Writing Prompt #1 La dague, l'autre monde et Emma

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Parfois, juste parfois, sa provenance l'intriguait. Non pas parce qu'elle lui était inconnue, mais parce qu'il venait à douter qu'elle en ait seulement une. Et Zach, dissimulé par l'enveloppe sombre et rassurante de la nuit, abrité dans l'inconnu qui n'était jamais loin du chaos, observait l'objet à la lueur de la lune quand cette dernière daignait se montrer.

C'était une dague. Une dague lourde, tranchante, avec une aura sereine et quasi-mystique qui se dégageait de ses faibles reflets lorsqu'elle était éclairée par le ciel. Une dague unique. Une dague magnifique, pourpre et argentée, un papillon opalin délicatement posé entre le manche et la lame. Une lame solide. Fine. Rapide. Précise. Délicate. Gracieuse. Une lame parfaite pour une dague parfaite. Avant de s'endormir, il se blottissait tendrement contre elle et lui murmurait des mots doux qu'elle était maintenant la seule à pouvoir entendre.

La première fois qu'il la vit, ainsi que les dizaines de milliers de fois suivantes, il pensait que seul Dieu en personne pouvait lui avoir fait cadeau d'une telle relique. Il pensait que dans Son immense bienveillance, Il lui a offert sa destiné par la même occasion. Et si le fil des années n'avait pas emporté avec lui son ardeur à remplir cette destinée, il n'a pas manqué de déraciner toute foi en une entité unique et bienveillante (ou malveillante, comme il avait tendance à y croire dans ses jours les plus mauvais). Il restait cependant convaincu que sa fidèle compagne venait des Dieux -de qui d'autre, sinon ?! De qui d'autre ?-, et était raisonnablement certain que ces Dieux ne pouvaient avoir aucun rapport imaginable avec quelque spectre moral qui soit. Peut-être étaient-Ils juste lassés de voir l'humanité stagner. Peut-être voulaient-Ils juste mettre un petit peu de désordre, et voir ce qui se passerait.

Il y a quelques décennies, la communauté scientifique a découvert que la mort du monde était imminente. S'ensuivit une période que même Zach trouvait étrange, baignée dans un calme apparent et tendu. Les scientifiques s'affairaient dans leurs laboratoires, les poètes chantèrent la fin et les regrets, les entreprises vendirent tout ce qu'il y avait à vendre en scandant des slogans peu recherchés comme « autant en profiter ! ». Ce calme apparent ne dura que deux semaines environ, et Zach fut surpris qu'il dura aussi longtemps. Que ce soit par foi, folie, résignation ou sophisme paresseux, l'humanité comprit qu'elle ne pouvait être sauvée, et pendant que les ruelles s'emplissaient de hurlements désespérés et de pleurs silencieux, les plus âgés et les plus malades regardaient le spectacle avec une pitié contrainte mêlée à un soulagement médisant. Il pensait même pouvoir discerner une jalousie chez quelques-uns, mais Zach n'en était pas certain, et après tout, comment pouvait-il l'être de quoi que ce soit ?

Puis elle est venue, et en toute honnêteté, les souvenirs de leur rencontre changeaient à chaque fois qu'il y pensait. Cela dit, il n'y pensait pas assez à son goût, faisant passer son devoir pénible avant ses doux rêves et profitant de l'irrémédiable et intarissable panique pour remplir sa mission avec tranquillité. C'en devenait souvent aisé. Partout, tout le temps, les hommes et les femmes, parfois avec un enfant à bout de bras, se précipitaient vers une destination qui leur était inconnue, espérant trouver quelque chose, quelqu'un, peu importe tant qu'un peu d'espoir pouvait être sauvé de ce carnage. Dans cette situation exceptionnelle, tous les fous du monde étaient livrés à eux-même. Même les éléments les plus dévoués des forces de l'ordre et des soignants avaient désertés, à croire que la compétence ne mettait personne à l'abri de la réalité. Des maisons, quelquefois désertes, s'enflammaient aussi facilement qu'une flaque d'essence ; les vitrines des magasins à présent délaissés étaient toutes dépouillées sans aucune exception ; les gens pris dans la pagaille pouvaient se faire égorger dans la rue sans même voir la mort venir. Se fondre dans le décor était extrêmement simple, et aucune discrétion n'était requise.

Au début, il emmenait constamment avec lui deux lames, celle pour attaquer et une autre pour se défendre, par pure malice. A présent, il avait du mal à y voir l'intérêt. Un tri était laborieux durant l'apocalypse, surtout en enfer.

Writing Prompt #1 : La dague, l'autre monde et EmmaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant