Tétanisée, apeurée, bloquée. Tel ést mon état lorsque je me retrouve devant le portail de mon bahut, chaque matin, à sept heures quarante cinq précises. À chaque fois, j'hésite à entrer ou à me casser en courant. À chaque fois, je me dis "ce coup-ci, ils ne m'auront pas, je serais plus forte qu'eux". Mais à chaque fois, c'est pareil. Je rentre, et je me faufile dans un coin, à l'abri des regards, où je peux être sûre que personne ne me trouvera. Et je reste seule. Seule avec moi-même. Seule avec mes pensées. Et je l'évite, lui et sa bande. Sauf que sa bande, c'est tout le monde maintenant. Alors j'évite les gens. Et je me fais de plus en plus petite de jour en jour. Un jour je me ferais tellement petite que je m'écraserais moi-même. Je me tue déjà à petit feu. Et pourtant, j'ai que quinze ans. J'ai la vie devant moi comme ils disent tous. Oui, mais moi j'ai plus d'espoir. J'ai plus d'inspiration. Tout me paraît fade, triste et sans âme. Tout me paraît semblable à moi-même, en fait. Et c'est comme ça tout le temps. Mais je dis rien, je me fais toute petite, et je suis le rang qui se dirige vers la salle de français.
Je m'appelle Lola, j'ai quinze ans, tout aurait pû aller, mais je l'ai rencontré il y a trois mois, et depuis, il ruine totalement ma vie.