I-
Les yeux fermés, à moitié endormis, j'écoutais le moindre son, captant chaque détail de mon environnement.
Le grésillement du feu, doux et apaisant, couvrait le son du vent qui frappait contre les murs en bois de la cabane. Bien que certaines fois, le feu ne pouvait se faire entendre, le souffle était tout de même suffisamment proche de moi pour que je puisse frissonner, m'imaginant dehors dans cette forêt lugubre.
Je supposais alors à ce moment-là que la température extérieure ne devait pas être élevée, sans doute 0°, si ce n'est moins. Comment pouvais-je le savoir ? J'étais coupé du monde, impossible de connaître l'heure exacte. Seul le soleil était là pour me guider, visible à certains moments de la journée à travers la fenêtre grisée par la saleté. Je tentais de déduire l'heure en fonction de sa position sur la fenêtre. J'avais dessinée sur la poussière des carreaux froids, de petits traits agencés en arc de cercle, espérant que cela m'indique un minimum les heures, comme sur un cadran. Évidemment ça ne marchait absolument pas, mais j'y croyais. Comme on dit, l'espoir fait vivre. En même temps, penser qu'il est quinze heure alors que le soleil est à son paroxysme, ça, c'est de la stupidité. Si j'avais su.
Je n'avais pas le temps d'avoir froid, entre la couverture épaisse faite de fourrure et de rembourrage me recouvrant presque entièrement et le foyer qui chauffait les alentours, je me sentais plus que bien. Le froid n'était certes pas un problème, mais la faim me tordait l'estomac. De longues heures sans manger, je ne savais pas quand il reviendrait. J'étais fatiguée ces derniers jours et pourtant.
J'ouvrais les yeux, voulant voir quelle heure il était. Pensant qu'il faisait déjà jour, je fis un geste de la tête levant le regard vers la fenêtre, je constatais alors que le soleil n'avait pas encore pointé le bout de son nez. Ma tête tourna vers le lit juxtaposé. Vide. Mais où était-il ? Si tôt ?
Pensant qu'il était sans doute sorti faire ses besoins , je fis monter jusqu'à mes épaules l'épaisse couverture avant de refermer les yeux.
Seulement, quelques secondes plus tard, une légère lumière m'éblouit. Au travers de la fenêtre, quelqu'un dirigeait sa lanterne vers les carreaux. Par surprise, je pris appui sur mes avant bras et regarda fixement la personne, ne pouvant apercevoir le moindre trait de son visage et encore moins sa silhouette. Eblouie par la lampe, j'attendis quelques longues secondes qui passèrent avec une lenteur déconcertante. Je ne savais pas quoi faire, ce fut sans doute le moment le plus long de ma vie.
Finalement, l'homme se décida à bouger. Sa main sur la clanche, il baissa la poignée et ouvrit la porte. A ce moment-là je ne savais plus quoi penser. J'étais au calme, dans mon lit, au chaud et à l'abri des bourrasques. Alors que je pensais pouvoir refermer les yeux, voilà que quelqu'un tentait de s'introduire dans la cabane. J'étais dans une confusion profonde et en même temps une terreur qui figeait l'entièreté mes membres. Je priais pour que ce soit quelqu'un que je connaisse, je priais pour que ce soit Joseph. Dans ma tête, l'action faite par l'homme durait une éternité, j'étais paralysée par la peur, regardant fixement la poignée qui s'abaissait dans un grincement strident.
Soudain, un visage familier apparut dans l'entrebâillement de la porte.
-Oh mon Dieu Joseph, c'est toi.
Je ne pus retenir cette réflexion plus qu'inutile, pourtant j'étais réellement rassuré. Un hoquet de surprise s'enfuit de mon corps qui conclut cet instant d'inquiétude.
-Tu ne dormais pas ? Dépêche toi de te lever et d'enfiler tes chaussures. Et ne mentionne pas Dieu.
Il marmonna dans sa barbe quelques mots semblant être "Mais que devient la jeunesse" ou encore "Pourquoi Dieu ?". Il avait en horreur les divinités. Le monde lui avait appris que les Dieux n'existaient pas et il s'en été accoutumé ventant souvent le fait qu'il s'était fait tout seul. Il était du genre à critiquer sans cesse la "jeunesse", sous prétexte que sa vie avait été plus longue et plus construite, en d'autre termes, qu'il avait vécu plus de choses.
VOUS LISEZ
La Fleur Déchue
FantasyNul ne sait ce qu'il s'est réellement passé... Ce soir là, le vent glacial frappait, les feuilles des arbres jouaient et le chant du hiboux au loin accentuait la douleur. Les bruits de pas venaient doucement, tandis qu'il m'était impossible de bouge...