Ma vie sans moi

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Ma vie sans moi. C'était sûrement absurde de le dire de façon ouverte, çà n'avait pas de sens... du moins pour celui autre que moi. Depuis deux ans déjà que je fais abstraction de ma personne, plus rien n'est si utile que la mort, ce chemin par lequel on espère retrouver la vie et tous ceux qui nous ont laissé dans l'ombre de l'inconnu. Je me rappelle encore du vieux, il n'avait pas bonne mine avant de partir, deux ans de maladie, abattue par une prostate négligée, comme quoi, tué par l'arme du crime, des centaines de conquêtes et de femmes assujetties aux prix des ébats sexuels puis racontés, discutés et commentés autour d'une table ronde encerclée d'hommes pseudos intellectuels...Chaque soirs, je fais les cent pas qui mènent au bar du quartier, ici on a l'air si loin du monde et à la fois si proche de la vie mondaine, je l'appelais souvent "la jupe de maman", assimilée à ce que chacun puisse essuyer ses larmes sur deux trois verres de rhum pour les novices, et pour les habitués de la maison, Monsieur Jo de son prénom intégral Jonathan (propriétaire du bar), nous laissait dormir sur le canapé du coin, pas très agréable de par son odeur, c'était presque insupportable au début mais toutes fois il finit par devenir un excellent souffre-douleur pour les céphalées imbéciles du matin après s'être réveillé complètement mouillé de sueur, de bave ou de vomi. Monsieur Jo avait une affection particulière envers moi, alors qu'il me survolait d'une vingtaine d'années. Je crois qu'il me comprenait ou n'essayait juste pas de s'entremêler dans mes histoires chelou de peur que je le confonde à tous mes ex, car oui, aussi vrai que cela ne puisse paraître, j'ai eu à passer des nuits de tendresses avec Jo, Jo ce bon connard, il m'a juré de ne rien dire à la police si j'acceptais de coucher avec lui toutes les deux semaines; çà ne me coûtait rien, comparé aux innombrables embrouilles que je me serais apporté, car évidemment, à 17 ans j'étais toxicomane. Par ailleurs, vous comprendriez sûrement cette fausse empathie, où chacun est gagnant, je me murmurais souvent, «Au moins il pourra se vanter de m'avoir eu dans ses bras...», bien que ma bouille louche et mon air décoiffé, certains me trouvaient un charme quand mon mascara avait fini par couler à cause de l'extrême chaleur qu'il faisait même dans la soirée. J'adorais paraître bien mais, des jours comme celui-ci, il est certain que je suis au bord de la plaque, éloignez de votre esprit que se soit un caprice d'ivrogne; je vais spécialement mal. Au bout de toutes ces pensées, je finis par apercevoir la maison rustique qui se dressait devant moi, elle ne ressemblait à aucune autre, de l'extérieur elle avait l'air sobre, elle avait pris quelques années à être rénovée, de même l'on raconte qu'une famille aurait vécu mais les choses n'allaient plus très bien pour l'homme de la maison, entre son licenciement et sa femme qui souffrait d'un cancer de sein, et leurs quatre enfants qu'il n'arrivait plus à parfaitement scolariser comme autrefois, çà en était de trop, il y'a cinq ans il l'a mise en vente et le seul acheteur n'était personne autre que Jo, quel gâchis, que celui-ci puisse transformer tant de souvenirs en un bar, un bar franchement ! Rien qu'à cette idée, je me sentie irritée en fronçant les sourcils, le regard fixé sur la plaque qui n'affichait qu'une bouteille de whisky grossièrement dessinée, ce qui laissait à qui veut de donner un nom à ce bar. Pour ma part, il avait été bien choisi, c'était ici que je me consolais depuis quelques mois...J'aurais voulu rester longtemps dehors à dévisager le seul ami qui me restait et l'ennemi de ma santé, mais, je craignais qu'un policier finisse par me surprendre avant même d'y être entrée. Je fis encore une dizaine de pas et j'étais sur l'escalier en parquet je ris futilement, je venais de traverser la deuxième marche de celui-ci , je me souviens être tombée là, plusieurs fois, je n'ai pas eu mal, j'étais complètement ivre. J'avançais et finis par pousser la porte western aussi lourde que tous les meubles bons marchés du bar. Le bruit incessant des ivrognes, de ceux qui vont bientôt saoulés et des bouteilles en verres de bières qui se cognaient en toast... ridicule, pour moi, c'était les plus stupides, ils trinquaient à tout ce que pouvait apporter l'alcool, c'est à dire, la violence, la déraison et la psychose, je regardais de gauche à droite en avançant , il n'y avait presque plus de place, c'était Vendredi soir dans les environs de 19h, il restait tout au fond une infirme partie sur laquelle était installée une table basse et deux chaises en plastiques, l'une occupée par un fumeur et l'autre me semblait inoccupée. Je me faufilais entre les différents secteurs, évitant les mouvements brusques de ceux-ci et les vomis pas encore nettoyés...pathétique, les hommes ici étaient comme des bébés, parfois il arrivait qu'ils urinent sur eux, quel exemple ! Pour leurs gosses de cinq ans qu'ils iront frappés parce qu'ils font encore «pipi au lit». Je tirais la chaise et m'assieds enfin, ignorant l'étrange personnage en face de moi, tout ce que je pouvais dire c'est qu'il portait un gros pull à capuche, noir comme mes sentiments et l'envie d' enculer le monde qui me mettait à dos depuis ma tendre enfance, tendre, et les souvenirs mélodieux qui me partage entre nostalgie et tristesse, parmi, ceux-ci, le grand frère parti trop tôt, le seul et l'unique, ma fierté et tout ce que j'avais de mieux sur terre, un paradis qui ne dura pas longtemps, et soupirais-je :« Paix à ton âme .» les larmes aux yeux, quand celui-ci prit la parole...
- Peux-tu prendre mon briquet sous ta chaise ? Je me demandais bien pourquoi il n'y avait pas de fumée, quel con ! rétorqua t-il.
Un peu confuse néanmoins amusée, je me suis courbée, et d'un geste de l'arrière vers l'avant je l'eu ramené , quand je lui tendit le briquet, et que je puisse enfin le regarder de prêt...et,
Il le prit d'aussi tôt,
- Joli string ! Lâcha- t'il en l'essayant de nouveau,
-merde ! çà ne marche pas, il jeta sa cigarette et l'écrasa au sol.
J'essayais d'appréhender ce qui se passait autour de moi, mais je ne pouvais que rester muette, entre son humour d'attardé et l'expression craquante qu'il avait quand il était irrité... et pourquoi j'y pensais ? Chelou ! Il n'en demeurait qu'un individu croisé au bar.
- Serveur ! Appela t'il, et celui ci s'approcha, sa tête ne m'était pas familière, il me semblerait que Jo ait remplacé l'ex barman Rémy, un homme doux et respectueux, qui n'avait jamais osé montrer sa force ou fait preuve de domination à l'égard de qui que se soit, c'était un ange, par ailleurs j'ai toujours trouvé qu'il méritait mieux que çà, beaucoup mieux que le mépris de Jo et celui de ses clients, sacré Rémy ! Je me remettais de tout ce monologue interne lorsque celui-ci répondit : - Deux verres chacun !
- Je ne bois pas, lui répondis à mon tour,
- laisse moi rire, tu fais bien d'être jolie, je t'aurais cru, mais fais gaffe les jolies filles ne mentent pas, en me louchant de haut en bas.
- Vraiment ?
- j'ai l'air d'un con ? dit-il En plissant un sourcil supra de l'autre,
- Tu l'as dit il y'a quelques minutes quand tu t'étais rendu compte que tu avais passé une demi heure avec une cigarette dans la bouche, non allumée, alors oui... en lui jetant un clin d'œil.
Il fit une de ces têtes un peu perplexe, quand soudain, nos verres nous furent parvenus. Je n'arrivais pas à croire qu'il m'avait lancé un compliment dans des vannes, et pourtant, il était louche et quand j'y pense, un peu comme moi d'ailleurs, et c'était subjuguant d'autre part.
Une fois nos verres déposés sur la table basse, celui-ci en buvant d'un coup déposa puis s'en prit au second, avant de prononcer une quelconque parole,
- Dis moi, qu'est-ce qu'un petit papillon cherche au milieu de tout ceci, demanda t'il, en regardant l'enceinte de la salle, de là où nous nous trouvions,
- Un peu de distraction... répondis-Je furtivement
- Oui c'est çà, et celui ci pris son deuxième verre et l'assomma d'une gorgée, il n'avait pas l'air d'un novice, il donnait l'impression d'en arriver jusqu'à 10 verres et il reprit,
- J'adore les alcooliques, dit-il en riant, successivement il ajouta, - Se sont les seuls gens vrais, ils ne mentent pas, ils disent toujours la vérité au bout de 2-3 verres, crois-moi, plus sincères tu ne trouveras pas.
- Et alors ? Répondis-je de façon ennuyée, bien que , je trouvais cela pertinent.
- Et alors, tu fais l'exception, tu mens beaucoup pour une alcoolique...me lança-t'il ironiquement,
- Oui très drôle lui répondis-je en roulant les yeux le plus haut possible,
- il fit un petit sourire en disant, - Tu auras le temps de m'amuser mais , je dois filer, celui ci en regardant sa montre, il reprit de nouveau, - Appelle moi Adam dit-il en enlevant sa grosse capuche noir qui couvrait la beauté nucléaire de ses cheveux crépus et son visage peu grotesque pour son teint ébène dont les yeux gris faisaient ressortir l'ensemble de tous ces éléments qui ne formaient plus qu'un, et l'étranger bizarre, disparaissant,nouvellement Adam.
- Euh... enchantée me reprenant. Je le regardais se lever comme un bâtiment de 50 mètres de haut, s'avançant, et se retourna, - À un de ces quatre joli string ! Fît-il d'un geste de la main et la couleur rouge cramoisie qui montait sur mes joues, lorsque certains du bar l'entendirent, me fixant puis se remirent à leurs mots et tons, je l'observait encore disparaître entre les chaises et tables, les esquivant, minutieusement et plus agile qu'un chat jusqu'à la sortie. Lorsque je détournais enfin le regard, j'étais en face des deux verres qui m'avaient été offerts, seule, et l'envie de me braquer sur moi-même, et les malheurs qui me sont arrivés, sans un quelconque consentement, la présence d' Adam avait finit par se dissoudre lorsque je but un verre puis un deuxième, et un troisième jusqu'au sixième, le bar se vidait et mon cœur aussi, j'étais bien là, bien dans ma peau, et le petit enfoirer de serveur qui me regardait avec dégoût, après tout c'est lui qui me les a apporté, alors pas de mal, je crois le plus gênant c'était d'associer le genre féminin à tout ce qui est gracieux et modeste, ma foi ! Vous n'êtes qu' au début de vos surprises...Quelques femmes venaient ici toutes pimpantes, elles ne ressemblaient pas aux soirs que l'on pouvait passé en étant bourré se faisant lavé par un frère ou un ami, tellement leste que l'on aurait plus le contrôle de notre corps, de notre parole de ce qu'on entend ou pas, soit un peu trop ou pas du tout, d'autres comme ici, et très souvent, finissent en bagarres, règlements de comptes, une histoire de 30 ans et poussières, que les Hommes sont lâches et hypocrites ! ils n'attendent qu'être saouls pour se dire la vérité, pour enfin accuser l'alcool, suite à des entailles, écorchures, bleues, rouges, verts, violets,une nuance de couleurs qui rend la vue elle même aveugle... C'est un charisme, un art de boire sans s'exhiber. Pour ma part je faisais partie des obsédées doux, on suit la cadence, de nos idées et de tout ce qui nous tracassait en journée jusqu'à s'en dormir et être amnésique de la veille.
Les heures s'ensuivirent, nous étions au petit matin, 6h et quelques minutes, je ne me souviens de rien, si ce n'est que quelques gémissements et la chaleur qui me gênait, et les mains moites de...Mais oui j'y pense ! Jo ! Pff pas grave me répondais-je, en frottant mes yeux comme si çà m'aiderait à voir plus clair, le désordre chaotique de la salle, comme si elle avait été ravagée par un monstre, j'aurais aimé vous dire que je suis sur Mars actuellement mais,
- Vénus , lança-t'il en s'approchant de loin, et le vertige qui s'en allait déjà, il me prit par le menton, d'un air totalement erroné, de là où j'étais couchée, se penchant à mon oreille, en murmurant, - Tu as aimé ? Dit-il en riant de telle manière à m'intimider comme autre fois.
- Je ne me souviens de rien, alors non, lui répondis-je d'un ton espiègle,
-Et pourtant tu as jouit, celui-ci se remettant à rire,
Je me senti toute rouge et honteuse, je n'ai jamais ressenti quelque chose pour Jo, nos partages ne sont que pures interêts, il ne me plaisait pas du tout...en me remettant - Çà ne veut rien dire chéri
- M'appelle pas chéri mon petit sucre, j'aurais pu être ton père, dit-il en me louchant de haut en bas.
- Et moi ta fille, furtivement, en me redressant du sofa pour m'asseoir. Celui-ci me matait encore avant que je ne me boutonne, un chemisier bleu ciel qui tendait déjà à du vert émeraudes, tout comme les yeux de Jo, çà me rappelais le vomis... beurk !
Je me ressaisis quand il décrochait au téléphone, s'éloignant, et je le méprisais encore, aussi bien de près comme de loin, défigurant le début de calvitie qui entourait sa tête rocailleuse et le flanc noir et incomplet qui voyait le jour des amours perdus et de ceux qui ne cherchent qu'à prendre une douche, tel était mon envie pressante de me débarbouiller, je laverais sûrement les pêchés de la veille, les salissures et les actes manqués tout était inconsciemment conscient, tout est dit; je retroussais mon jean, à la recherche de mes bottines, quand le nouveau barman me les tendit,
- C'est çà que tu cherche ? D'un ton amical, mais ce pendant arrogant,
- Oui, en les lui prenant, sans même le remercier,
- Tu devrais au moins dire merci, ils ont failli mettre en gage tes bottines hier soir...
- Mmm... ouais profite pas, répondis-je en me les enfilant.
- okay... dit-il en se grattant la nuque, il se tourna pour ranger une chaise qui entravait l'allée, il est bien vrai qu' il a été assez bienveillant de me les emmener et de surcroît les avoir garder, mais, il ne m'inspirait pas beaucoup, et je me demandais encore pourquoi Jo l'avait recruté, un jeune homme de la vingtaine chétif et élancé, tout ce qu'on pouvais dire dans l'ensemble le concernant, il était comme la lumière au milieu des ténèbres, la nuance du vent chaud et de ses pluies, il avait ce contraste d'empathie et de sournoise, quoique, il finissait bien par mériter ce travail. Je me levais en redressant mon chemisier, puis arrêtant mes cheveux bouclés d'un chignon décoiffé de quelques mèches rebelles, j'avançais bras ballant comme à ma naissance, il était certain, c'était un nouveau jour; je poussais les portes westerns presque en titubant, encore un regard derrière moi, comme une sorte de nostalgie, c'était un peu çà ce pincement au cœur que j'avais en quittant le bar, j'estimais que tout irait bien jusqu'à nouvel ordre.... Mais une fois dans la rue, je sentais mon mal de terre recommencer... Appelez moi Vénus, tout y était grammaticalement, je n'avais pas ma place ici, j'étais destinée à être aliénée toute ma vie, je vivais des situations extrêmes, soit un trop plein ou un trop vide, ce qui m'imposait généralement l'autarcie... j'ai le cœur noir, je me console dans les Makkis et les cabarets, j'adorais voir les gens heureux, du moins, de ce qu' ils affichent, c'était cette chaleur qui me manquait depuis tant d'années, entre trahisons, blessures et haine, j'endoctrinais mon mal avec de la cigarette, ce n'est pas correcte mais c'est la vie que l'on mène, ici perdu, dans la ville se sentant comme une entité microscopique, et nos cris qui ne parviennent plus au très haut ... Je sentais le fond de l'air frais circuler dans mes poumons, je faisais le chemin du retour, une simple ligne droite, deux extrémités, deux mondes , deux histoires, c'était la scène, le spectacle, et les spectateurs, le prestant se dissolvant dans un fluide salé, étouffant ou du sucre fermenté, si ne serait-ce de l'eau ? je trouvais qu' il faisait plus long de rentrer; alors que j'observais mes passagers coutumiers, ceux qui faisaient du sport en famille comme ceux de l'autre côté de la route, les amoureux délabrés des bancs publics, et puis moi, modeste piétonne désormais propriétaire de 2 pièces jaunes, à peine pour acheter une chocolatine; mon estomac qui gargouillait, ne laissant plus rien se faire entendre, toute cette réflexion ne faisait qu' absorber le peu d'énergie qu' il me restait. En défilant le paysage pieux des rues, entre commerces de part et d'autres, et les parasols qui coloriaient l'aspect pâle qu' on pouvait avoir en imaginant leur absence ,
Il était bientôt 7h30 dis-je en regardant, la petite Eva sortir de son étroite demeure à caractères rudimentaires.
Celle-ci me glissait en courant, puis se retournant d'un grand sourire, presque étouffée, elle avait la bouche pleine je crois, et puis elle fonça après avoir fait un signe de main, de sa petite taille, une gamine particulièrement courageuse, elle se levait chaque matin pour installer le comptoir de sa génitrice qui femme au foyer de six enfants, s'appuyant sur le petit revenu que lui apportait la vente des beignets au sucre, et d'autres plats bourratifs, c'était la maman du quartier, Maman Thérèse, communément appelée ma'a Théré, et les jeunes qui la surnommait «la mama», de par ses jolies courbes qu'elle n'a néanmoins pas perdu après 6 accouchements et son mari qui l'a abandonné pour aller vivre le rêve américain avec «sa blonde» chez qui il était employé comme gardien de nuit, une femme blanche effleurant la cinquantaine, comme quoi saisir sa chance, laissant ma'a Théré pleine d'espoir, la vaillante Eva âgée de 8 ans : « Ici, c'est ce qu'on appelait se chercher la vie » Vivre c'était risquer de tout perdre et s'éloigner de l'important sinon se serait vivre avec recul ou survivre ou du moins vivre avec contenance. Je me cherchais encore dans les rues, et les chorales entonnaient déjà : l'église de la population consciente du quartier. C'était si difficile d'admettre, si proche de la maison de Dieu et loin de ce dernier ce pendant, mon humble demeure se trouvait à l'opposé de l'abbatiale , je restais sur le trottoir et je respirais un coup, je tournais le dos à l'église.
Je rejoignais l'autre trottoir de quelques pas, et, se dressait déjà un bloc crépi de gris et de matériaux divers, presque pittoresque qu'on aurait cru que son plan aurait été dessiné à la main gauche. La porte barricadée et les fenêtres mi-closes, tout en était en son sein, chaque maison disait long sur la réputation du quartier entre méfiances et le désir quelque part de vivre de respirer l'air frais du matin, et la tisane à la citronnelle qui s'échappait des ouvertures, des odeurs familiales qui donnent encore l'illusion du beau, de ce qui nous manque et des déjeuners autour duquel on se sentait tous réunis par le sang, ceux-là qui réconciliaient les plus aigris et les fâcheux...
Je cognais à la porte et le bruit métallique se fît entendre.
La porte s'ouvrît, et la femme brune aux cheveux décoiffés se fît voir, elle la poussait davantage en cadence de passage qu'elle améliorait en esquissant un sourire qui n'était plus en harmonie avec son mascara qui coulait, de même, ma mère n'avait jamais été une femme coquette ou très sophistiquée, autre fois, elle passait des broches dans ses cheveux pour faire jolie, elle aimait le naturel, l'aisance et se sentir bien dans sa peau à son état primitif dirais-je, néanmoins depuis que celui-ci nous a quitté, c'est une scène théâtrale qu'elle traîne avec elle dans les supermarchés, les hôpitaux, les salles de cinémas, les rues, partout où ses pas laissent l'odeur de sa tristesse qu'elle étouffe avec des rires, parmi des sourires qui vont en dérives, des larmes contagieuses qui s'évaporent sur du cuir, s'assoupissant chaque nuit car trop fatiguée de vouloir s'assoupir, et le cœur qui va en rime au rythme de ses soucis...
- Euh... Bonjour maman me repris-je, en me pinçant le coude comme un signe nerveux chaque fois que je franchissais la porte de la maison.
- Pas trop tôt, dit-elle en attachant ses cheveux longs en un espèce de truc qui ne signifiait rien d'esthétique, celle-ci se tournait, regardait de l'autre côté, un documentaire sur la disparition des éléphants, elle y restait figée, comme intéressée, ce qui paressait assez étonnant, et lançait de nouveau, - Et dire que vous aussi vous disparaissez, que restera t-il du monde ? Je me tenais là, par ici et là-bas, comme voulant trouver ma place, tout comme le pot de fleur sur la table, ou l'encyclopédie de la bibliothèque, j'étais à la fois mieux placée, mais d'aussi tôt, le ressenti d'une inutilité ou de l'incapacité dans une vie commune, similaire à si l'on me demandait de puiser tout un fleuve dans un sceau, je n'avais ni le courage et encore moins la force de mettre un trait sur le passé et pouvoir avancer comme autrefois, la plaie nous était virale, ce n'était que tout ce qui nous restait de lui, pour ma part d'eux, parmi tant d'autres, une minute de silence, pour mes regrettés qui reposent...
