Chapitre 1

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Je ne l'avais pas écouté, et me voilà perdu au fin fond d'une forêt inconnue, complètement paumé. Marchant sans bruit dans l'immensité des bois, je tente tant bien que mal de retrouver une trace de mon passage pour faire demi-tour. Un bruit derrière moi m'alerte. Une boule de poils non identifiée se lance sur moi à la vitesse d'un boulet de canon avant de passer entre mes jambes. Il essayait sûrement de fuir un danger bien plus grand que moi. "Tu es humaine, par conséquent, tu ne possèdes ni notre ouïe, ni notre vue, ni notre odorat, mais certains animaux de la forêt les posséderont pour toi... Si tu es seule, ne panique pas. Écoute. Observe. Les petits animaux de la forêt deviendront tes yeux et tes oreilles." Il devait être là quelque part, à m'observer... Essayait-il de déterminer si j'étais une menace ?
- Qui que vous soyez, je vous prie de pardonner mon intrusion sur votre territoire, si tel est le cas. Je me suis juste perdue.Un silence religieux me répondit. Puis un homme sortit de nulle part à l'endroit où s'était enfui le lapin. Aussitôt, je sus que quelque chose n'allait pas. Pour n'importe qui d'autre, la posture de l'homme aurait pu sembler inoffensive, mais je n'étais pas n'importe qui. J'avais été entraînée par le meilleur, et l'aura que dégageait cet homme n'était clairement pas amicale. J'avais plutôt l'impression qu'il me hurlait qu'il allait m'attaquer. Instinctivement, je portai la main à mon couteau d'entraînement. Fait entièrement en bois, il m'avait été offert par mon mentor pour perfectionner ma défense lors de nos entraînements. Le décrochant de mon dos, je me mis en position d'attaque.- Laissez-moi partir, je ne suis clairement pas une menace pour vous et votre meute... tentai-je une dernière fois.Il me regarda un instant et sourit. "Si jamais tu te retrouves seule face à un des miens, ne leur révèle sous aucun prétexte que tu connais notre secret, ils te tueraient pour préserver ce secret." Merde. Un couteau surgit de nulle part, lancé à grande vitesse droit sur moi. Par réflexe, je l'esquivai au dernier moment sur la droite, et celui-ci vint se ficher dans le tronc de l'arbre juste derrière moi. Il avait profité de la diversion pour se rapprocher et me décocher un crochet du droit au menton. Levant mon couteau pour me protéger, celui-ci reçut le plus gros du coup. Légèrement sonnée, je trébuchai sur une racine. Mon couteau vola de mes mains mais n'atterrit qu'à quelques centimètres de moi. L'homme, qui avait récupéré son couteau, me le lança à nouveau, visant de nouveau ma tête. Par miracle, le coup ne fut pas assez rapide, et j'eus juste le temps de déporter ma tête sur le côté. Cette fois, c'était sûr, l'homme voulait ma mort. Dans un mouvement gracieux des jambes, je réussis à bloquer son bras et à lui prendre le couteau que je lançai le plus loin possible dans la forêt. Surpris, il ne vit pas venir mon deuxième coup de talon qui atterrit au niveau de sa vessie. Le souffle coupé, il recula de deux pas. J'en profitai pour me remettre debout et ranger mon faux couteau en un seul mouvement. Le combat et le lancer de couteau étant mes spécialités, je savais reconnaître les personnes qui savaient elles aussi les utiliser, et cet homme me surpassait dans ce domaine, cela ne faisait aucun doute. Tant pis, je me mis en position de combattante en reprenant mon souffle, je l'aurais autrement. Il n'était pas question qu'un imbécile me tue pour sauvegarder un secret que je connaissais depuis près de 17 ans. "Il arrivera certainement un jour où ton adversaire te dépassera en tout. Vitesse. Force. Chance. Et où tu ne pourras pas fuir. Alors, tu seras calme. Aussi calme que l'eau qui dort. Ainsi, tu sauras avec précision le moment exact où cet adversaire attaquera, et quelques secondes avant lui, tu frapperas de toutes tes forces." Sortant de mes souvenirs, je fis le vide. Inspire. Expire. Mes muscles se détendirent à l'extrême. Inspire. Expire. Portant toute ma concentration sur l'homme, je continuai à calmer mon esprit, tel l'eau endormie. Inspire. Expire. Nous continuions à nous fixer, mais aucun de nous ne fit un geste... Quelque chose clochait. Pourquoi n'attaquait-il pas ? Depuis mon coup de pied, il semblait différent. Lui aussi semblait s'être calmé. L'agressivité dont il avait fait preuve à notre rencontre avait disparu. Il se contentait de m'observer pensivement.- À quoi tu joues ?En règle générale, quelqu'un en position de survie ne jette pas d'huile sur le feu, mais la simple déduction qu'il ne me prenait non seulement pas au sérieux mais en plus s'amusait avec moi, m'énervait ! Lui, pas le moins du monde essoufflé, haussa les sourcils.- ...Il voulait jouer ? Très bien, qu'il joue, mais qu'il ne vienne pas se plaindre après avoir perdu ! Sans prévenir, je lui donnai un coup circulaire rapide. Parant le coup, il leva sa main droite, mais avant que mon pied ne le touche, je changeai de direction pour atteindre non pas sa tête mais son pied ! La surprise ne fit cependant pas son effet, car il réussit à enlever son pied de justesse. Cependant, je me retrouvai désormais toute proche et en position idéale pour attaquer, tandis que lui non. Rapide, je lui envoyai un coup de poing au plexus solaire avant d'enchaîner sur un coup de genou. Puis s'ensuivit une série de coups portés autant pour lui que pour moi. Avec pour différence que, si les coups que je lui infligeais ne lui faisaient rien à part me fatiguer, les siens me demandaient une énergie considérable à bloquer, et quand je n'y arrivais pas, j'en payais le prix fort. "Ne te laisse pas mener, prends ton temps et frappe fort et vite." Au prix d'un effort extrême, je réussis à porter deux autres coups dans le ventre avant qu'il ne réussisse à me faucher les jambes, ce qui me fit tomber par terre. Tranquillement, il s'installa à califourchon sur moi. De justesse, je réussis à retenir un hurlement de douleur au niveau de mes côtes. Si elles n'étaient pas cassées, ce serait un miracle. Il profita de mon inattention pour me prendre les mains et les placer au-dessus de ma tête, avant de me dire à l'oreille :- Tu as perdu.Jamais. Lui décochant un coup de boule, il relâcha la pression sur mes mains. Juste assez pour que je me libère. Attrapant mon couteau en acier caché dans ma chaussure, je m'apprêtais à l'égorger quand je suspendis mon geste au dernier moment. Le couteau sous son cou, perça légèrement la peau, et le sang perla sur la lame. Mon cœur battant résonnait à mes oreilles. Pourquoi m'étais-je arrêtée...? Relevant les yeux vers l'homme qui avait toujours le couteau sous la gorge, je fus choquée par ce que j'y lus. De la fierté. Cet homme que je ne connaissais absolument pas était fier de moi. Toute trace d'agressivité avait disparu, remplacée par une lueur toute autre que je ne pris pas le temps d'analyser. Lâchant précipitamment mon couteau, je commençai à paniquer. Il fallait que je parte, il fallait qu'il bouge et que je rejoigne Lucas le plus vite possible. Bizarrement, il se leva et me tendit même une main pour m'aider à me relever. Me relevant tant bien que mal en évitant son aide, j'attrapai mon couteau au passage. Je le remis dans ma chaussure sans cesser d'observer l'homme. Je devais avouer que je ne comprenais pas du tout son comportement. Ni le mien.- Et maintenant ? Tu me montres le chemin ou tu me tues...?J'aurais voulu fuir le plus vite et le plus loin possible, mais outre le fait que je n'avais aucune chance de lui échapper, je n'étais clairement plus en état. Mes côtes me faisaient mal, sans parler de ma cheville.- Ni l'un ni l'autre. Tu vas venir avec moi.Un ordre. Il me donnait un ordre.- Même pas en rêve. Si tu veux m'emmener, il va falloir le faire de force, parce qu'il est hors de question que je me laisse faire.Puis, sans lui laisser le temps de répliquer, je me mis à hurler comme un loup. Je n'étais peut-être pas un loup, mais j'avais été élevée par un. Il connaissait mon chant, et peu importe où il se trouvait dans cette forêt, il m'entendrait.Surpris ou non, il me laissa faire sans rien dire. Reprenant mon souffle, il ne se passa pas une minute avant que le chant d'un loup s'élève dans la forêt à son tour. « J'arrive. » Souriante, je ressortis mon couteau en bois. Pour une raison inconnue, je ne pouvais me résoudre à le tuer. Je savais qu'il était bien plus fort que moi, mais je ne le laisserais pas m'enlever. Lucas allait arriver, et ensemble, nous étions invincibles. Mais contre toute attente, l'homme en face de moi rigola puis s'assit par terre. Il avait décidé d'attendre. Pourquoi ?Limitant, je m'assis afin de reprendre totalement mon souffle et de récupérer. Il n'était pas bien loin, mais il mettrait sans doute dix minutes pour arriver.Profitant de cette pause plus que bienvenue, je me mis à scruter l'homme. Il était très fort, avait l'habitude de se battre et de dominer. Il était prudent et futé. C'était un alpha puissant, ça ne faisait aucun doute. J'estimais la vitesse et la force de ses coups à 10 % de ses capacités maximales. S'il avait voulu me tuer, je ne l'aurais même pas entendu approcher. Un frisson me parcourut l'échine lorsque je compris que je n'étais vraiment pas passée loin de la mort. Je l'avais frôlé du doigt, et cette sensation me fit peur... Bien plus que le combat lui-même. Comment dit-on déjà ? Heureux sont les ignorants ? Le stress me prit à la gorge et je me demandai si j'avais amené Lucas tout droit dans la gueule du loup.- Comment tu t'appelles ?Sa voix me fit sursauter.- Et toi ? répliquai-je avec un cran que je n'avais plus. Il sourit, pas dupe pour un centime.- Inaki, répondit-il tout de même.Ce nom me disait quelque chose, mais si j'étais douée au combat, je l'étais beaucoup moins pour mes études. Il n'était pas rare que je n'écoute que d'une oreille les cours que me prodiguait Lucas. Mon absence de réaction le laissa pensif, ce qui me conforta dans l'idée que j'aurais dû connaître son nom.- Alors comment tu t'appelles ? insista-t-il.- ...Décidant de ne rien lui révéler sur moi, je me contentai de fixer le sol, pensive. Si j'avais raison et que c'était bien un alpha, il n'allait pas apprécier que je ne lui réponde pas. Enfin, il n'aurait pas apprécié ce que je lui avais répondu de toute manière... Lorsque je relevai les yeux, il n'était plus assis à trois mètres de moi, mais juste en face. Patatras. Il me regardait droit dans les yeux, attendant ma réponse. Je déglutis difficilement. Ayant grandi avec un alpha de premier ordre, leur regard ne m'affectait habituellement pas plus que ça, mais le regard de celui-ci était bien plus puissant que celui de Lucas. L'envie de parler se faisait de plus en plus pressante. Celle de m'enfuir en courant aussi. Pourtant, je tenais bon. Un duel de regards se mit donc en place. Une minute s'écoula, et la pression monta de plusieurs crans. Je n'allais pas tarder à craquer.Mais alors que le fil de pensée se rompait dans ma tête, il arrêta tout. Se relevant en soupirant, il se tourna de moitié en fixant la forêt, me laissant épuisée mentalement. Un immense loup gris sortit soudain des fourrés, grognant. Aussitôt, je le reconnus.- Lucas !Oups, la boulette. Je venais de révéler son nom. Si on en sortait vivant, Lucas allait me tuer. L'homme me regarda surpris, puis reporta son attention sur le loup gris. Je sentais que l'intérêt qu'il lui portait désormais venait de doubler, même si je ne savais pas vraiment pourquoi...

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⏰ Last updated: Aug 09 ⏰

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L'enfant loupWhere stories live. Discover now