Mon capitaine..?

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« Vous resterez toujours mon capitaine ! »

Se réfugier dans le travail, Bill Boid l'a toujours fait, très bien même. Dans une chemise immaculée et décorée d'épaulettes dorées, un éclat de lumière artificielle lissant ses cheveux légèrement grisonnants, on l'appelait le capitaine. « Mon capitaine » , sinon. Capitaine du Los Santos Police Department depuis tant d'années qu'il était devenu la seule figure à laquelle on pouvait penser lorsqu'on s'adressait au sommet de la hiérarchie. Il était un bon capitaine, sur toutes les missions, présent pour chaque citoyen, du plus crasseux envers la loyauté de son métier à celui qu'il ne croisait qu'une fois par an. Los Santos lui accordait une aveugle confiance, et ses rivaux des issues favorables, bref, son autorité si précieuse avait fini par lui forger une réputation et une expérience sans pareille.

C'était tout ce qu'on savait vraiment de lui, dans cette ville dont les péripéties n'étaient jamais conventionnelles. Monsieur Boid ? Le capitaine, vous voulez dire. C'était tout, sa vie restait cloîtrée derrière les traits fermes de son visage, pendant qu'il connaissait les déboires quotidiens de tout ceux qu'il côtoyait.

Est-ce qu'il le vivait mal ? Il ne faisait que servir un peuple bien loquace, et s'il préférait ne pas l'être, et bien il se complaisait dans son professionnalisme.

C'était une bonne chose. Au moins, personne n'aurait à savoir que là où aucune suspicion ne pouvait imaginer quelque chose dormir, une partie de lui s'était brisée lamentablement, en quelques mots, en une phrase, en un éclat de voix égayé dans une monotonie qui pouvait parfois l'exaspérer.

Son bras droit, son colocataire, le lieutenant du LSPD, allait se marier à l'église, sous les yeux de toute la ville. Et des siens. Il avait même dit qu'il serait son témoin, s'il le souhaitait.

Le capitaine n'avait pas pu contenir, pendant des secondes si éphémères et pourtant ô combien précieuses pour lui, une sourde peine. Son pauvre monde avait chaviré, les néons translucides de la nuit transperçant le pare-brise de la voiture de patrouille comme de simples mots avaient transpercé l'équilibre endormi au fond de son âme, tout lui avait semblé flou, pour ne laisser qu'un écho de plus en plus difforme étouffer ses pensées.

C'était pourtant une si belle journée. C'était pourtant une si belle époque.

« On va se marier avec Vanessa j'ai fait ma demande hier ! »

Quoi ?

Il pleut, là ?

C'était pourtant clair que Francis Kuck, la pipelette du LSPD, parmi les voix les plus inaudibles de Los Santos, l'éternel suiveur – et emmerdeur – de son capitaine, était la personne préférée de Bill Boid, le froid, le digne, le respecté, l'impatient. Et qu'il allait se marier avec Vanessa, la douce, la dévouée, l'attentionnée. Mais pourquoi ?

Ils avaient toujours chahuté dans les micros de leurs téléphones ou dans les fréquences grésillantes des radios du LSPD, rarement l'un sans l'autre dans les moindres affaires, nouant une complicité dans le confort du temps passé dans les couloirs blancs du commissariat. Et si le capitaine avait souvent craché à Kuck qu'il ne savait rien faire et qu'il le rétrograderait au piteux rang de stagiaire au prochain écart, c'était sans doute comme ça que Boid exprimait ce que jamais il ne libèrerait de vive voix. Il l'aimait plus qu'il ne pouvait l'imaginer.

Il l'aimait déjà plus que tous les autres membres de l'élite du LSPD. Plus que Pain de Mie, plus que Panis, plus que Lindsay et Kelly, plus que Jean, plus que Monier, plus que Michael, et c'était largement remarquable. Boid était un grand professionnel, le favoritisme n'était pas de son ressort mais c'était toujours Kuck sur le siège passager de la voiture.

[!RPZ] mon capitaine..?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant