Margot

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Margot, ses longues boucles d’or virevoltant au vent, entra dans la « Cour  du commerce St-André ». Contrariée par une altercation avec sa mère, elle se sentait oppressée. En retard au Lycée Fénelon, elle empruntait pour la première fois cette traverse entre la rue Saint-André des Arts et le boulevard St-Germain… Tout en foulant prestement cette ruelle pavée, petit à petit, elle se sentit mieux. Vraiment beaucoup mieux. En sortant de la cour, la joie baignait tout son être, comme par magie… Comment était-ce possible après ces instants douloureux en famille !... Son prof de musique remarqua son retard, et contre toute attente, Margot reçut un sourire de sa part… Le soir, Margot, intriguée par sa traversée de la cour du commerce St-André et par sa subite métamorphose émotionnelle, effectua une recherche sur Internet. Elle apprit que la Cour du Commerce Saint-André, fut construite au début du XIII° siècle et établie sur un ancien fossé comprenant des fondations de l'enceinte de Philippe-Auguste.  Le passage fut ouvert en 1735 entre deux jeux de paumes pour relier la rue Saint-André des Arts et celle de l'Ancienne Comédie. Prolongé en 1776, le passage continue jusqu'à l'ouverture du boulevard Saint Germain. Son nom est dû à la présence de nombreuses boutiques. L'imprimerie du journal « L'Ami du Peuple » de Marat se trouvait au n° 8 de la cour… Dans la nuit, un songe enveloppa son esprit où il était question de Schmidt le charpentier et de la mise au point de la guillotine… Au lever, quelle ne fut pas sa stupéfaction de lire sur le Web qu’un charpentier allemand du nom de Schmidt avait habité au n°9 de la cour du commerce St-André… Dans son atelier la guillotine fut expérimentée par un certain docteur Guillotin !... La journée se passa, similaire à bien d’autres, tout comme les journées suivantes …et Margot oublia toute cette histoire. Quelques semaines plus tard, le grand-père maternel de Margot décéda. Margot en fut très affectée car elle aimait beaucoup ce vieil homme au cœur d’or quelque peu excentrique. Amenée fortuitement à traverser à nouveau la cour du commerce St-André, le cœur lourd et l’esprit encore absorbé par la disparition de son grand-père, une fois sur le boulevard St-Germain Margot constata que son chagrin avait disparu, laissant place à une joie inexplicable… Merveilleusement bien, elle continua son chemin …avec le désir toutefois de comprendre ce qui avait bien pu lui arriver dans ce passage …car elle était persuadée maintenant que l’explication de ce bien-être était en rapport direct avec cette mystérieuse ruelle… En classe de philosophie, on parla de Simone de Beauvoir, professeur en son temps au Lycée Fénelon, une ardente avocate de l’existentialisme, aux nombreux questionnements sur le sens de la vie, dans l’absurdité d’un monde dans lequel nous n’avons pas choisi de naître... Durant la nuit, un rêve engloba la présence de Simone de Beauvoir et de Schmidt le charpentier… Levée de bonne heure et de bonne humeur, Margot décida de se rendre à la cour du commerce St-André. En ce dimanche matin, le passage était désert. Son regard se promena sur les vieilles pierres, sur les arches et autres témoignages du passé. Elle pensa aux nombreuses personnes présentes dans cette ruelle durant les années passées. Il lui sembla entendre un murmure, comme une voix imperceptible portée par le souffle du vent. Sa vue se brouilla, le lieu se métamorphosa, comme paré de vestiges d’une autre époque et une silhouette se dessina devant elle. C’est Simone... Elle lui dit « Tu me rappelle trait pour trait Sylvie, une jeune étudiante en philosophie, devenue ma fille adoptive après le décès de ma mère… ». Elle lui sourit… « Tu sais, cette ruelle est une faille d’amour de l’instant présent dans le flot du temps. Une personne décédée, comme moi, peut s’y introduire pour verser dans le cœur d’un passant une once d’amour, antidote à tous les chagrins du monde… La joie bouillonne à la surface de l’instant présent et il m’a suffi de déposer sur toi une étincelle de joie pour illuminer ton être tout entier. Telle la guillotine, elle coupe spontanément toutes douleurs émotionnelles… Son rayonnement a effleuré ton professeur de musique la première fois où je t’ai croisée… »… La vue de Margot se brouilla à nouveau et la ruelle retrouva son apparence coutumière… Margot se sentit le cœur léger… Avait-elle rêvé ? Quoi qu’il en soit, la joie imprégnait son être …et elle remercia Simone pour ce cadeau. Elle savait maintenant que seule la joie a le pouvoir d’embellir toute chose…

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 15, 2015 ⏰

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