Tendresse nocturne

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Pathétique.

Ce mot tourne en boucle dans ma tête. Je suis pathétique.

«C'est pas la ptite bête qui va manger la grosse» m'a-t'on toujours répété. Ce à quoi je réplique inlassablement que les plus petites créatures sont les plus dangereuses. Il n'y a qu'à regarder Kirua.

Mais là. C'est complètement ridicule. Pour un enfant, avoir peur des araignées passe encore. Mais aller se cacher dans un placard à 19 ans pour échapper à une arachnide, c'est pathétique.

Je ne sais même pas depuis combien de temps je suis là. Dix minutes, trente, une heure? Le temps est tellement difficile à mesurer quand on attend. Si ça se trouve, la bestiole s'est carapatée. Elle a peut-être trouvé un papillon de nuit ou une mouche à dévorer.

Mais elle peut tout aussi bien être restée sur le mur. A m'attendre. Ou pire, elle s'est rapprochée. Elle me cherche.

Je fronce les sourcils. Il faut que j'arrête, ces pensées sont absurdes. Cet insecte ne me poursuit pas. Il est en quête de nourriture, peut-être d'une sortie.

Malgré le pragmatisme dont j'essaie de m'imprégner, je reste recroquevillé au fond de la penderie, les bras autour de mes jambes, la tête rentrée dans les épaules, à fixer le rai de lumière tamisée qui filtre par l'interstice des portes. Il fait nuit, et le vent hurle au dehors de l'immeuble. Je frissonne. Je me sens terriblement seul au fond de ce placard, entouré par des manteaux vides et froids. C'est oppressant. Je recale ma tête entre mes bras, toujours pas décidé à sortir. Mes yeux se ferment et ma respiration s'apaise. Cependant une vague angoisse m'étreint, une inquiétude indéfinie qui me taraude l'esprit. Je ne sais toujours pas où est l'araignée.

~~~

Je me noie dans une immense mer noire. L'eau est étrange, dense, et trop peu liquide pour être normale. J'agite les bras et les jambes dans l'espoir de me maintenir à la surface, en vain. C'est seulement là que je me rend compte de quoi est faite cette eau noirâtre. Cette réalisation me frappe de plein fouet, avec une horreur tellement intense que des mots ne pourraient pas la décrire. Je me fais submerger par des milliers de pattes velues et crochues, elle s'engouffrent partout sur moi, elles passent dans mon col, mes manches, se faufilent dans mes cheveux, me bouchent les yeux, la bouche, le nez et les oreilles. La panique me submerge et je hurle dans mon cauchemar.

~~~

-« Kura ! Eh oh, réveille-toi ! Kurapika ! »

On me secoue comme un prunier. J'ouvre d'un coup les yeux et la bouche, et j'inhale brusquement une grande goulée d'air, comme si je n'avais pas respiré depuis des heures. 

-«  Ça va ? Qu'est ce que tu fais là ? »

Leolio. Ma bouée. Ma bouche se tord et laisse échapper un gros sanglot tandis que me jette sur lui et fond en larmes. Immédiatement, ses bras m'entourent, tellement chaleureux, tellement rassurants. Il me murmure des mots apaisants à l'oreille et me serre contre lui, et malgré la panique toujours présente, j'ai l'impression que rien ne peut m'arriver. La main dans mon dos trace des cercles apaisants par dessus mes vêtements, l'autre caresse lentement mes cheveux en un geste tendre et protecteur. Je sanglote de plus belle dans son cou, le corps entier secoué de hoquets incontrôlables. 

-«  Hey, Kura. C'est fini. C'était pas réel. T'es en sécurité ici. Il t'arrivera rien. »

J'enfouis ma tête contre sa clavicule et inspire longuement son odeur. Des flashs de mon songe horrible me reviennent en tête et je me crispe de plus belle. Mon souffle erratique se transforme en reniflements saccadés, mais les hoquets se font plus rares. 

Tendresse nocturne [Leopika]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant