Elle en avait besoin. Ça lui faisait mal, mais elle était invariablement attirée par cette dépression morbide, comme s'il s'agissait de son cocon à elle pour se protéger du monde qui l'entourait.
Et puis, au final, la maîtresse, les amis, le papa et la maman, ils lui posaient des questions à force. « Pourquoi tu es comme ça ? Quelque chose ne va pas ? Tu es triste ? Tu as perdu quelque chose ? ». Pour une gamine de 8 ans, c'était normal de pleurer parfois. Ça évacue encore un peu plus d'eau de votre corps pour mieux vous assécher.
Elle n'avait pas besoin de justifier la raison de ce mal, de ce virus qui s'agrippait obstinément a elle . Il s'agissait de quelque chose de beaucoup trop pesant pour qu'un humain puisse vivre sa vie avec, une chose venue d'un autre monde, qui ne pouvait pas être attrapée avec les doigts comme on attrape des papillons. Quelque chose de grand, d'innommable, d'immuable, qui resterait ancré dans le cerveau, l'âme et les manières de la petite fille, jusqu'à ce qu'elle en crève.
Mais elle n'avait pas peur. L'Autre était là. Près de son oreille quand elle allait dormir. Elle n'avait pas peur de lui. Et lui n'avait pas peur d'elle. Ils étaient reliés par leur bizarrerie, leurs cauchemars et leurs insomnies, copains de lames et de larmes, se recroquevillant dans leur sphère de raisonnement, qui signifiait tout et rien à la fois.
À eux deux, ils formaient une harmonie à la fois parfaite et dérangeante, se chuchotant leurs dissemblances, comme si l'un était le reflet de l'autre, comme si chaque rose et chaque épine était fiable aux apparences mais contraire à l'essence même de leur éthique.
Elle était monstre, il était humain. Deux environnements hostiles à leur nature, prisonniers de leurs corps ; ils ne pouvaient rien faire d'autre, à part se haïr d'avantage. Leur esthétique était le seuil des apparences ; seule leur matérialité importait, peu importait si leur perception des choses différait. Mais quand on grattait leur écorce de convenance, on trouvait des antonymes désordonnés, éparpillés, comme s'ils avaient tous deux été cassés à la naissance, et recollés maladroitement.
Leurs personnalités étaient en désaccord avec eux-mêmes, et ils en souffraient. Ils étaient nés eux, c'était leur seul malheur. Eux-mêmes se trouvaient immondes, mais en se contemplant tous deux, ils voyaient un moyen, dans un miroir de chair, de mieux s'accepter.
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Funérarium
Short StoryJe devrais me balancer au bout d'une corde pour te plaire encore ? Ou glisser ma langue entre deux lames de couteaux ? Serais-je l'oreiller qui t'aide à mieux endormir tes angoisses ? Ah, tes peurs, tu les berce pour les faire taire, mais aussi pour...