La Reine de Coeur

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7eme Lundi du mois des Porc-Epic, de l'année 330

« Le pays des Merveilles possédait trois grandes familles : la famille de Trèfle, celle de Carreau et la famille de Pique.

Celles de Trèfle et de Pique régnèrent ensemble durant des siècles jusqu'à ce que la famille de Carreau les détrône, installant une monarchie absolue.

La famille de Trèfle, chanceuse, réussit à être épargnée en flattant le nouveau Roi, mais perdit leur influence et fut moquée : elle était vue à jamais comme celle qui s'était laissée détrôner.

Celle de Pique n'eut pas autant de chance. Désireuse de faire respecter l'ordre, elle combattit contre les forces de la famille Carreau, mais que pouvait faire des cartes surentraînées face à des animaux imaginaires et sauvages recrutés ?

Elle fut décimée. Mais le Roi de Carreau, dans sa grande générosité, épargna une princesse de Pique enceinte, de même que les soldats de Pique restants. Il accepta que l'enfant de cette princesse devienne le Général du pays des Merveilles, et s'occupe du maintien de l'ordre.

Des mois passèrent. La princesse de Pique morte en accouchant, il ne resta plus que l'enfant pour représenter cette ancienne grande famille. On lui donna le titre de Reine de Pique lorsque des décennies plus tard, elle eut toute l'autorité sur ses soldats, expliqua la voix douce d'une femme.

— Mais maman, l'interrompit la petite princesse de Cœur, je ne vois toujours pas pourquoi je suis ni carreau, ni trèfle, ni pique !

— Laisse-moi finir mon cœur, rit la Reine.

Des décennies passèrent encore. Le roi de Carreau devint malade, son fils allait bientôt le remplacer. Mais il n'était toujours pas marié, ainsi, trois choix s'offraient à lui : épouser sa sœur, la princesse de Carreau, ou une de ses cousines. La dernière était de se fiancer à la reine de Pique, car dans ses vieux jours, le vieux Roi avait peur que leur famille soit renversée : après tout, la Reine de Pique avait le droit de vie ou de mort grâce à ses soldats.

Toutefois, ce jeune prince de Carreau refusa cela : il ne souhaitait pas épouser une personne de sa famille, et encore moins la Reine de Pique : celle-ci avait déjà une cinquantaine d'années. Non, ce qu'il n'avait encore jamais dit à personne, c'est que son cœur appartenait déjà à quelqu'un.

— A toi maman ! applaudit la petite princesse les yeux plein d'étoiles.

— Exactement. Malgré le fait que ma famille soit moquée, et qu'il y ait une haine réciproque entre les deux familles, il décida de m'épouser, moi, princesse de Trèfle. Il ne suivit donc pas les ordres de son père qui avait fini par lui ordonner d'épouser la reine de Pique, et notre mariage fut fait dans le secret. Suite à cela, il informa son père du nom de la future reine, et celui-ci s'éteignit pour de bon en apprenant la nouvelle.

— Mais pourquoi je suis un cœur moi ! bouda la petite fille. Il y a plein de trèfles, plein de carreaux, plein de piques, mais moi je suis la seule !

— Mon enfant, tu n'as pas à porter cela comme un fardeau mais comme un don ! Tu es née de l'amour de deux personnes dont les familles se détestaient : tu portes notre amour en toi et même, j'ose croire, l'amour de tout le Pays des Merveilles. »

La petite princesse sourit, serra dans ses bras sa mère, puis sortit de la chambre en courant.

« Mais où vas-tu ? s'exclama sa mère.

— C'est l'heure de dormir ! cria l'enfant à l'autre bout du couloir. »

La reine de Trèfle sourit. Elle l'aurait bien laissée s'amuser encore un peu, mais il se faisait tard. La reine demanda donc aux servantes de faire passer le message et de retrouver la princesse. Le château fut mis sans dessus-dessous, la princesse pouvant se trouver n'importe où : une fois, une cuisinière l'avait trouvée sur une commode, à jouer avec des épluchures de pomme de terre.

La Reine De CoeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant