"Les monstres" Fragment 1

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Depuis sa chambre, Noam regardait dehors avec plaisir. Au-delà de la bulle climatique du domaine s'étendait un paysage blanc. Les flocons tombaient avec paresse et dans ce brouillard, tout s'effaçait. Mais dans la cour de pierre noire, les flocons se changeaient en une pluie battante. Les branches des arbres-lampions étaient malmenées par le vent qui plus loin faisaient danser les jolis flocons.

Le petit garçon entendit un coup frappé à la porte et se retourna, le regard plein d'espoir... mais ce n'était qu'une servante munie d'un plateau. Elle secoua tristement la tête et Noam baissa les yeux. La servante posa son plateau sur le lit et s'en alla.

Sur le plateau, rien d'extraordinaire. Un morceau de pain, un peu de fromage, du saucisson et de l'eau. Noam s'assit par terre, posa le plateau devant lui et se mit à manger. Il n'était pas vraiment surpris. Il avait l'habitude. Depuis son retour de la foire aux talents il n'existait plus aux yeux du monde. Il était inutile. Il n'avait aucun don.

Tout le monde avait un don. Son père était un puissant manipulateur mental, sa mère maitrisait le sang, son frère ainé combinait les deux, ... Même la servante avait un don ! Un petit don, certes... Elle pouvait d'un regard évaluer le taux de crasse ou de contamination d'un endroit ou d'une chose. Mais lui, rien. Les découvreurs n'avaient rien trouvé.

Il finit son repas et, la nuit tombant, posa son plateau près de la porte et alla se coucher. Allongé sur le dos, les yeux fermés, il se détendit et se mit à compter doucement en respirant profondément.

- Un... Deux... Trois...

Il prit alors une grande inspiration et un parfum familier vint lui chatouiller les narines. Le parfum du rêve. Il se mit alors à sourire et ouvrit les yeux.

Il flottait dans un monde noir. Plus loin, il voyait une porte mais n'y prêtait pas attention. Il connaissait cette porte... elle menait aux rêves des autres. Il n'aimait pas y aller. Il préférait s'inventer ses propres rêves.

Il repensa au paysage de tout à l'heure et sourit. L'obscurité laissa place à une pleine blanche, un ciel gris et de lourds flocons tombant paresseusement. La neige était chaude et moelleuse et les flocons sucrés. Il s'amusa à y jouer, des amis sans visages ou des animaux l'accompagnant.

Il riait aux éclats, dansant et rebondissant sur le tapis moelleux, faisant des sculptures, des boulles de neige, changeant la couleur de la neige et du ciel au grès de ses envies.

Il adorait rêver. Il avait l'impression de voler, de nager dans le ciel en gardant les pieds sur terre. Le temps n'existait plus, il n'y avait que lui...

Mais aujourd'hui, c'était bizarre... peu à peu, un profond sentiment de malaise s'insinuait en lui. Il essayait de l'ignorer, mais se surprenait à lancer de rapides coups d'œil vers la porte... finalement, n'y tenant plus, il la traversa.

Il se retrouva dans une réplique de sa maison, mais noire avec seulement des portes blanches vers les salles ou des personnes dormaient. Le cœur serré, il regarda autour de lui en marchant dans les couloirs, et soudain, il vit quelque chose briller au sol et la porte de la chambre de ses parents ouverte... mais il n'y avait personne. Ses parents n'étaient plus là.

Le petit garçon se réveilla en sursaut et tomba du lit en essayant de se lever. Il n'avait qu'une idée en tête : aller voir ses parents. Il sortit en courant, traversant les couloirs pour atteindre la chambre de ses parents.

Il faisait noir, mais il vit quelque chose briller au sol et la porte ouverte... et dans la chambre, un être immense au corps noueux et luisant, aux membres longs et pliés étrangement, avec des piques et des griffes dans tout les sens et des tentacules dans le dos. La créature se tourna lentement mais Noam ne lui vit pas de visage... pas d'oreilles, pas d'yeux, pas de nez, juste une bouche immense, des dents pointues et une longue langue visqueuse semblable à un tube.

Histoires de mes terresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant