Chapitre I

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Aucune lumière ne traverse cette forêt. Ici, le soleil est noyé par un ciel continuellement gris ou noir. Et même si ses rayons parvenaient à se faufiler entre ces nuages menaçants, ils seraient engloutis par des branches semblant être des griffes prêtes à transpercer quiconque s'approcherait trop près. Au sol, des tas de feuilles mortes recouvrent des tombes et d'autres immondices oubliées. Poussière, boue et sang se mélangent sans peine. Étrangement, aucune odeur putride ne se dégage de cet affreux cocktail. L'air est froid, sec et austère. L'atmosphère étouffante, si tranquille que c'en est angoissant, rebuterait la plus vaillante des sorcières ou créature de l'ombre.

Pourtant, dix silhouettes s'enfoncent dans cet endroit lugubre. Leurs longues capes noires se confondent dans le paysage, leurs pas se font prudent sur ce sentier, dont la dernière visite remonte à une dizaine d'années. Leur présence et leurs souffles tachent l'horizon. Ils apportent un parfum de vie dans ce lieu habité par la mort.

Un vent violent glace leur os. Par moment, des visages dénués d'expression sont dévoilés. Un hululement lointain sans l'être, provient de partout et de nulle part. L'une des silhouettes frémit. Son regard rebondit du ciel voilée, aux arbres noirs et passe par la saleté qui s'incruste sur ses baskets et sur sa cape. Elle tonne:

— Rappelez-moi pourquoi on porte ces horreurs ?

Sa question est accueillie par des soupirs bruyants où un certain agacement est perceptible.

— Ces capes dissimulent notre empreinte magique.

— Tout comme notre sens de la mode, marmonne-t-elle.

Ils font abstraction de cette remarque et continuent leur marche. Les bruissements de la forêt perce le silence. Une silhouette s'immobilise, elle tend l'oreille. Elle se penche afin de mieux entendre.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Les arbres s'agitent. Il se passe quelque chose d'anormal, répond-elle concentrée.

Elle adresse un regard entendu à cette personne. Celle-ci hoche la tête et déclare au reste du groupe :

— Avancez, je reste avec Flora.

— Je reste avec vous.

— Moi aussi, décide une voix grave.

Six silhouettes poursuivent leur chemin. Lorsqu'elles sont assez éloignées, les quatre qui sont restées en arrière s'interrogent.

— Qu'est-ce que les arbres te disent ?

— Je sais pas. Le vent amène trop de messages.

— Utilise ta magie.

Flora acquiesce, puis elle soulève sa capuche. Elle dévoile un teint caramel, de grands yeux verts et une longue chevelure châtain. Elle s'approche de la chaussée et exige :

Voix des arbres.

Une fine brise presque transparente émane de ses lèvres. Son ordre se répercute sur l'ensemble de la forêt. Des vents habillés de pétales de fleurs fanées ou de feuilles mortes arrivent jusqu'à elle et forment des larges cercles autour de son corps frêle. Flora ferme les yeux pour mieux écouter ces voix qu'elle seule peut entendre.

— Par là. Je perçois aucun danger mais on m'incite à venir vérifier.

— Allons-y alors.

Sans hésitations, ils avancent dans ces bois. Ils marchent sur les pas de leur amie, font craquer les branches au sol et écartent celles sur les arbres. Ils se salissent et manquent de trébucher. Quelques minutes après qu'ils aient quitté le sentier, l'une déclare :

— Tu es sûre du chemin Flora ? Je crois qu'on tourne en rond.

— Je sais plus.

— Musa, utilise ton pouvoir.

À son tour, Musa enlève sa capuche et révèle deux longues couettes d'un bleu nuit, ainsi que des yeux légèrement bridés. Un halo bordeaux teint ses iris lorsqu'elle murmure :

Sonar.

Des vagues pailletés transparentes naissent autour d'elle et se fracassent sur les arbres qui l'entourent.

— Par ici, une interférence.

Elle se précipite vers une direction mais elle se ravise et lève une main.

— Attendez ! Amplification.

Pareil à une flèche, une vague d'énergie trace son chemin puis revient, porteuse d'une voix :

— Aidez-moi ! Pitié !

À l'aide de la voie empruntée par la vague de pouvoir, les quatre silhouettes accourent vers cette plainte.

Ils trouvent une jeune fille sanglotant au-dessus d'un homme dans ce qui ressemble à un nid de lac vide en contrebas. Elle redresse brusquement la tête et lève la main. Elle menace :

— N'approchez pas !

— Nous venons t'aider, ne t'en fais pas.

Flora est certaine de faire face à une victime. Sans doute est-ce la tenue lamentable et le visage humidifié par ses larmes et son sang qui la pousse à le croire.

— Je m'appelle Flora.

Elle descend prudemment.

— Et voici mes amis ; Musa, Tecna et Hélia. Nous ne te voulons aucun mal.

— Je ne te crois pas ! Qu'es-tu ?

— Je suis une fée de la nature. Regarde.

Flora s'accroupit. Elle pose sa main sur un tas de feuilles mortes et six roses poussent entre ses doigts.

— Comment tu t'appelles ? s'enquiert-elle avec le sourire.

— Léna.

— Que s'est-il passé Léna ?

— Elles...elles ont tué mon père.

Elle baisse les yeux vers la tête posée sur ses genoux. Flora aperçoit de multiples griffures ainsi que du sang et de la boue sur le corps de l'homme. Elle s'approche et pose la main sur l'épaule de la jeune fille, en signe de compassion.

— Qui l'a tué ? demande Hélia, le petit ami de Flora.

En guise de réponse, une dizaine de grognement féroce s'élève. Ils lèvent les yeux vers l'autre extrémité du lac vide. Ils découvrent des créatures. Aussi grosses que des sangliers, aux poils hérissés semblable à des piques et aux gueules ensanglantées. 

La promesse d'un affrontement sans merci au moindre mouvement perce leurs regards assoiffés de souffrance.

Le secret de l'épée perdue [Winx Club]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant