Le Professeur de Métamorphose

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Le 26 Août était l’une de ces chaudes journées d’été où les gens restent enfermés chez eux, les volets fermés dans l’espoir de conserver un peu de fraicheur. Personne ne le vit donc apparaitre de nul part devant « la maison de la sorcière ». Et quand bien même une personne serait passée par là à cet instant, ou qu’un voisin aurait regardé par la fenêtre, il se serait probablement dit que la chaleur lui jouait un tour.

L’homme était un sorcier. Blond, de grande taille, il avait une posture bien droite et une démarche élégante lorsqu’il avança vers la maison. La tenue qu’il portait était inhabituelle, mais pas suffisamment étrange pour attirer l’attention. Le plus étrange était ses bottes et ses gants, longs et noirs, qui lui donnaient une apparence distinguée,  mais un choix peu judicieux par cette chaleur, se diraient la plupart des gens s’ils le voyaient. Il toqua trois coups légers  à la porte, tout en vérifiant sa montre. Il était 18h30 très précisément. Parfait. A cette heure-là, la maitresse de maison devait être rentrée chez elle après sa journée de travail.

Une femme blonde ouvrit la porte, pas assez toutefois pour le laisser entrer.

« Bonjour ?

- Bonjour Madame Light. Je suis Lero Ro, professeur de métamorphose à l’école de sorcellerie Poudlard. Comme nous vous l’indiquions dans la lettre, je viens vous rencontrer, vous et Bam, afin de discuter de l’année scolaire à venir. »

Tout en parlant, Lero Ro remarqua que Michelle Light avait blêmit. Ses mains s’étaient mises à trembler, et elle semblait sur le point de faire un malaise.

« Madame ? Vous ne vous sent-

- Vous faites erreur Monsieur, il n’y a pas personne répondant au nom de Bam ici. » le coupa-t-elle d’un ton abrupte. Lero Ro fronça les sourcils. Il était évident que cette femme mentait.

« Vous êtes bien Michelle Light, n’est-ce pas ? Dans ce cas, je doute qu’il y ait une erreur. Vous avez bien reçu notre courrier ? »

Cette fois, une expression de pure terreur déforma les traits de la dame, qui referma la porte d’un claquement sec. Lero Ro soupira. Visiblement, la prédiction de Hansung Yu s’avérait vraie, ce ne serait pas une visite facile. Bien qu’il ne sache pas encore pour quelle raison il lui avait dit d’aller trouver Rak au Chaudron Baveur une fois qu’il en aurait terminé. « Quand tu y seras, tu comprendras » lui avait-il dit avec un sourire énigmatique. Lero Ro avait un mauvais pressentiment.

Maintenant que Michelle Light avec clairement montré son aversion, il allait être compliqué de se faire inviter à entrer. Et il n’était pas dans les habitudes de Lero Ro de forcer la porte des gens. Néanmoins, la terreur qu’il avait lue sur le visage de la femme l’intrigua. Il devait voir l’enfant. Mais avant qu’il ne décide quoi faire, la porte s’ouvrit à nouveau, sur une petite fille cette fois. La fille de Michelle Ligth, à n’en point douter. Elle était son portrait craché.

« Vous êtes le professeur de l’école ce magie ? » lui demanda-t-elle.

« Rachel ! »Michelle Light attrapa sa fille par le bras et s’apprêta à lui claquer à nouveau la porte au nez. Néanmoins, Lero Ro la bloqua cette fois avec son pied, et poursuivit sans broncher en s’adressant à la fillette.

« Je viens à la rencontre d’un garçon d’environ ton âge, appelé Bam. Est-il ici ?

- Oui, nous vous attendions ! » La fillette affichait un sourire rayonnant et le regardait les yeux brillants.

Lero Ro fit un pas en avant et entra dans la maison. Michelle se plaça devant lui les bras écartés, lui barrant le passage.

« Je vous en prie Monsieur, vous devez partir. » Elle n’osait pas le regarder, sa mâchoire était crispée, et son corps entier tremblait. Lero Ro ignorait ce qui la terrifiait à ce point, mais elle était suffisamment déterminée pour s’opposer à lui malgré son état. « Personne… Il ne doit pas sortir. C’est un monstre. »

Ce n’était pas la première fois que Lero Ro se rendait chez des Moldus dont l’un des enfants s’était révélé être un sorcier. Loin de là. Et des réactions surprenantes, étranges, extrêmes, il en avait connu un paquet. Mais celle-ci, c’était une première. Son inquiétude pour l’enfant s’intensifia. Si cette femme le considérait comme un monstre, quel genre de traitement avait-il bien pu recevoir ?

« Tout va bien Maman. Bam est gentil, il ne te fera pas de mal. » tenta de la rassurer sa fille.

Cela eut l’effet inverse. Le visage de Michelle se déforma alors qu’elle poussa un gémissement étouffée, et se recroquevilla au sol. Des râles s’échappèrent de sa gorge, tandis qu’elle se tenait la poitrine, visiblement en proie à une grande souffrance.

« Maman ? » demanda la fillette, dont la gaieté avait disparue pour laisser place à l’inquiétude.

« Elle fait une crise d’angoisse. » fit calmement Lero Ro. « Peux-tu m’indiquer un endroit où je puisse la faire asseoir ou d’allonger ? » Tout en parlant, il passa le bras de Michelle autour de ses épaules et l’aida à se relever.

Rachel le conduisit dans le salon. Il installa sa mère dans le canapé, et lui demanda un verre d’eau. Elle obéit immédiatement.

« Madame, concentrez-vous sur votre respiration. Inspirez, puis expirez doucement. Je ne suis pas là pour vous faire du mal, ni pour vous porter préjudice. Voilà, inspirez, et expirez. » Lero Ro tenta de calmer la femme comme il put pendant quelques minutes. Lorsque sa respiration devint plus régulière, il lui tendit le verre d’eau, qu’elle but à moitié. 

« Madame Light, pouvez-vous me parler ? Ou doit-on appeler un docteur ?

- Non, pas de docteur ! » Répondit-elle d’une voix étranglée. « Personne ne doit le voir.

- Vous parlez de l’enfant ?

- Comment avez-vous su ?

- L’Empire est doté d’un système qui détecte les jeunes sorciers à l’âge de 11 ans, et qui procède à une inscription automatique dans l’école de sorcellerie la plus proche si aucune inscription n’a été effectuée au préalable.

- Je vois… C’est parce que le sceau a été brisé…

- Le sceau ? »

Michelle Light lui attrapa le poignet avec une force qu’il ne soupçonnait pas, telle la serre d’un faucon attrapant sa proie. Son regard paraissait un peu fou.

« Je vous en prie, ne nous faites pas de mal ! Rachel ne savait pas ce qu’elle faisait, elle n’est qu’une enfant ! Nous n’avons jamais choisi de naitre dans cette famille, je vous en prie, ne nous faites pas de mal !

- Je vous l’ai dit, je n’ai aucune intention de vous nuire. Je suis seulement ici pour rencontrer le garçon nommé 25ème Bam et vous aider à préparer sa rentrée.

- Monsieur, ce garçon n’est pas ordinaire, il n’est pas sensé exister.

- Puis-je le voir ? »

Discuter avec elle ne le menait nulle part. Ou alors cela lui prendrait des heures avant de réussir à cerner la situation. Son discours délirants ne le pressait que plus à rencontrer l’enfant.

« Rachel, vas-y, montre-lui… » Michelle semblait à présent très lasse, profondément fatiguée. Elle avait abandonné toute forme de résistance, et se laissa choir sur le canapé.

La petite fille, Rachel, avait les larmes aux yeux. Voir sa mère se mettre dans des états pareils devait être un choc pour elle. C’était compréhensible. Lui-même, étant adulte et ayant connu bien des situations étranges au cours de sa vie, se sentait mal à l’aise et déboussolé.

Rachel acquiesça, et s’éloigna silencieusement. Il la suivit dans le couloir dans l’entrée, où elle ouvrit une porte, découvrant une pièce sombre. Elle appuya sur un interrupteur, et une lumière vacillante éclaira un escalier menant vers le bas.

« Vous savez, mon père aussi a eu très peur de Bam lorsqu’il l’a vu pour la première fois. Il a eu si peur qu’il s’est enfui, et je ne l’ai plus jamais revu. Si seulement je n’avais pas ouvert cette trappe, alors mon père serait encore là. Nous serions heureux comme avant, tous les trois. Lui, maman, et moi. »

Comme il le craignait en voyant l’escalier, cela menait dans une cave. Une cave sombre, sale, mal éclairée, avec une forte odeur d’humidité. Dans un coin, il remarqua avec horreur un pot de chambre, un seau d’eau avec du savon, et un peu plus loin, des couverts sales, posés à même le sol. Mais pas encore d’enfant.

Au milieu de la pièce, une vieille trappe en bois. Rachel se tenait devant.

« Je ne sais pas pourquoi ils en ont si peur. Bam est un gentil garçon. Mais j’ai eu peur que Maman parte et m’abandonne elle aussi. Alors je ne l’ai jamais laissé sortir d’ici. Bam était mon petit secret. Mais s’il part dans une école, loin, il pourra avoir une vie un peu mieux, et Maman aura peut-être moins peur… Et puis, peut-être que je pourrais aller avec lui… »

Le cœur de Lero Ro battait si fort dans sa poitrine, était-ce la peur, le stress, la colère, ou bien l’horreur pure et indicible qui lui glaçait les veines alors qu’il comprenait enfin, il ne le savait pas.

Il tendit la main vers la trappe, et alors qu’il allait l’ouvrir, il se figea. Son instinct lui disait de ne pas l’ouvrir. Son instinct lui signalait un danger. Il déglutit. Il remarqua alors les vieux talismans abimés autour de la trappe. Il en décolla un, qui n’avait pas été déchiré au niveau du cercle. L’encre vieillissante et le manque de visibilité le rendait illisible. Impossible de reconnaitre le sceau tracé dessus. Il le glissa avec précaution dans sa poche. Il ignora son instinct, et ouvrit la trappe.

Il sentait des effluves, des effluves d’une magie noire ancienne. Dans quel bourbier es-tu allé mettre le nez, Lero Ro ? se dit-il. Au moins, s’il mourrait, Hansung savait où il était. D’ailleurs… était-il au courant de ça ? S’il sortait d’ici sain d’esprit et en un seul morceau, un interrogatoire du directeur adjoint allait s’imposer.

La trappe menait à une sorte de caverne, plus profonde qu’il ne l’aurai cru. Un amoncellement de pierres formait une tour, montant en direction de la trappe. Une échelle avait été fixée là, permettant de poser le pied à un endroit plus solide et stable de cette tour de pierre. Lero Ro ne se sentait pas très rassuré, aussi, lorsqu’il lâcha l’échelle, il n’était plus un homme de prêt de deux mètres de haut, mais un chat de gouttière agile, avec deux taches rondes sur les joues.

Sous cette forme, il descendit sans aucune difficulté et sans craindre de se tordre une patte ou de trébucher. Il atterrit au sol avec grâce et légèreté, et le vit enfin. L’enfant.

Il reprit son apparence humaine, et le petit le dévisagea avec curiosité. L’enfant avait les cheveux si longs qu’ils lui touchaient les mollets. Il portait une tunique qui devait être blanche à une époque lointaine, et dont la couleur était à présent indéfinissable à cause de la crasse. Sous sa frange brillait un regard plein de vie et d’innocence.

« Bonjour jeune homme. Je suis Lero Ro, professeur de métamorphose à l’école de sorcellerie Pourdlard. Tu es le 25ème Bam, je présume.

- Bonjour Monsieur Lero Ro. C’est bien moi, vous pouvez m’appeler Bam. Mais… euh… Est-ce que vous  étiez un chat ? »

Bam semblait ne ressentir aucune crainte, et était étonnamment poli. Lero Ro était agréablement surpris. Il s’attendait à trouver un enfant inadapté socialement, dont la scolarisation était impossible. Restait à savoir s’il savait lire, écrire, et possédait les connaissances de bases nécessaires pour étudier.

« En effet, je me suis transformé en chat. C’était plus commode pour moi pour descendre te voir.

- Est-ce que tous les chats sont en fait des humains ? »

La question ne devrait pas le surprendre. Si, comme Rachel le lui avait dit, Bam n’était pas autorisé à sortir d’ici, il était logique qu’il n’ait jamais vu de chat, ni aucun autre animal.

« Non, mais quelques sorciers sont capables de se transformer en chat. Tout le monde ne le peut pas, il faut travailler dur pour ça.

- Vous apprenez ça à l’école ?

- Tu pourras apprendre si tu le souhaites un peu plus tard. La scolarité à Poudlard se déroule en sept ans. Au cours de ces sept années, tu apprendras un tas de choses à faire avec la magie.

- Sept ans ? Je ne me rends pas bien compte. Est-ce que c’est long ?

- Et bien, cela dépend du point de vue. C’est une partie importante de ta vie, qui pourra te paraitre longue sur le moment. Avec le recul, je dirais que c’est passé vite. J’aimerais parfois revenir à cette époque. Pendant ces sept années, tu vivras au château, pourras te faire des amis, et des souvenirs impérissables.

- Est-ce que Rachel peut venir aussi ? »

La voix de Bam était devenue plus forte. Il avait les poings serrés et les yeux plein d’espoir.

«  J’ai bien peur que non. Seuls les sorciers peuvent y étudier. Malheureusement, je n’ai senti aucun pouvoir magique émaner de Rachel. »

Ses mains retombèrent mollement le long de son corps, et il baissa le regard. La déception était palpable.

« Dans ce cas, je ne peux pas accepter. Je ne veux pas partir sans Rachel.

- Tu ne veux pas partir d’ici ? Quitter cette caverne ?

- Je… J’aimerais voir l’extérieur, rencontrer d’autres personnes… Mais si cela signifie ne plus être avec Rachel, je préfère encore rester ici. »

Voilà qui était fâcheux. Parce que pour Lero Ro, il lui était impossible de partir en abandonnant cet enfant seul ici.

« Tu es d’ors et déjà inscrit. Tu es un sorcier, par conséquent tu dois apprendre comment utiliser tes pouvoirs. Allons en haut, et discutons-en ensemble avec Rachel et Michelle Light.

- Non… Je ne peux pas. Je n’ai pas le droit de sortir d’ici.

- Moi, je t’y autorise. Et Rachel sera d’accord.

- Vraiment ?

- Vraiment. »

Rachel avait une importance capitale pour le garçon, qui lui obéissait aveuglément. Il allait devoir s’en servir pour le convaincre de quitter cet endroit.

Bam escalada sa tour de pierre, et Lero Ro craignit qu’il ne se brise le cou en tombant. Il ne fut rassuré que lorsque le garçon atteignit le sol de la cave. Rachel les y attendait. Lero Ro lui fit part de sa volonté de discuter avec Michelle Light, et ils retournèrent dans le salon.

Lero Ro ne sut pas si ce fut une bonne chose ou non, mais il n’eut finalement pas besoin de négocier.

Lorsque Michelle Light aperçut Bam, elle se leva d’un bond et se cacha derrière un fauteuil, à nouveau terrorisée, et se mit à pleurer et à le supplier comme si ça vie était en jeu.

« Je vous en supplie, je ne veux pas le voir, emmenez-le, partez ! Emmenez-le loin d’ici, je vous en prie ! Je veux seulement avoir une vie normale. Je n’ai jamais voulu ça. »

Elle dissimulait son visage, et ne les regardait pas. Elle était incapable de regarder Bam, l’enfant enfermé dans sa cave dans le plus grand des secrets, depuis Dieu sait combien de temps. Incapable de faire face à ce terrible secret qui la hantait depuis tant d’années, qu’elle avait tout fait pour ignorer, pour oublier.

Bam, au contraire, avait le regard fixé sur elle, les yeux grands ouverts, et tremblants. Il paraissait sur le point de fondre en larme, lui aussi. Rachel lui prit le bras, et l’attira gentiment en dehors du salon.

« Ca suffit, Bam. Sortons d’ici. »

Elle l’emmena dans la cuisine, et Lero Ro les y suivit. Les poings de Bam étaient refermés sur les pans de sa tunique, et son petit corps était secoué de sanglots. Dès l’instant où Rachel le lacha, il n’osa plus bouger. Il jetait de petits regards pour se repérer dans cet endroit inconnu pour lui, tout en luttant pour gérer ses émotions.

« Rachel, je ne veux pas partir sans toi… » pleurnicha-t-il.

« Monsieur, est-ce que moi aussi, je pourrais venir à l’école de magie ?

- Je regrette. Seules les personnes dotées de pouvoir magique sont autorisées à s’y inscrire.

- Mais Bam a besoin de moi…

- Nous prendrons soin de Bam, je veillerais personnellement à ce que sa scolarité se déroule dans les meilleures conditions. Mais Bam de peut pas rester ici. Un enfant ne peut décemment pas vivre ainsi dans une cave. C’est pourquoi j’aimerais l’emmener dès aujourd’hui, tout comme semble le souhaiter Madame Light. Rachel, je suis sûr que tu le comprends.

- Rachel, je ne veux pas ! Je ne veux pas partir son toi… »

Rachel baissa la tête, et sembla réfléchir, pesant le pour et le contre, ignorant les pleurs de Bam. Elle aussi était affectée par les évènements et se retenait de pleurer.

Elle inspira un grand coup. Sa décision était prise.

« Bam, tu ne peux plus rester ici. Tu as vu à quel point ma mère est effrayée par ta présence. Depuis que Monsieur Lero Ro est arrivé et lui a parlé de toi… elle a l’air d’être devenue folle ! » Sa voix, qui était mesurée au début, monta dans les aigus en faisant ce constat. Les larmes coulaient à présent sur son visage.  « Mon père est devenu fou lorsqu’il t’a vu et nous a abandonné ! Et si ma mère part et m’abandonne aussi à cause de toi, je serais seule au monde… Je ne veux plus jamais revoir ma mère comme ça, Bam. Je suis désolée, mais même si ça signifie qu’on ne se verra plus, tu dois partir… Je t’en prie. »

Bam pleurait à présent de chaude larmes, et pris Rachel dans ses bras, en la suppliant. Mais Rachel ne lui rendit pas son étreinte.

« Non Rachel, pitié, je ne veux pas être séparé de toi ! Je ne ressortirais plus jamais de la cave, je ne ferais pas de bruit, et je ferais tout ce que tu diras ! Alors laisse-moi rester avec toi ! Je préfère mourir que de ne plus te voir… »

Les supplications de Bam étaient déchirantes, et Lero Ro se sentait coupable de l’arracher à la seule personne qu’il chérissait, plus que sa propre vie. Mais le laisser dans cet enfer lui paraissait bien plus horrible.

« Bam, tu ne le sais pas, mais pendant des générations, ma famille a veillé sur le sceau qui te gardait enfermé. Ma mère, ma grand-mère, mon arrière-grand-mère, et leurs ancêtres ont vécu dans cette maison, terrifiées par ce qui était caché dans la cave, et incapables d’en fuir. Et cette malédiction finira un jour par me rendre prisonnière, moi aussi. A l’époque, je l’ignorais. Je ne savais pas ce que j’avais fait. Mais il était trop tard, et je ne pouvais plus me résoudre à t’abandonner. Il est temps de mettre fin à cette malédiction. Il est temps de libérer ma famille. Alors pars, Bam, et cesse de nous tourmenter. »

Il manquait bien trop d’informations à Lero Ro pour comprendre exactement ce qu’il se passait ici, mais plus il en entendait, plus il était intrigué. Un enfant scellé dans une caverne, une famille Moldue gardant le sceau depuis des générations, une malédiction, un enfant traité de monstre… Malgré lui, il semblait avoir découvert un secret ancien et terrible, qui pourrait bien secouer le monde magique s’il venait à être rendu public. Il allait devoir agir avec la plus grande prudence.

Bam regarda Rachel, les bras ballants, trop choqué pour répondre quoi que ce soit. Rachel, sa lumière, celle qui représentait tout pour lui, venait de le rejeter. Rachel le regardait droit dans les yeux, déterminée à ne pas flancher, à ne pas céder.  Bam ouvrit plusieurs fois la bouche, avant de réussir enfin à parler.

« Je ne savais pas. Je suis désolé. » Il renifla bruyamment, et essuya ses larmes avec sa manche. Bien qu’il sanglotait encore, il se força à sourire, et rajouta : « C’est d’accord, je m’en vais. Alors, ne pleurs plus. Sois heureuse. »

Lero Ro posa une main qu’il voulut rassurante dans son dos.

« Votre séparation d’aujourd’hui ne signifie pas que vous ne vous reverrez plus jamais. Je suis certain que nous pourrons trouver un arrangement afin que vous puissiez vous revoir. Et puis, une fois ta scolarité terminée, tu seras libre, Bam. Vous serez libres de vous retrouver quand vous le voudrez. Alors ne te décourages pas, d’accord ? »

Bam leva les yeux vers lui, et Lero Ro y perçut, derrière un océan de chagrin, une lueur d’espoir.

« C’est vrai. Bam, je suis d’accord pour qu’on se revoie quand on le pourra. Mais pas ici. » lui dit Rachel en souriant. « Lorsque nous nous reverrons, je compte sur toi pour me raconter ce que tu auras appris à l’école, et pour me parler du monde de la magie, tout comme je l’ai fait pour toi pendant des années. »

Cette fois, elle l’enlaça, lui caressant gentiment les cheveux, et Bam s’agrippa à elle comme un naufragé à une bouée.

« C’est d’accord, Rachel, c’est promis ! »

Heureusement, les événements semblaient prendre une tournure qui lui était favorable. Lero Ro leur annonça qu’il les laissait se dire au revoir pendant qu’il allait s’entretenir quelques minutes avec Michelle Light. Il se dirigea ensuite vers le salon, et y trouva la mère, agenouillée par terre, une main accrochée à son pendentif. Ses paupières étaient closes, et ses joues encore humides, et elle murmurait. Peut-être était –elle en train de prier. Lero Ro ne connaissait pas grand-chose aux religions des Moldus, et l’interrompit sans remords.

« Madame Light ? »

Michelle leva les yeux vers lui, et le regarda avec crainte, silencieuse.

« J’emmène Bam avec moi dès à présent. Néanmoins, j’aimerais revenir m’entretenir avec vous. J’ai besoin de comprendre ce qu’il s’est passé dans cette maison, dans votre famille.

- Et ensuite, qu’allez-vous nous faire, Monsieur ?

- Pour le moment, je l’ignore. J’ai besoin de comprendre pour prendre une décision. Votre fille a aussi parlé d’une malédiction. J’aimerais en savoir plus pour pouvoir vous en délivrer. Mais dans le pire des cas, je pourrais être amené à vous effacer la mémoire. » Admit le professeur. Son honnêteté pourrait bien tout compliquer, mais il lui était inconcevable de mentir pour quelque chose d’aussi important.

« Mon souhait le plus cher serait de pouvoir oublier, Monsieur. Je voudrais tout oublier, partir de cette maison, et vivre une vie normale. Si c’est possible, alors je vous dirais tout ce que vous voulez savoir. »

Lero Ro accepta, et ils convinrent d’un rendez-vous quelques jours plus tard, le vendredi soir. Lorsqu’il retourna dans la cuisine, les deux enfants avaient séché leurs larmes. Bam avait l’air misérable, mais il vint vers lui docilement. Lero Ro lui expliqua qu’ils allaient partir immédiatement en transplanant, ainsi personne ne risquait de le voir. Bam lui tendit une main peu assuré, qu’il attrapa fermement. L’environnement autour d’eux se déforma, et ils eurent l’impression d’être tirés par le nombril tandis que le sol s’effondrait. Et en un instant, ils étaient ailleurs.

Bam cligna des yeux. Il regarda au sol. Il était pieds nus sur les pavés. Cela devait etre désagréable, et surtout nouveau. Tout ce qu’il verrait, entendrait, sentirait à partir de maintenant serait une première fois pour lui. Lero Ro lui indiqua l’entrée du Chaudron Baveur. Ce n’était pas vraiment l’endroit idéal où emmener un enfant, mais pour Bam qui avait vécu dans une caverne et mangeait par terre comme un chien, ce lieu serait probablement très luxueux à ses yeux. Et surtout, il y serait en sécurité. Mais alors qu’il commença à s’y diriger, Bam l’interrompit.

« Monsieur Lero Ro, est-ce que c’est le ciel ? »

Lero Ro se retourna vers lui. Bam avait à présent le visage levé en l’air, les yeux grands ouverts. Une larme unique roula sur sa joue d’enfant.

« Oui, Bam. Bienvenue au monde. » lui répondit-il gentiment.

Le Commencement d'une Nuit sans étoileOù les histoires vivent. Découvrez maintenant