- Il y'a du thé dans la cuisine dit-elle en zappant le téléviseur.
- D'accord... répondis-je furtivement, en lançant un dernier regard sur la pièce et l'aspect bordélique que celle ci présentait, je pris la direction du couloir, entre deux portes se trouvait celle de ma chambre, un peu plus à l'extrême gauche, fermée depuis 1 ans déjà, cette boîte à musique qui laissait échapper des notes de piano tard dans la nuit, et le vent des fenêtres qui me berçait, la mélodie qui sillonnait dans mes oreilles laissant un goût morphème, et maintenant, le réveil brutal, le pianiste disparu, les douces mélodies aussi.
Couchée sur mon lit, je faisais le récapitulatif de la soirée d'hier, j'étais assez troublée, je me souvenais à peine de ce qui s'était passé, du moins, jusqu'à ce que l'image de Jo me soit venue en fond, je tirais le regard plus haut que je ne le pouvais, comme si je me forçais de ne plus écouter mes propres reproches, je voulais arrêter tout çà, mais comment ? Le bar était le seul endroit où je me sentais si bien, et aussi vivante, pourquoi tout arrêter ? Pour me retrouver encore toute seule ? Et maman alors que pensera t'elle de moi une fois que tout sera à découvert ? Je me sentais égoïste de ne penser qu'à moi et mon bien-être,néanmoins , je ne pouvais agir autrement... Fatiguée, les paupières qui pesaient, je finis par m'endormir...
Il était pratiquement 13h quand je me réveillais enfin, je me sentais mieux qu'en matinée, je regardais mon reflet à travers le miroir d'en face, les rayons de soleil qui transperçaient les rideaux clairs, s'abattant sur mon visage, ressortant le marron noisette de mes yeux, je baissais la tête pour regarder ensuite me chuchotant tout bas:«Tu en as fais des bêtises hein», je me souriais, en envoyant ma main un peu plus bas sous le matelas, entre les travers du lit; c'était un paquet de cigarettes dans lequel j'avais annoté une par une celles-ci, par exemple, celle que je m'apprêtais à tenir en main était inscrite «Ennuie», c'était un moyen de me faire une raison de fumer sans pour autant culpabiliser, quoique, à chaque jour suffit sa peine... J'observais celle au fond d'un ton majestueux dis-je :«Amour !» elle n'avait rien de spécial des autres, elle était presque quelconque, elle n'avait ni de supplément de tabacs, ni une matière plus corrosive ou soignée, juste l'intention de celle-ci réveillait le mystère :«What is love ?» et puis un bruit en provenance de la fenêtre me fit sursauter, jusqu'à ce que j'aperçois la petite Eva à la fenêtre, elle s'était faite une mini entrée dans la clôture de bois délabrée par la pluie, elle passait presque inaperçue, enfin pour ce que je lui faisais croire, chaque Samedi, elle me ramenait des beignets qu'elle faisait cuire à ses essais, néanmoins qui en étaient pour autant si savoureux... La petite posait son plateau sur un coin de la fenêtre avant de se glisser à même le sol, en riant de la façon dont elle tombait sur le fessier, d'aussi tôt se jetait sur moi comme toutes les autres fois. Eva n'avait jamais eût de soeurs, elle me prenait comme un modèle à suivre et voulait à tout prix me ressembler, elle venait quelques fois mettre du vernis tout comme :«tata Vénus !», où se faire lisser les cheveux, natter ou tresser pour l'école; cette petite boule d'énergie savait me prendre mes weekends et ce qui ne me contrariait pas, tout au contraire, je me sentais importante et responsable, car je l'aidais à faire ses devoirs, pendant que sa mère faisait la recette des beignets en soirée, pour pouvoir payer la scolarité de ses autres frères aussi et dont aucun n'avait encore atteint une autonomie financière.
- Vénusssssss ! Reveille-toi tu seras en retard ! Cria t'elle venant du salon ...
J'avais décroché un petit job dans une librairie à 5km de chez moi, c'était mon premier jour et je devais absolument faire bonne impression; j'avais été déscolarisé il y'a 2 ans, le lycée était sans avenir pour moi... J'avais besoin de quelque chose de concret, j'avais besoin d'argent et aller à l'école pour moi, n'était qu'une perte de temps, je voulais beaucoup de choses et au final rien, jusqu'au chemin de mon retour habituel un matin j'eus croisé une affiche de requête d'emploi comme secrétaire niveau Brevet, sur un poteau; alors je me hâtais de la filmer, bien que bourrée, je sentis une chance me sourire un peu.
Les jours passaient pendant que d'autres les remplaçaient, j'avais obtenu ce job à la librairie "Words Art", j'entrais très facilement dans cette routine, qui ne m'était pas pour autant mauvaise ; pour tout vous dire j'avais presque oublié la boisson...
Mr Eding était le propriétaire de la librairie, tout comme son nom l'indiquait, c'était un homme âgé rempli d'amour, bien que peu présent, celui-ci à son arrivée, s'assurait du bien être de son personnel, par ailleurs, pourquoi nous ne nous posons jamais assez de questions sur les antécédents d'une personne bien trop aimable ? Il n'est pas toujours normal d'être satisfaisant et de répondre aux attentes des autres... Je finis par croire que c'est toute la norme chez moi de ne même pas en tenir compte pffff... Je marchais sur ces airs de savante comme si je m'apprêtais à décrypter l'essence de la vie, or tout ce que je souhaiterais c'est de ramener du pain à la maison ; mes pensées à ce moment-là étaient comme une chanson interminable dans ma tête, jusqu'à ce qu'une main chaude m'arrête le bras alors qu'il faisait un froid à s'en mordre les doigts...
- Joli String ! Dit-il d'un air enjolé.
- Hmmm...Venus pour le rappel ! Lui lancais-je nerveusement.
- Alors euhh, que fais-tu ici à pareille heure ?
J'arrive pas à croire que ce tocard m'ait ignoré, puis je me repris en lui disant,
- Je rentre du boulot non loin, et toi ? En répliquant à mon tour d'un air désintéressé.
- Tu prends tes grands airs mais fais bien attention, ici, les jolies femmes de ton genre ne sont pas épargnés des brigands dit-il le sourire aux lèvres, en passant sa main derrière sa nuque.
- Wowwww j'ai peur ! lançais-je à nouveau et ironiquement.
Il me louchait encore d'un regard gris profond avant de s'arrêter...
- Venus, tu veux boire une bière ?
- Irrécupérable hein ! Lui répondis-je spontanément.
- Quoi ? C'est pas moi qui me livre à cœur ouvert à un parfait inconnu dans un bar, rétorqua t-il à son tour d'un air amusé.
- Euh...euh je ne vois pas de quoi tu parles lui répondis-je d'un air gêné et à la fois stupéfait.
- Assez bavardés joli string, il va se faire tard, monte, dit-il en ouvrant la portière de son pickups rouge vif.
- Venus ! Murmurais-je en le suivant.
Une fois installée, je mis ma ceinture de sécurité, eh oui, on ne sait jamais, il peut avoir un peu bu, et je ne veux rien risquer, ce pendant, il n'avait pour autant pas l'air défoncé, ses cheveux avaient été peignés, il portait une chemise blanche classiquement avec un pantalon noir, plus ou moins ample et des chaussures de ville, il puait l'eau de Cologne et donnait presque l'impression d'aller à un rendez-vous galant, quoique...
- Ça va ? on peut y aller ? Lança t'il en me surprenant entrain de monologuer.
- Hmmm...oui, oui ! Tout va bien, répondis-je à mon tour... La honteeeeee.
- Alors, je te dépose chez toi ? Me demanda t-il ?
- Oui s'il te plaît... Vas-y juste tout droit et je te dirais quand t'arrêter.
Celui-ci démarra la caisse, et nous fûmes partis pour une demi heure de route, un trajet silencieux pendant lequel, je me concentrais à regarder le paysage marié à des couleurs sombres de nuit, quelque fois, je regardais Adam puis, je detournais le regard, ce serait trop inquisitoire de ma part, alors je gardais à l'esprit ce visage figé sur la route sans intérêt à la moindre distraction, avant de somnoler un peu...
J'ouvrais les yeux une dizaine de minutes après, et nous étions presque arrivés, je regardais le bar de Monsieur Jo à ma gauche, et çà me paraissait si lointain à la limite inaccessible, Adam, quant à lui, ne disait pas un mot, il faisait quelques mimiques dévisageantes aux chauffards et leurs "vielles carcasses".

𝐌𝐚 𝐯𝐢𝐞 𝐬𝐚𝐧𝐬 𝐦𝐨𝐢.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant