L'ANNIVERSAIRE DE DAMIEN

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Pour son anniversaire, Damien avait demandé un gâteau à la fraise. Celui à huit euros qui était à moins dix pour-cent après dix-huit heures. C'était la seule chose qu'il avait demandée pour fêter ses neuf ans, et il savait déjà que c'était peine perdue.

Pour fêter les six ans de Lily, le mois dernier, Papa avait refusé de lui acheter un gâteau, ou même une petite sucrerie. Il se rappelle de l'éclat de tristesse dans le regard jusqu'alors innocent de sa petite sœur. Son cœur d'aîné en avait été brisé. Ses deux autres frères et sœurs, Antoine et Margot, avaient essayé de lui rapporter un cadeau en cachette : un petit loup en peluche trouvé dans les affaires oublié de leur école primaire. Maman l'avait découvert et l'avait déchiré puis jeté à la poubelle, ce même jour.

Damien avait alors comprit qu'il était inutile d'espérer quoique se soit de gentils de la part de Papa ou de Maman. Pourtant, ils n'avaient pas toujours été comme ça. Maman était gentille avant. Elle venait tous les jours à l'école récupérée ses cinq petits marmots, comme elle aimait les appeler. Elle faisait des crêpes le dimanche et venait même raconter une histoire de temps en temps avant de dormir. Mais un jour Maman avait goûté le poison.

Le poison était caché dans la grande armoire de la cuisine, tout en haut. Sans une chaise, Damien ne peut pas l'atteindre. Au début, Maman prenait un verre de poison seulement, ça ne lui faisait rien. Elle restait la même Maman qui les bordait le soir. Mais rapidement, c'était devenu trois verres puis sept, puis quinze. Elle avait toujours l'air ensorcelée après en avoir bu. Avec le temps, il avait de plus en plus de poison à la maison. Et Maman ne cachait même plus les fioles en haut de l'armoire. Le poison était partout. Il avait gagné contre Maman et était devenu une potion sans laquelle elle ne pouvait plus vivre. Ça l'avait transformé.

Papa ne touchait pas au poison. En-tout-cas pas à la maison. Contrairement à Maman, il n'avait pas trop changé. Il avait toujours été grognon et en colère. Mais un jour, Papa était sortie tard un soir et quand il était rentré, il s'était transformé. C'était devenu un monstre incontrôlable, un squelette tout rouge qui avait les mêmes vêtements que Papa et qui détruisait tout sur son passage. Damien s'était souvent demandé si le monstre était vraiment Papa. Le petit garçon était aussi certain que le monstre et les fioles de Maman étaient lié, mais il ne savait pas comment ou pourquoi. Il se rappelait juste que quand il avait sept ans et demi, les deux étaient arrivés dans la vie presque paisible de la famille et avaient tout changé.

Maintenant, c'était Damien qui après l'école primaire s'occupait de rentrer avec Antoine, Margot et Lily.

Aujourd'hui, c'était son anniversaire. Ni Maman ni Papa ne lui avaient souhaité. Au contraire, Maman lui avait confié une mission : acheter des œufs en rentrant de l'école. C'était la raison pour laquelle la fratrie de quatre se tenait plantés debout à louché sur le rayon pâtisserie, avec trois malheureux euros en main.

« — Ce n'est pas grave, dit Margot en posant la main sur l'épaule de son grand frère. On mangera du gâteau pour un autre anniversaire !

— Pas sûr, marmonna son jumeau Antoine. »

La petite fille lui fit signe de se taire de manière très peu discrète. Damien savait qu'ils avaient envie de manger tout autant que lui. Et il se sentait impuissant. Alors sans vouloir se faire plus de mal, le jeune garçon fit demi-tour vers le rayon pour lequel ils étaient venus.

Au moment de s'en aller, après avoir payé et que la mission soit accomplie, Damien senti la petite main de Lily lui tirer la manche de sa veste.

« — C'est pour toi, chuchota-t-elle en lui tendant un cadeau. »

Damien pâlit. C'était le gâteau fraise qu'il voulait. Sa petite sœur venait de commettre un vol pour lui. Et malheureusement, Damien n'était pas le seul à avoir fait ce constat.

« — Attendez, bandes de petits voleurs ! S'exclamât le monsieur de la sécurité empêchant les enfants de sortir de l'épicerie. Je vous ai vu. »

Il attrapa les deux enfants par le bras et fronça les sourcils.

« — Où sont vos parents ? »

La suite ? Damien ne s'en rappelait pas bien. La sécurité avait appelé Papa. Il était arrivé, encore plus ronchon et en colère que d'habitude. Damien ne se rappelait plus de ce que Papa avait dit au vigile. Il ne se souvenait plus du trajet jusqu'à la maison, ni de l'accueil de Maman quand Papa les tiraient par le bras. Il se rappelait juste des pleurs d'Antoine, Lily et Margot. Il se rappelait des cris de sa petite sœur quand Papa les avaient tous envoyer dans leurs chambres.

La nuit était tombée et Damien savait qui allait leur rendre visite ce soir : le monstre.

Il avait eu raison. Le squelette avait de nouveau remplacé Papa et il était allé voir les enfants un par un. Il avait fait en sorte que Damien soit le dernier, pour qu'il puisse entendre les cris et les pleurs de Lily, Antoine et Margot.

Damien n'arrivait pas à pleurer. Il n'arrivait même plus à respirer. Le monstre lui avait déjà fait peur, il était déjà venu le voir, mais ce soir, il s'avait que le monstre avait remplacé Papa pour de bons.

Après des heures de cris et de pleurs, le silence régnait dans la maison. Damien s'était mis sous son lit et avait fermé les yeux. Le monstre le retrouverait quand même, il le savait. Et pourtant, il avait eu l'impression qu'il s'était écoulé des heures pendant le silence dans la maison. Le monstre, avait-il attaqué ses frères seulement ? Avait-il été oublié ? Ou, est-ce que le monstre lui offrait comme cadeau d'anniversaire la paix ce soir ? Il aurait préféré être attaqué à la place des autres.

Finalement, la porte de sa chambre s'ouvrît. Damien n'osa pas regarder en direction de celle-ci. Il entendait seulement les pas lourds et lents de la créature. Son souffle se coupa quand le squelette lui tira la jambe pour l'extirper de sous son lit. Il osa finalement ouvrir les yeux pour croiser le regard du monstre, mais la bête n'en avait pas. Il ne possédait pas d'orbes oculaire. Le squelette qui était déjà rouge d'habitude était à présent recouvert de sang. Du sang de Margot. Du sang d'Antoine. Du sang de Lily.

Dans la main de la créature se trouvait un gâteau. Le gâteau. Avec exactement neuf bougies allumer. Avant même qu'il ne le réalise, le squelette écrasé la pâtisserie et les petites flammes encore allumées sur le visage de Damien. Il ne cria même pas de douleur. La bête l'attaqua. Ne ressentant même plus les brûlures, le jeune garçon subit des coups bien plus forts, bien plus longs et bien plus sanglants que ceux de d'habitude. Il n'avait jamais eu aussi mal.

Il entendit le monstre lui souhaiter de sa voix roque un joyeux anniversaire. Puis Damien fini par s'endormir de douleurs. Il rejoint Lily, Margot et Antoine au pays des rêves, heureux que ce soit enfin terminé.

Pour son anniversaire, Damien avait demandé un gâteau à la fraise. Celui à huit euros qui était à moins dix pour-cent après dix-huit heures. C'était la seule chose qu'il avait demandée pour fêter ses neuf ans, et il l'avait eu.

𝘿𝙚𝙨 𝙧𝙚̂𝙫𝙚𝙨 𝙚𝙩 𝙙𝙚𝙨 𝙜𝙚𝙣𝙨 : 𝙝𝙞𝙨𝙩𝙤𝙞𝙧𝙚𝙨 𝙙'𝙝𝙤𝙧𝙧𝙚𝙪𝙧𝙨Où les histoires vivent. Découvrez maintenant