Je te déteste, alors aime moi (Ezarel) partie 1

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C'était si facile de la pointer du doigt et de la rendre responsable des erreurs des humains sous prétexte qu'elle était l'une des leurs. Elle n'était même pas née lorsque les eldaryens avaient été chassés de la Terre, mais cela ne leur suffisait apparemment pas. Ils avaient besoin d'un responsable, d'une personne à haïr. Et étant la seule humaine foulant, depuis des siècles, le sol d'Eldarya, la victime était toute trouvée.

Leur soif de vengeance les avait poussés à commettre des crimes aussi ignobles que ceux qu'ils avaient vécus dans un lointain passé. Et ce soir, ils avaient commis ce qu'elle considérait comme l'irréparable.

Pourtant, ils devraient être les premiers à comprendre que la haine, engendre la haine.

Et elle devrait le comprendre aussi. Alors pourquoi était-ce si difficile de lutter contre ce côté sombre ? Contre cette partie d'elle qui lui hurlait de se venger d'eux. Son coeur souffrait de leur ignorance permanente, de leur méchanceté.

Depuis quelques minutes, elle n'existait plus pour personne. Elle venait de perdre ses amis, sa famille, et tout ceux qui avaient un jour croisé son modeste chemin.

Elle eu une pensée pour sa petite soeur, Lya, née quelques jours avant qu'elle ne traverse ce maudit cercle de champignon. Jamais elle ne la verrait grandir, jamais elle ne la féliciterait, ne la gronderait. Jamais elle ne lui prêterait sa première robe pour aller au bal, jamais elle ne se ferait voler son maquillage sous prétexte que sa petite soeur voulait faire comme elle.

Elle l'imagina à son âge. Est-ce qu'elle lui ressemblerait ? Est-ce qu'elle aurait ses mêmes cheveux auburn qui virent au rouge sous le soleil d'été ? Elle savait que sa petite soeur serait magnifique. Lorsque sa mère était rentrée de la maternité, la petite princesse blottie dans ses bras, Aurore s'était précipité vers elle pour l'admirer. Lorsqu'elle avait vu son sourire, elle avait senti son palpitant bondir de son réceptacle et elle avait su à ce moment-là qu'il lui avait offert un amour indestructible et sans limite.

Elle réalisa qu'aujourd'hui comme demain, son petit monstre grandirait sans grande soeur à ses côtés. Elle n'en souffrirait sans doute pas et c'était peut-être mieux comme ça finalement. Comment pleurer une chose qu'on a perdue si on ne sait pas qu'on l'a perdu ? Peut-être qu'elle sentirait, par moments, un petit vide au fond d'elle, mais ce sentiment serait aussitôt balayé par son quotidien, et au fil du temps, disparaîtrait à jamais sans qu'elle n'y fasse plus attention. Comme un simple instant de faiblesse que l'on chasse en pensant à autre chose.

Et ses parents, qui oubliaient leur premier enfant, était-ce seulement possible de balayer une existence aussi vite, en un claquement de doigt ? Avec une simple potion ?

Si elle-même avait la possibilité de les oublier, le souhaiterait-elle ? Bien sûr que non. Ses yeux remplis de larmes se posèrent sur les jardins où elle avait trouvé refuge. Elle n'était rien ici, n'avait personne. Se souvenir qu'elle avait pu, même quelques années, goûté au bonheur d'être aimé par une famille valait bien quelques années de souffrance.

Malgré les minutes qui défilaient, ses larmes ne tarissaient pas. Elle avait l'impression qu'on lui avait poignardée le coeur. Depuis son arrivée, elle ne cessait d'encaisser et ce qui s'était passé il y a quelques minutes était la goûte d'eau qui avait fait débordé le vase. Un vase pourtant bien grand. Elle avait d'abord été jetée en prison avant de subir des insultes silencieuses quant à sa nature humaine. Puis était venu le moment où ils avaient appris qu'elle ne l'était pas complètement. Là les jugements étaient devenus plus durs. Une femme mi-humaine mi-faelienne, une chose encore trop incroyable pour être possible. L'inconnu était bien trop effrayant pour certains, les amenant à l'éviter davantage.

Recueil d'histoire EldaryaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant