nul doute, par l'utilisation d'un smiley que je connaissais bien, la nature sexuelle de leur rencontre.

Ma poitrine se serrait au moins autant que ma mâchoire. Mes yeux s'humidifièrent et un excès d'eau accumulé sur le coin de mon œil coula sur ma pommette. Kakashi était sous la douche depuis dix minutes, il ne tarderait pas à revenir et je me demandais ce que je devais faire. Une partie de moi songea à rester silencieux, à lui faire comprendre ma colère et ma tristesse par le vide. Une autre partie de moi pensa sérieusement à lui fracasser le téléphone sur le crâne pendant qu'il prenait sa douche. Une autre partie, encore, rêva d'une conversation intense et houleuse à la suite de quoi Kakashi demanderait mon pardon en pleurant à mes pieds. Mais dans le fond, aucune de ces facettes de mon être n'arrivait à me satisfaire pleinement... J'essuyais d'un revers de la manche cette larme qui n'avait rien à faire ici. Dans mon esprit raisonna la voix roque et grave de mon défunt père : « Naruto, la vie est une putain de guerre et chaque évènement est une putain bataille. Prends des putains d'armes et défends ton putain de bien. ». Nul besoin d'ajouter que mon père était républicain. Malgré le fait que, de son vivant, nos rapports n'étaient pas des plus sympathiques, aujourd'hui je considérais que le « padre Uzumaki » avait raison et que cet inconnu n'avait pas à mettre la main sur Kakashi Hatake, un homme en couple.

Dans un silence malicieux, je reposai le téléphone de mon compagnon et réfléchissai à un plan efficace pour gagner cette bataille. A la vie et à l'amour comme à la guerre, tous les coups seraient permis.

Je fis semblant toute la matinée. Kakashi était sorti de la douche sans se douter qu'il avait oublié de verrouiller son téléphone et que je connaissais désormais la vérité. Je lui avais préparé son habituel petit-déjeuner en lui épargnant, évidemment, le lait de vache auquel il était allergique. Assis sur une de chaise de la cuisine, je l'avais regardé avaler tout ce que j'avais préparé, cherchant au passage d'innombrables excuses pour sa tromperie. Je me sentais divisé : le responsable était-il cet inconnu, ou bien Kakashi ? Devais-je en vouloir à cette personne dont j'ignorais tout, ou à mon compagnon depuis quatre ans ? Mon regard s'était perdu dans les méandres de notre maison fraîchement achetée. Kakashi gagnait très bien sa vie et m'offrait tout ce dont j'avais toujours manqué : une sécurité matérielle et psychologique. Les pièces bien remplies de notre demeure comblaient le vide qu'il laissait lorsqu'il partait plusieurs jours en voyage d'affaire. De mon côté je m'activais sérieusement à mon métier de paysagiste en élaborant constamment de nouveaux projets pour mes clients. Je travaillais en freelance uniquement parce que Kakashi pouvait subvenir à nos besoins dans les mois les plus plats de mon activité professionnelle. Etais-je prêt à abandonner ce confort ? Non. Était-ce également cela qui, en partie, motivait ma haine contre cet inconnu plutôt que contre mon compagnon ? Peut-être. Etais-je aveuglé par les sentiments pour Kakashi et par l'opulence de cette vie ? Oui.

L'amour est une guerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant