Chapitre 2

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Je te hais, Léo, je te hais...

Comme prévu, Léo regrettait profondément de s'être couché si tard. Son réveil à six heures et demie lui fit l'effet d'un coup de couteau en plein ventre. Il avait réussi à se traîner difficilement hors du lit pour rejoindre sa douche dans l'espoir que celle-ci lui donnerait le coup de fouet dont il avait besoin pour survivre à ses six heures de travail du jour. Raté ! En arrivant dans la petite cuisine mal éclairée, il était toujours aussi épuisé.

"T'as encore traîné sur HOTAK toute la nuit, toi !"

Tracy était assise face à son bol de céréales et lui lançait un sourire moqueur alors qu'il tentait tant bien que mal de trouver une tasse propre pour la remplir de café.

"Même pas vrai ! J'ai traîné sur HOTAK jusqu'à minuit. Et après... Après, j'ai eu du mal à dormir."

C'était l'euphémisme de l'année. Après avoir enchaîné toutes les chansons de sa playlist, le moral de Léo était toujours au ras des pâquerettes. Alors il avait cherché de nouveaux titres à y ajouter pour tenter d'occuper son esprit et l'empêcher de penser à cet abruti de Joshua et à ses sentiments pour Wyatt. Sa tête s'était finalement écroulée sur son téléphone aux alentours de quatre heures du matin. Deux heures et demie de sommeil ! Il n'allait jamais tenir toute la journée.

"Alexa, sers-moi un café", ordonna-t-il à l'assistante domestique, qui fit immédiatement couler le breuvage dans sa tasse. "Et qu'est-ce que tu fais debout si tôt, toi d'ailleurs ?"

Tracy bomba fièrement le torse avant de lui répondre.

"Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt, Léo."

La réflexion de sa petite sœur décrocha un sourire au garçon. Il avait toujours trouvé qu'elle ressemblait bien plus à Wyatt qu'à lui. Elle était excentrique et toujours pleine d'énergie et avait le don d'apporter de la bonne humeur autour d'elle sans même le faire exprès. Léo la jalousait un peu mais il adorait cette petite tête blonde plus que quiconque.

"T'es vraiment la gamine de neuf ans la plus bizarre du monde."

"Les plus grands génies ont toujours semblé bizarre au commun des mortels", déclama-t-elle sans perdre son sourire espiègle.

"Si tu le dis", se contenta de répondre Léo avant de s'enfiler toute sa tasse de café brûlant d'une traite. "Allez, je file. Le devoir m'appelle."

"Bon courage, Loulou !"

Il franchit l'entrée de leur petit appartement en prenant bien soin de verrouiller la porte à double tour derrière lui. Leurs parents étaient partis travailler une heure avant son réveil donc Léo laissait sa sœur seule chez eux. Et dans son quartier, Léo savait qu'il valait mieux être prudent. Les voleurs et les squatteurs étaient de plus en plus nombreux depuis deux ans, à cause de la surpopulation dans les grandes villes selon son père. Peu importait l'explication, le quartier était devenu sérieusement pourri et Léo s'y sentait de moins en moins en sécurité. Les seuls endroits dans lesquels il se sentait bien étaient sa chambre et la cabine de caisse de l'épicerie d'Omar. Derrière les vitres de plexiglas installées à cause des réglementations sanitaires, personne ne pouvait lui faire de mal.

* *

"Salut, Léo !",

"Salut, Omar !"

Le vieil homme au dos courbé et à la moustache toujours parfaitement rasée était caché dans le fond de la boutique, accroupi pour remplir le rayon des boissons énergétiques avant l'arrivée des premiers clients. Il était sept heures cinquante, Léo avait donc encore le temps d'aller voir son patron pour prendre de ses nouvelles avant l'ouverture de l'épicerie.

HOTAK | ÉDITÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant