L'Ombre du Mur

ACTE I : Naporia - Chap 1

                                                         B.F. Daniel

                                                 L'Ombre du Mur

                                                      Acte I : Naporia

                           L'ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine, la haine conduit à la violence. Voilà l'équation.

                                                          Averroès

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Il était presque l'heure. Le soleil se couchait. Les fines lumières filtraient à travers les vitraux de l'église en venant se déposer sur le carrelage luisant, teinté d'une douce couleur orangée. Encore quelques minutes et l'étoile lumineuse disparaîtrait totalement derrière le Mur.

Un homme marchait au pas de course. L'église étant vide et parfaitement propre, ses pas résonnaient sur les murs en marbre et se faufilaient à travers les voûtes au plafond. L'homme habillé d'un blanc de neige traversa la salle. Sa tunique semblait flotter sur le sol en caressant légèrement le carrelage. L'heure approchait à une vitesse fulgurante. Ses pas se précipitèrent : Il devait les prévenir au plus vite avant la tombée totale de la nuit. Il escalada les escaliers en colimaçon au fond de l'église et se faufila dans une salle réservée aux prêtres, comme lui.

La pièce était somptueuse, quoiqu'un peu délabrée et poussiéreuse. Mais en dehors de cela, elle restait magnifique. Des colonnes en marbre montaient jusqu'à ce plafond haut à donner le vertige. Des bibles et autres livres consacrés au corps religieux étaient éparpillés çà et là dans la pièce. Mais l'élément principal de cette salle était une énorme cloche en or suspendue à un joug. Le battant figé attendait que quelqu'un fasse sonner l'objet telle une longue langue qui pendait d'une bouche ouverte.

Le prêtre prit la corde qu'il enroula deux fois autour de son poignet afin de bien la tenir. Puis, il se baissa, plia ses genoux en les faisant craquer au passage et sauta. La cloche se mit en branle. Un bruit fort et aigu s'en alla, en se volatilisant. L'onde sonore traversa la ville et ricocha sur l'énorme Mur qui l'entourait. Le Mur faisait près de trois cents mètres et semblait rester indifférent au son que tonnait la cloche avec acharnement. Ce même son traversa les habitations et les arbres qui semblaient eux-mêmes frémir à la mélodie du battant qui tapait contre le corps de la cloche.

Ce bruit monotone restait dans l'air sans jamais disparaître et tout le monde savait ce qu'il signifiait. Il signifiait la peur, le mal qui approche. Il signifiait l'Ombre.

Les habitants de la ville étaient entrés en ébullition depuis que le son de l'engin infernal eut retenti. Ils se bousculaient, courraient. Des enfants pleuraient dans les bras de leurs parents. Les magasins se fermèrent à une vitesse surprenante. Une petite fille attrapait, en pleurant à chaudes larmes, les habits des passants en leur demandant de l'aider à retrouver sa maman. Mais personne ne voulait la voir. Elle erra alors, seule et criant à son désespoir.

Les portes et les fenêtres claquaient et les lumières des maisons s'éteignirent donnant une atmosphère de ville fantôme. Les chats et les animaux à l'abandon se cachèrent. Une nuée de corbeaux s'était envolée au son de la cloche, s'étalant au-dessus de la ville, tel un nuage de ténèbres. Les personnes sans domicile se cachèrent dans des cartons trop petits pour eux ou dans des poubelles où ils retrouvaient des restes de bananes décomposées et de pommes de terre pourries. La ville entière s'éteignit.