Seuls. Enfin. Moi. Elle. Le « Elle » qui s'écrira toujours avec un E majuscule. Le Elle qui s'impose comme une évidence. Comme si c'était écrit. Comme si tout ça n'était qu'un film dont nous serions les acteurs. Il fait sombre. On se distingue à peine. On s'épie...
Le silence est intense, on le sentirait presque du bout des doigts. Omniprésent, mais amical, chaleureux, presque complice. Ce n'est pas un silence pesant, pas un silence angoissant, non. C'est un silence serein. Reposant. Pourquoi nous parler ? Les mots seraient si dérisoires. Aucun mot, aucune phrase, serait elle rédigée par le plus talentueux des poètes, ne saurait exprimer le désir infini qui brille dans mes yeux. Je l'épie, la regarde, l'espionne. Je la contemple. Mon regard s'attarde un moment sur ses courbes harmonieuses. Elle est si petite, si fragile. Telle une poupée de porcelaine à manier avec délicatesse, un faux mouvement la briserait en milles éclats.
« Je t'aime... »
Car il faut bien briser cet instant de grâce, et parler enfin. Je fais doucement glisser ma main le long de son dos. « Je serais allé au bout du monde pour te trouver, ce soir. J'étais à bout. J'ai tant besoin de toi... »
Elle ne répond rien, bien sûr. Hautaine elle est, hautaine elle restera. Jusqu'au bout. Et puis merde... C'est tellement mieux comme ça. Mes mains descendent encore plus bas le long de son corps, elle ne se refuse pas. Elles en tremblent d'impatience mes mains; ma respiration, saccadée, s'intensifie.
Sa peau, si douce, si lisse, sans aucun défaut. Si froide, aussi, et j'aime ça. Ses formes frisent la perfection. Son odeur est enivrante, forte et douce à la fois. Son goût...
« Laisse moi boire à ta source ! »
Finies, les caresses tendres et affectueuses. J'ai besoin d'elle. Je la veux, tout de suite, et c'est avec vigueur et fermeté maintenant que mes mains empoignent ses courbes si fines. Elle n'oppose aucune résistance, mais paraît à la fois si distante, si lointaine. Sa peau est fraîche, presque froide, toujours. Est-ce qu'elle ressent quelque chose ? Mon amour, ma déesse, tu sembles si frêle et vulnérable ! Et en même temps intouchable, insensible. Indomptable.
A quel jeu jouons nous exactement ? Qui domine réellement l'autre ? Bien sûr, c'est moi qui décide, moi qui prends les initiatives, moi qui donne la mesure, qui bat la cadence. Mais soyons honnête. En aucun cas tu ne te soucies de moi. Tu ne ressens rien, je suis le seul de nous deux à être dépendant de l'autre. Totalement dépendant. L'addiction dans son sens le plus pur, le plus fort, le plus violent aussi.
J'approche ma bouche de ta divine embrasure. Doucement d'abord, puis goulûment, je me délecte de cette si singulière essence coulant de ton intime orifice. Jusqu'à en perdre la raison, jusqu'à ce que cette folie me ronge, jusqu'à cette étrange sensation, mélange de joie furieuse et de douce mélancolie, extase de tristesse euphorique, sentiment d'omniscience là où pourtant nos sens se brouillent, certitude de domination là où pourtant notre raison, nos mouvements nous échappent...
Je t'aime et m'enivrerai de toi jusqu'à ne plus tenir debout. Je t'aime et m'enivrerai de toi jusqu'à ce que la dernière goutte soit expulsée et avalée. Ma douce... Ma délicieuse... Ma bouteille de Zubrowska.
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L'orgasme est appelé « petite mort ». C'est l'écrivain Georges Bataille qui invente ce terme dans son roman "Madame Edwarda". Cette analogie peut être expliquée par le fait que l'orgasme est une suspension provisoire du manque et du désir, comme la mort qui abolit toutes les tensions de la vie.
Actuellement, les spécialistes de la toxicomanie utilisent aussi le terme de « petite mort » pour désigner l'état exaltique du toxicomane.
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