1er Janvier, 1528
Ce carnet tout en rose est si beau que des larmes m'ont échappé quand sa majesté la Reine Isabelle de Portugal me l'a offert. C'est la première fois que j'utilise de l'encre et une plume pour tracer des lettres qui ne seront lu que par moi seule, et non par Sœur Josefina. L'entendre me dire que jamais une enfant comme moi ne pourra un jour tenir la plume correctement me donne envie de tracer plus encore que de m'arrêter. Ô si elle savait le mal qu'elle me fait... Voilà déjà une année entière que Sœur Josefina m'enseigne le castillan et le latin, sa majesté la Reine elle-même lui fait par de ses félicitations en lisant la richesse de mon vocabulaire sur les parchemins jaunis mais cela ne suffit toujours pas à ma préceptrice. Elle ne voit en moi qu'une enfant sauvage ramené de ce qu'ils appellent le Nouveau Monde. Dès mon arrivée, bien avant que je ne sois offerte à la reine, le peuple entier a posé son regard curieux sur moi tandis que je faisais de même sur eux, le pied à peine posé sur le quai du port de Barcelone. Comme cela fût étrange. Comme cela fût effrayant. Tout était si différent, oppressant, des bruits par centaines tout autour de moi, des milliers d'odeurs, de la pierre à perte de vu recouvrait la terre, des monstres gigantesques s'élevaient partout dans la ville. Même la chaleur, seule similitude à mon pays se voit éloigner de ma peau par cet immense château dont je ne peux sortir. Et ce n'est pas immense et chaleureux, c'est plutôt immense et froid. Les grandes tapisseries l'hiver ne retiennent pas la chaleur et mon seul recoin de réconfort, je le trouve devant la cheminée dans le salon de sa majesté la Reine de Portugal lorsqu'elle demande ma présence à ses côtés. Sa majesté n'est pas mauvaise avec moi, elle est bonne est pleine de savoir qu'elle accepte toujours de me partager. Souvent elle m'enseigne l'anglais et me demande en retour que je lui enseigne l'aymara. Contre quelques mots de français, quelques mots de Runa Simi. Ce sont des échanges de curiosité avant que je ne retourne dans ma chambre sans fenêtre, ses pierres froides et le garde qui arpente sens jamais cesser le couloir chaque nuit. Les cliquetis de ses pas m'empêche de trouver le sommeil, la cire de ma bougie fond comme les morceaux de nuages que je vois tomber depuis quelques mois et recouvre de blanc le jardin. Que c'est étrange. Même les yeux fermés il m'est impossible de dormir et je ne peux plus chercher les étoiles dans le ciel. Il n'y a que de la pierre.
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Journal à la cour, Zia
FanfictionDes années 1528 à 1532, Zia confie ses plus terrifiants comme ses plus beaux moments à la cour, sa nostalgie et ses petits plaisirs.