Chapitre 9

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"Folles" n’était pas assez précis pour qualifier nos fans. Trouvez tous les synonymes de "tarées" ou d’"hystérique et je crois que vous arriverez à peu près à les définir. Imaginez que devant vous des centaines de nanas en chaleurs qui hurlent votre prénom à s’en casser la voix en brandissant photos, posters et albums tandis que celles de derrières les écrasent littéralement contre les barrières. Je trouvai ce spectacle horrible à voir mais pourtant je me devais de suivre les autres et m’approcher d’elles. On se mit en file indienne : Gustav était le premier, Bill deuxième, Georg venait ensuite puis moi. Certaines pleuraient en voyant leurs idoles à moins de 30 cm d’elles ! Les autres avaient commencé à signer avec une vitesse folle. Ils dédicaçaient cahier, photos, CD et posters tellement vite que je me senti incapable d’en faire autant ! Je m’approchai de la première barrière, les hurlements redoublèrent d’intensité.

« Oh mon dieu, tu es trop beau ! s’écria une meuf à qui je dédicaçai une photo comme je pu.

- Je t’aime ! dit une autre.

- Euh… Merci.

- Haaaaaaaaa t’as vu ? Il m’a dit merci ! Il m’a dit merci, tu te rends compte ?! » piailla-t-elle.

Et ce fut comme ça pendant les 10 longues minutes. Les hurlements commençaient sérieusement à me casser les oreilles. Et les fans à me casser les pieds. J’étais bien content que Saki nous dise qu’il était temps de rentrer. On disparu à l’intérieur de l’hôtel sous les plaintes de celles qui n’avaient pas eu la chance d’avoir des dédis. Rencontrer nos fans m’avait fatigué. C’était hyper stressant et effrayant la façon dont elles tentaient d’attraper nos vêtements ! A côté d’elle, un animal sauvage serait plus discipliné !

« Depuis quand tu remercies les fans, toi ? lança Georg alors qu’on montait dans l’ascenseur.

- Ba je ne sais pas, pour être poli ! »

Tout le monde éclata de rire. Apparemment, "mon autre moi" n’aurait jamais dit ça ! 

« Tu as toujours que les fans te lourdaient à hurler comme ça et maintenant tu les remercies ! s’exclama Bill.

- Tout le monde change ! répliquai-je.

- T’es vraiment bizarre aujourd’hui ! dit Gustav alors qu’on sortait de l’ascenseur.

- Je sais, tout le monde me le dit » marmonnai-je avec lassitude.

On sortit à notre étage. Je sentais leur regard fixé sur moi.

« Bon, n’oubliez pas, à minuit dans ma chambre ! chuchota Georg.

- Pas de problèmes. »

Je rentrai dans ma chambre et refermai la porte. 

« Un truc de dingue, c’est un truc de dingue ! » marmonnai-je.

Je m’affalai dans le lit et fixai le plafond en repensant aux évènements de la journée. Quand le médiator avait exhaussé mon vœu, il aurait pu éviter de créer ces idiotes qui créchaient dehors pour avoir une signature sur un bout de papier ! D’ailleurs, à propos du médiator, où était-il ? Je fouillai toute mes poches et le retrouvai dans l’une de mon sweat. Sa couleur était à nouveau différente : il était passé du blanc au vert. Et l’inscription avait mystérieusement disparue. Merde, j’espérai que ça ne signifiait pas que j’allai rester dans ce monde jusqu’à la fin de mes jours ! Rien qu’à y penser, j’étais terrifié ! J’aurai voulu vivre mon adolescence comme tout le monde : m’émerveiller à mon premier poil au menton ou subir les railleries de Bill à ma mue ! Et je n’avais pas encore fait ma crise d’ado ! Avec le retard intellectuel que j’avais, imaginez que je la fasse à 21-22 ans ! J’étais peut-être passé à côté du meilleur… Maintenant que j’étais majeur, ça signifiait aussi que j’avais des charges d’adultes à porter. Et ça ne m’enchantait pas du tout.

Mon regard était figé sur le médiator tandis que ces réflexions me traversaient l’esprit.  Pourquoi changeait-il toujours de couleur ? Ca se passait toujours lorsque j’étais soumis à une émotion intense. Et si ce changement intervenait selon mon état d’esprit ? Là, j’étais en mode stress, le vert devait être la couleur qui symbolise l’angoisse. Hier, Bill m’avait énervé et le médiator avait tourné au rouge. Cet aprèm’, il était blanc parce que le vœu s’était réalisé une heure auparavant ! J’aurai bien fait partager ma découverte avec quelqu’un mais je me résignai à cette idée car d’une part, si mon propre frère ne me croyait pas, pourquoi les autres le feraient ? D’autre part, ils me trouvaient suffisamment bizarre, inutile d’en rajouter une couche avec cette histoire de médiator magique. Je le reposai sur ma table de chevet. Je me levai de mon lit et je me décidai d’aller chez Bill lorsque j’aperçu un sac que je n’avais pas remarqué auparavant. C’était une sacoche pour ordinateur portable. J’en avais toujours rêvé car Bill et moi nous disputions souvent pour aller sur msn en premier à la maison ! En me connectant sur le web, je pourrai en apprendre un peu plus sur Tokio Hotel, écouter nos chansons, voir des vidéos ! Avec des gestes fébriles, je pris la sacoche que je posai sur le lit. J’en sorti un Mac ultra mince et recouvert de stickers à l’effigie de Samy Deluxe, 50cents et d’autres rappeurs que je ne connaissais pas.

« C’est pas de la merde en plus ! » murmurai-je en l’ouvrant avec des gestes précautionneux.

Je l’allumai et l’écran du bureau apparu rapidement avec en fond d’écran Bill et moi portant des grosses parkas. On dirait qu’on était dans un igloo ! On n’avait pas des fans chez les Inuits, quand même ? Je cliquai sur "Internet Explorer" et une fenêtre s’afficha, m’annonçant que j’étais connecté à aucun réseau. Dans un hôtel pareil, il devait forcément y avoir un réseau Wifi avec un code d’accès à entrer avant de se connecter. Mais où était ce code ? J’ouvris par hasard l’un des tiroirs de ma table de chevet et trouvai un papier plastifié sur les services offert par Park Hyatt dont Internet ! Je rentrai le code qui y était inscrit dans l’ordinateur, je cliquai une nouvelle fois sur l’icône d’internet et atterris sur Google !

« Parfait, maintenant, cherchons qui je suis »

 Je tapai "Tokio Hotel" dans la barre de recherche et le serveur trouva plus de 18 000 000 réponses !

« La vache ! On est aussi célèbres que ça ? »

Le premier lien était notre site officiel. Bios, photos, vidéos, il y avait de tout. J’entrepris la lecture de notre biographie. Bill et moi avions rencontré Georg et Gustav lors d’un concert à Magdebourg et on avait aussitôt formé le groupe qui au départ s’appelait Devilish. On rencontra des producteurs qui nous aidèrent à composer et on sortit notre premier album deux ans plus tard sous le nom Tokio Hotel. Ensuite, on avait enchainé concerts, émissions de télé, interviews et ce depuis 2 ans. Je cliquai sur l’onglet "Live Page" et une seconde page s’ouvrit. Une carte d’Europe s’ouvrit et des lignes se tracèrent peu à peu dessus, joignant des villes dans les quatre coins du continent. Berlin, Budapest, Madrid, Stockholm, Moscou, Tel-Aviv, Rome…Au total, on jouait dans une bonne quinzaine de pays ! Le médiator avait exhaussé mon vœu au-delà de tous mes rêves. Je nous imaginais avoir du succès en Allemagne mais pas dans toute l’Europe ! Et l’Amérique dans tout ça ? Est-ce qu’on y avait autant de succès ? Avant que je puisse chercher ma réponse sur la toile, un vibrement sonore et régulier résonna dans la pièce. Il semblait provenir du sac à dos posé entre deux valises. J’en sorti un portable dernier cri sur lequel l’écran affichait : "Appel de Kleiner Bruder". Bill.

« Allo ?

- Tom ? On a un problème…

- Qu’est-ce qui se passe ?

- On ne peut pas sortir…

- Hein ? Mais pourquoi ?

- Saki a entendu Georg parler à la réceptionniste tout à l’heure. Tu sais, quand il est allé se renseigner pour le métro. Saki m’a dit qu’il se débrouillerait pour qu’on ne quitte pas l’hôtel cette nuit !

- Et alors ? On est majeur non ? »

Ca me fit bizarre de m’entendre dire ça. Aussitôt une excitation envahit mon corps : être majeur signifiait pouvoir faire ce qu’on veut non ? Il était grand temps de profiter de ma majorité... un peu en avance. Et ce n'était certainement pas ce Saki qui allait m'en empêcher...

Le Médiator [TH]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant