Escape

Emme

7 mois plus tôt...

« Je te quitte ça ne va plus »

La porte fait un bruit assourdissant en claquant derrière lui. Je reste un moment, là, les pieds enfoncés dans mon tapis défraichis. Les poils ne sont plus aussi soyeux que le jour où nous l'avons acheté. Où je l'ai acheté. Je suis sortie du travail plus tôt pour lui faire plaisir. J'ai pensé nous préparer un plateau repas et regarder ses émissions débiles avec lui. Je bouge les orteils pour m'assurer que je sens toujours quelque chose, n'importe quoi. Je ressens tout. J'entends tout. Le bruit de mon cœur qui bat à un rythme effréné dans ma poitrine, le bruit de ma respiration qui remplit étrangement bien la pièce qui paraît si vide.

15h36

Je ne sais pas quand est ce que je me suis déplacée sur le canapé. Mes fesses s'enfoncent dans le coussin usé par ses heures interminables à être assis dessus. Rien. Je n'ai toujours pas pleuré. Je ne me suis toujours pas effondrée au sol en suppliant tous les saints de me le ramener. J'aurais dû crier que je l'aime, que je veux qu'il reste, qu'il ne peut pas me quitter maintenant que... que rien. Parce qu'il n'y a rien, il n'y a jamais rien eu. Un vent froid vient caresser mon visage et ricoche sur mes pieds toujours enfoncés dans le tapis. Je tourne ma tête en direction de la fenêtre. J'ai besoin de fumer.

15h55

Mon doigt glisse sur la boîte de mon poison. Elle est vide. Combien en ai-je fumé ? Je ne veux même pas compter. Un couple passe en dessous de ma fenêtre. Leurs rires me parviennent. Je les regarde en me demandant si elle l'aime vraiment. Si à chaque sourire, chaque touché, chaque caresse, chaque baisé, elle le hait un peu plus mais refuse de le laisser partir. Si certaines fois elle ne sent pas submergée par ses sentiments et veux juste courir le plus vite, le plus loin possible tout oublier et ne plus jamais revenir. L'homme retient sa main quand elle continue d'avancer et l'attire dans une douce étreinte. Oh non, ils s'aiment.

19h07

L'odeur de la crème à récurer a rempli notre petit appartement. Mon appartement. J'ai frotté toutes les pièces jusqu'à ne plus sentir mes doigts. C'est un exutoire incroyable. Gratter jusqu'à ce que toutes les imperfections, ses imperfections partent. Mon téléphone vibre sur la table en verre, les vibrations emplissent la pièce bien trop vite. C'est vide ici. J'attrape le petit objet et regarde la raison de ce bruit.

« Je sais ce qui s'est passé, tu viens boire un verre ? J'ai plein de choses à te dire »

Oui, bien sûr, il a été plus rapide que moi, et elle n'est pas assez concentrée pour se rendre compte qu'elle est horriblement narcissique. Je lui réponds en lui disant que je serai là à 19 h 30. C'est un mensonge et elle le sait, je n'ai jamais été à l'heure et ça ne commencera pas aujourd'hui. Mes mains touchent le mur froid et mon front vient l'y rejoindre. J'inspire 1,2,3 et j'expire. Ça va bien se passer, rien de pire ne peut se passer.

J'avais tort, j'avais tort sur toute la ligne. Son parfum a agressé mes narines dès le moment où je me suis assise. Un mélange de bois de rose, de vanille peut-être, je ne sais pas. Son téléphone est scotché à son oreille depuis mon arrivée. Mon verre de bière est déjà en train de se réchauffer. La sensation fraîche du verre a laissé place à des petites gouttelettes d'eau qui glissent sur lentement mon doigt. L'été a commencé mais il ne fait pas encore très chaud. Je lâche un soupire dans l'air tiède de la terrasse chauffée. Elle ne dévisse toujours pas son téléphone de son oreille quand je lui fais signe pour demander si elle a une cigarette. Elle me balance son paquet sur la table et reprend sa discussion. J'attrape la boîte en carton au vol et recule ma chaise pour me lever.

Le bruit de mes talons quand je fais des allez retour dans la rue m'apaise. Je m'arrête une seconde et pose mon dos contre le mur de ciment tiède. J'ai hâte que les températures se réchauffent vraiment. Je pourrai enfin mettre des robes, sentir le soleil réchauffer ma peau nue...