26 Janvier, 1528
Dieu Inti, à ton éveil une déesse m'est apparue couronnée de tes rayons.
J'entends encore les roues du coche contre la pierre, les hallebardiers royaux accourir dans la cour, les murmures qui s'envolent tel les battements d'ailes des petits moineaux, les lourdes portes qui s'ouvrent en un soupir de soulagement pour laisser entrer la confidente de sa majesté la Reine Isabelle de Portugal. Ô mon père si vous saviez, vous auriez tant apprécié cet instant, ce flottement de silence si agréable comme on le vit face à l'océan au port de Tumbes, la nuit, quand seules les vagues viennent caresser la coque des bateaux.
En me rendant au salon de sa majesté, comme je fus surprise de voir le patio délaissé des enfants que je jalouse tant habituellement. Les fleurs de cotons auraient-elles perdues de leurs douceur ? Pourtant elles m'avaient l'air si agréables quand je les apercevais s'y amuser emmitouflés dans leur belle cape à la laine si chaude. Ô ! mais si vous l'aviez vu mon cher papa , j'ai découvert une fleure de la nature à l'éclat plus chatoyant qu'un rubis posé près du feu. Elle est d'une beauté qu'il n'est possible de voire seulement chez les divinités. Ses cheveux tressés et perlés de pierres précieuses scintillaient sous la rougeur de notre dieu Soleil dont la lumière semblait l'envelopper et illuminer sa personne. Sa robe en soie d'or semble glisser comme de l'eau lorsqu'elle se déplace avec grâce dans le château et fendue sous sa poitrine, elle laisse voir sa cotte pourpre aux brocarts grenadins si somptueux qui ont fait s'émouvoir sa majesté, la complimentant pour sa toilette qui faisait s'entrelacer à merveille les couleurs italiennes aux motifs espagnoles. Sa beauté et son élégance sont aussi envoutante que les parfums qui se marient dans son pomander en vermeil, une drôle de petite pomme en métal brillant qui s'ouvre en quartier au bout d'une chainette qu'elle porte autour de sa taille en ceinture. Elle l'a ouverte sous mes yeux délivrant le jasmin, la cannelle ou encore l'ambre gris, autant d'odeur qui me font sentir bien loin du palais de Valladolid et de ses murs qui se dressent autour de moi et m'effraient, dans un jardin merveilleux où pousse mille et une herbes, des arbres hauts, verdoyants et majestueux et des champs jusqu'à l'horizon irrigués de petits ruisseaux à l'eau pure.
Sa majesté s'émerveille de son savoir et de l'étendue de sa culture. Qu'elle ne fut pas ma surprise quand elle s'adressa à moi en quechua de sa belle voix grave et tendre à la fois, l'air bien amusé de ma consternation. Mais plus encore la langue de mon pays, elle en connait les coutumes et m'a murmuré combien elle appréciait le tissage et la couleur de mon acsu lorsque sa majesté s'est absentée. Ses paroles, ses mots, tout n'était qu'admiration et respect tandis que moi je la vénérais sans pouvoir quitter ses yeux à la couleur des châtaignes qui tombent en automne. Et tout comme les bogues qui les protègent et qui coupe les doigts, elle égratigne les mœurs, elle pique la morale, c'est une aiguille, une lame qui entaille le corset de la cour impériale sans jamais que la reine ne s'offusque. Ô mon Patou, j'en suis assurée, il n'y a qu'une déesse pour ainsi s'imposer au dessus de la Coya de cet empire. Et puisque les divinités habitent les même cieux que les oiseaux, si je lui faisais offrande d'un beau mouchoir tissé de rouge, me ramènerait-elle jusqu'à toi ? Puisse la comtesse et grandesse d'Espagne, la señorita de Laguerra entendre ma prière.
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Journal à la cour, Zia
FanfictionDes années 1528 à 1532, Zia confie ses plus terrifiants comme ses plus beaux moments à la cour, sa nostalgie et ses petits plaisirs.