Tom

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« I'll be here at two. »

J'ai déjà relu le message au moins dix fois. Il est 9h30 et je n'ai qu'une envie, partir. La chaleur est étouffante pour une journée de Mai. Toutes les fenêtres sont ouvertes, aucun vent ne passe. Les hélices du ventilateur tournent lentement. Beaucoup trop lentement. Il est derrière moi mais je ne sens rien. Une goutte de sueur perle le long de mon cou et je soupire.

10h00

Ma tête tourne. Je ne sais pas si c'est l'excitation de le revoir enfin, ou l'eau de Cologne trop forte de mon collègue. Comment s'appelle-t-il déjà ? Gérard ? Bernard ? Quelle importance dans deux mois avec un peu de chance il se fait virer pour harcèlement. Faire tomber son stylo à répétition sous la table quand je porte une jupe dépasse la coïncidence normale. Je sens son regard de pervers posé sur moi. Il me détaille avidement de la tête aux pieds. J'ai envie de vomir.

10h30

Qu'une heure. Une petite heure est passé, j'ai l'impression que ça fait deux jours. La chaleur n'est toujours pas redescendue. Je fonds un peu plus à chaque minute. Je me lève de mon fauteuil pour aller chercher de l'eau. Le gobelet en plastique craque dans ma main, j'appuis sur le bouton et l'eau sort du distributeur. Je le porte à mes lèvres et respire enfin. L'eau glacée coule dans ma gorge, je la sens se disperser dans ma poitrine. Je balance naturellement ma tête en arrière et respire la bouche entre ouverte. Mon patron passe à côté de moi, je ré-ouvre mes yeux qui se sont fermés sans que je le décide. Il me fait un signe de tête. Un signe qui me demande poliment de me remettre au travail. Je le regarde passer et lève les yeux au ciel. Je ne peux plus travailler j'attends mon rendez-vous.

13h50

La matinée s'est tout d'un coup accélérée, j'ai classé quelques dossiers, réglé quelques problèmes et enfin c'est bientôt l'heure. Je commence à ramasser mes affaires. Je ne dis même pas bon appétit à ma collègue avant de partir. Je n'ai que trois petites heures devant moi et je compte bien en profiter.

Je sors limite en courant de l'étage. Le hall de l'immeuble est beaucoup plus frais que mon étage. Je m'assois sur l'un des canapés en cuir et sors les sandales que j'ai amené avec moi ce matin. Je change mes chaussures à la hâte et le peu de visiteurs qui passent dans le hall me regardent étrangement. La chaleur agrippe mon visage dès que le talons de ma chaussure touche le gravier. Si l'excitation n'avait pas déjà pris toute possession de mon corps je pense que je pourrais m'évanouir.

Je fais quelque pas en marchant puis me mets subitement à courir. Je suis comme une enfant. Une adolescente avec son premier flirt. Je cours à en perdre haleine jusqu'à notre point de rendez-vous habituelle Je m'arrête dans cette rue étroite et j'attends. La chaleur est beaucoup plus supportable à l'ombre. Le vent caresse mes jambes nues. Ma robe virevolte un peu. Les petits cheveux dans ma nuque se hérissent. Je reste là et j'attends. Les gens passent. Des hommes me regardent, des femmes aussi. Ils s'interrogent. Pourquoi est-ce qu'une femme comme moi reste seule dans une rue en pleine après-midi ? Pourquoi est-ce que je regarde partout comme si je préparais un mauvais coup. Ma respiration se calme. Je n'avais même pas remarqué qu'elle était devenue haletante. Je regarde encore à gauche et à droite. Je suis peut-être en retard, ou c'est peut-être lui. Je lève mon poignet pour regarder l'heure sur ma montre.

« You're late »

Je m'arrête, ma respiration se coupe. Il est là, derrière moi. Ses doigts qui se baladent déjà sur ma nuque. Il me retient juste comme ça, heureusement d'ailleurs car je m'écroulerais bien au sol quelques minutes. Ma respiration redevient saccadée. Je ferme les yeux pour savourer ce moment.

« Non, jamais. »

Il pose ses mains sur mes bras et me retourne, je le vois enfin. Ses cheveux brillent éclairés par le soleil qui tape toujours autant. Ses yeux bleus et son petit sourire en coin vont avoir raison de moi. Je me rapproche un peu plus de lui et passe ma main dans ses cheveux roux. Il m'attire à lui et m'embrasse. Ses lèvres bougent avec les miennes. C'est la plus belle des danses. Je m'accroche à son bras quand il me rapproche encore. Il ne me laisse pas de répits. M'embrassant encore et encore. Quand il s'écarte enfin j'ai la tête qui tourne, son parfum m'enveloppe déjà.

EscapeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant