Fallen Icarus

𝘐𝘯𝘴𝘱𝘪𝘳𝘦́ 𝘥𝘶 𝘱𝘰𝘴𝘵 𝘛𝘶𝘮𝘣𝘭𝘳 "𝘐𝘤𝘢𝘳𝘶𝘴 𝘭𝘢𝘶𝘨𝘩𝘦𝘥 𝘢𝘴 𝘩𝘦 𝘧𝘦𝘭𝘭", 𝘱𝘢𝘳 @𝘸𝘦𝘢𝘳e𝘢𝘭𝘴𝘰𝘣𝘰𝘢𝘵𝘴.𝘓𝘦 𝘧𝘢𝘯𝘢𝘳𝘵 𝘥𝘦 𝘭𝘢 𝘤𝘰𝘶𝘷𝘦𝘳𝘵𝘶𝘳𝘦 𝘯𝘦 𝘮'𝘢𝘱𝘱𝘢𝘳𝘵𝘪𝘦𝘯𝘵 𝘱𝘢𝘴 𝘯𝘰𝘯 𝘱𝘭𝘶𝘴. Enjoy 🐞

Icare riait alors qu'il tombait. Les bras et les jambes écartés, laissant le vent user de lui comme d'une marionnette. Criant, hurlant, dansant dans le ciel clair. Si clair. La tête renversée en arrière, les yeux fermés. La caresse du feu dévorant sa peau jusqu'à ses os, brûlant son torse, ses hanches, ses pieds, ses mains. Le baiser de la souffrance et de la mort lui apparaissant comme un avant-goût du repos qui l'attendait.

Elle était belle, la chute de ce petit humain à la peau trop claire et aux yeux pleins de rêves. Belle comme la douceur des plumes, les couchers de soleil, la danse accordée de deux corps à la nuit tombée. Et il y avait quelque chose de magique dans le fait de mettre feu à son monde et de le contempler brûler depuis les flammes. Elle était angélique, cette lente descente jusqu'aux profondeur de l'océan. Si heureuse et si triste qu'Apollon lui-même tendit une main, comme pour le rattraper, sans même parvenir à l'effleurer.

Et Icare riait, riait aux larmes à en réveiller les morts qui sommeillaient dans les Champs d'Asphodèle, étendant ses ailes morcelée comme s'il pouvait toucher les deux coins de la Terre. Éole se faisant plus brutal au fur et à mesure qu'il tombait, arrachant des larmes à ses yeux aux paupières brulées. Son père criait sans doute, mais il ne l'entendait pas, grisé par la douce mélopée du rugissement de l'océan et des étincelles qui détruisait encore un peu plus sa bien trop petite enveloppe corporelle.

Il était fragile Icare, bien trop fragile, bien trop seul. Il avait passé sa vie enfermé dans un Labyrinthe, abandonné au milieu d'une obscurité qui avait peu à peu grignoté la chaleur de son cœur. Et quand son père lui avait offert ces ailes, et qu'il s'était élevé dans le ciel pour la première fois, il avait découvert Apollon et sa lumière, sa chaleur, son sourire. Oui, il était tombé amoureux d'un dieu, comme tant d'autre avant lui, comme on reste subjugué par la beauté du crépuscule, comme on tombe d'un ravin pour ne jamais remonter. Mais Icare était trop insignifiant pour attirer l'attention d'une créature telle que lui.

Alors il s'était envolé, haut. Beaucoup trop haut. Toujours plus haut, toujours plus près de lui. Jusqu'à ce que, enfin, ce soit trop près. Et Icare était tombé, l'esprit heureux, parce que, sur les traits du soleil, il aurait pu jurer avoir aperçu le désespoir de le voir sombrer se peindre.

Quand il avait heurté le mur glacé de l'eau, pénétré le domaine de Poséidon, il ne s'était pas débattu. Balloté par les flots, pantin des forces de la nature, il avait souri, vidé ses poumons, fermé les yeux. Au fond de l'eau s'endormit son corps malmené par un soleil trop brûlant et un océan trop agité. Et pourtant, dans le vent des hauteurs, son rire résonne encore, chantant, éclatant, accompagné du cri de Dédale et de la main tendue d'Apollon. C'était un amer triomphe que de s'écraser, alors qu'il aurait dû brûler. Une amère victoire que de défier Thanatos qui viendrait cueillir son âme quoiqu'il advienne.

Beaucoup de gens voient sa mort comme une tragédie, ils ne pourraient pas avoir plus tort. Ils ignorent que, en prenant son envol, en outrepassant les règles de son père, Icare savait qu'il en mourrait. Sa mort n'est pas l'histoire d'un garçon qui désobéit à son père, mais celle d'un homme amoureux qui donna sa vie pour ne serait-ce que se tenir un peu plus près de l'être aimé. Pour lui, il n'y avait pas de beauté sans douleur, et dans sa lente descente jusqu'aux Enfers, il vit plus de beauté qu'en une vie entière.

Et, alors que, debout dans les Champs d'Asphodèle, la peau brûlée jusqu'aux os, les yeux rendus aveugles par la lumière d'Apollon, il attend le jugement d'Hadès, il se demande parfois si cela en valait la peine, de tomber pour le soleil. Et son cœur en fête dans sa poitrine détruite connait la réponse. Oui. Oui, sa chute en valait la peine.